Acte II - Scène VII
(LES MÊMES, SERGE.)
SERGE(arrivant avec deux, bouteilles de champagne. )
Voilà le champagne !
MITTWOCH
Aha !
SERGE(poussant une exclamation de surprise à la vue du spectacle qui se présente à ses yeux. )
Oh !
ISIDORE(voulant se lever. )
Oh !
PAULETTE(le retenant. )
Qu'est-ce qu'il y a ?
ISIDORE(se débattant. )
M. le comte ! Madame ! Monsieur le comte !
PAULETTE
Eh ! bien, quoi ?
SERGE(qui a déposé les bouteilles sur la table, bondissant vers le couple, saisissant Isidore par le bras et le faisant pirouetter, ce qui. renverse à moitié Paulette sur la chaise-longue. )
Oh ! tonnerre !
PAULETTE(furieuse de cette bousculade. )
Oh ! ben, voyons !
SERGE
Polisson !… voulez-vous foutre le camp ! Voulez-vous foutre le camp !
ISIDORE
Oui, monsieur ! oui, monsieur !
PAULETTE
Ah ! çà ! tu es fou !
MITTWOCH
Voyons, mon cher comte…
SERGE
Foutez-moi la paix !
ISIDORE
Qu'est-ce que je disais à madame ? qu'est-ce que je disais que monsieur le comte…
SERGE
Voulez-vous me foutre le camp !
ISIDORE
Oui, monsieur.
(Il sort précipitamment à droite.)
SERGE
Oh ! oh ! oh !
PAULETTE
Ah çà ! qu'est-ce qui te prend, toi ?
SERGE
Comment ?
PAULETTE
De quoi te mêles-tu ? Est-ce que tu vas venir te jeter dans mes jambes et me mettre des bâtons dans les roues ?
SERGE
Comment, quand je trouve ce larbin sur tes genoux !
PAULETTE
Larbin ! on t'en donnera des larbins de ce prix-là ! En quoi diffère-t-il donc de toi, si ce n'est qu'il a cent millions et que toi tu n'as plus le sou ?
SERGE
C'est bien à toi de me le reprocher.
PAULETTE
Enfin, est-ce vrai ? alors quoi, tu n'as pas l'intention de continuer à m'entretenir, n'est-ce pas !
SERGE
Tu sais très bien que je ne peux pas !
PAULETTE
Eh ! bien, alors, ne te mêle donc pas de mes actes et laisse-moi diriger ma vie comme il me plaît.
SERGE
Tout de même, être remplacé par ton domestique…
PAULETTE
Eh ! si ce n'est que ça, je ne le garde pas. Il n'est plus à mon service. Je suis correcte.
MITTWOCH
D'ailleurs, quoi ? un domestique ! c'est l'habit qui fait le moine ; habillé comme vous et moi, où est la différence ?
PAULETTE
Mais dame !
MITTWOCH
Et alors, déshabillé…
PAULETTE
Oui.
MITTWOCH
Il faut le savoir.
PAULETTE
Enfin, voyons ! ce matin, tu étais raisonnable ! Tu t'étais rendu à l'évidence…
SERGE
Tu as raison ! Je me suis laissé encore emballer. J'ai eu tort.
MITTWOCH
Voilà, vous avez eu tort.
SERGE
Ah ! vous, je ne vous demande pas votre avis.
MITTWOCH
Ah ! pardon !
SERGE
Je n'ai pas le droit d'être une entrave dans ta vie. Va, rappelle Isidore. Va…
PAULETTE
Tu devrais le rappeler toi-même. Après la bousculade de tout à l'heure, un mot de toi, ça lui fera plaisir.
SERGE
Soit ! je vais le sonner.
PAULETTE
Tu n'y penses pas, sonner un millionnaire.
MITTWOCH
Comme un valet de chambre.
PAULETTE
Il est là, à côté, tu peux bien l'appeler. Tu peux bien faire deux pas ! Tu lui dois bien ça.
SERGE
Soit ! (Allant ouvrir la porte et d'une voix dure.)
Isidore !
PAULETTE
Oh ! mais pas comme ça. Ça n'est pas un chien.
SERGE(fait un effort sur lui-même et d'une voix qu'il s'efforce de rendre douce. )
Isidore ! Si vous voulez revenir !