AGENOR, MARTIN
MARTIN et AGENOR restent en face l'un de l'autre, leur carabine à la main. Moment de silence. Puis ils vont déposer leurs carabines, se saluent très froidement. AGENOR s'assoit près de la table, la tête dans ses mains; MARTIN remonte comme pour sortir.
MARTIN(au fond, se retournant.)
Eh bien, monsieur, voilà la femme à qui vous avez sacrifié notre amitié.
AGENOR(assis.)
Quelle leçon!… j'étais jeune, j'étais beau, j'appartenais à l'état-major…
MARTIN
L'état-major n'est pas une excuse… Enfin nous voilà veufs !
AGENOR
Ça, c'est un petit malheur !
MARTIN
Je dis: nous… parce que vous êtes logé à la même enseigne que moi… et j'en suis bien aise… ce que j'étais, vous l'êtes.
AGENOR(timidement.)
Je le suis même plus que vous… c'est plus frais.
MARTIN(souriant et à part.)
C'est juste, c'est plus… il a de l'esprit ! (Haut, sérieux.)
Nous n'avons plus rien à nous dire… Adieu, monsieur !
(Il remonte.)
AGENOR(se levant.)
Inexorable ?
MARTIN
L'honneur l'exige.
AGENOR(gagnant la droite en le suivant.)
Cependant, si un jour le ciel voulait que vous fussiez malade…
MARTIN(se retournant.)
Eh bien ?
AGENOR
Me permettriez-vous de venir m'asseoir à votre chevet?
MARTIN
J'ai Pionceux.
AGENOR
Un mercenaire!… je n'oublierai jamais avec quel dévouement vous m'avez soigné à Chamounix.
MARTIN(vivement.)
Ne parlons pas de ça ! (A part.)
Le laudanum…
(Il est descendu à gauche, près de la table.)
AGENOR
Avant de nous séparer, accordez-moi une dernière faveur.
MARTIN
Laquelle ?
AGENOR(tirant le rond de serviette de sa poche et le posant sur la table.)
Acceptez mon rond.
MARTIN(après une courte lutte, tirant une tabatière de sa poche et prenant une prise.)
Soit… mais, comme il ne me convient pas d'être en reste avec vous… voici ma tabatière. (Il la pose sur la table.)
AGENOR
Oh ! merci ! (Il la couvre de baisers.)
Elle ne me quittera plus !
MARTIN
Abrégeons cette scène déchirante… Adieu pour jamais !
AGENOR(s'éloignant.)
Pour jamais !… pourrons-nous nous écrire?
MARTIN
Bien entendu.
AGENOR
Fatal honneur !
MARTIN
Fatal honneur ! (Il s'assoit devant la table et prend machinalement un jeu de cartes.)
Quand je pense qu'un jour, cet homme s'est battu pour moi… qu'il a exposé son sang!…
AGENOR(s'approchant de la table.)
Vous m'avez bien sauvé de la déconfiture.
(Il s'assied en face de MARTIN.)
MARTIN
Ne parlons pas de ça ! (Par habitude.)
Coupe donc.
AGÉRON(coupant)
Ah ! je ne l'oublierai jamais ! j'ai pu être étourdi, léger même… mais je ne suis pas un ingrat. On ne m'a jamais accusé d'être un ingrat.
MARTIN(qui a donné les cartes.)
C'est vrai… vous avez d'autres défauts.
AGENOR(annonçant son jeu.)
Soixante de dames!
MARTIN(bondissant.)
Encore !
AGENOR(vivement.)
Non ! non ! je ne les marque pas !
MARTIN(à part.)
Son repentir commence ! La leçon a porté !
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Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
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