Scène première



Victor puis Ventroux
Au lever du rideau. Victor, sur un escabeau, arrange le cordon de tirage du store de la fenêtre. A la cantonade, dans la chambre de Clarisse, on entend des bribes de conversation où domine la voix de Ventroux et de son fils, la voix de Clarisse étant plus lointaine, comme venant d'une pièce plus éloignée.

Ventroux (voix)
Comment ? Qu'est-ce que tu dis Clarisse ?
(Voix de Clarisse trop lointaine pour qu'on comprenne ce qu'elle dit)

Ventroux (voix)
Oh ! bien, je ne sais pas ; aussitôt la fin de la session, nous partirons pour Cabourg.

Fils de Ventroux (voix)
Oh ! c'est ça, papa ! Oh ! oui, pour Cabourg !

Ventroux (voix)
Oh ! ben, quoi ! Attends que la Chambre soit en vacances !

Clarisse (voix, au même diapason que les autres.)
Attendez, mes enfants, que je prenne ma chemise de nuit !

Ventroux (Voix indignée)
Oh ! Clarisse ! Clarisse ! Voyons, tu perds la tête !

Clarisse (voix)
Pourquoi ?

Ventroux (voix)
Mais je t'en prie ! Voyons, regarde-toi ! il y a ton fils !!

Clarisse (voix)
Eh ! ben, oui ! ben oui ! le temps de prendre ma chemise de nuit, et…

Ventroux (voix)
Mais non ! Mais non ! Je t'en prie, voyons ! tu es folle ! On te voit. Va-t'en !

Clarisse (voix)
Ah ! Et puis, tu m'ennuies ! Si tu dois faire des scènes…

Ventroux (voix)
Ah ! non, tiens ! J'aime mieux m'en aller ! plutôt que de voir des choses… ! Et puis, toi, Auguste, qu'est-ce que tu as besoin de traîner dans la chambre de ta mère ?

Victor (qui, depuis un moment, s'est arrêté de son travail pour prêter l'oreille avec un hochement de tête.)
Ils se bouffent !

Ventroux (voix)
Allez, fiche-moi le camp !

Fils de Ventroux (voix)
Oui, papa.

Ventroux (paraissant en scène et faisant claquer la porte sur lui.)
Non ! Ce manque de pudeur !… (A Victor.)
Et puis, qu'est-ce que vous faites là, vous ?

Victor (toujours sur son escabeau.)
J'arrange les cordons de tirage.

Ventroux
Vous ne pouvez pas vous en aller quand vous entendez que je… que je cause avec Madame ?

Victor
Je voulais finir, Monsieur.

Ventroux
Oui ! pour mieux écouter aux portes ?

Victor
Aux portes !… Je suis à la fenêtre.

Ventroux
C'est bon ! allez-vous en !

Victor (abandonnant son store, qu'il laisse tiré grand ouvert, et descendant de son escabeau.)
Oui, Monsieur.
(Il fait basculer les marches inférieures de l'escabeau, de façon à le replier.)

Ventroux
Et emportez votre escabeau !

Victor
Oui, Monsieur.
(Il sort en emportant l'escabeau.)
Ventroux lui refermant avec humeur le battant de la porte sur le dos. - Il faut toujours qu'on l'ait dans les jambes, celui-là
Il descend et, maussade, va s'asseoir à droite de la table.

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