Le Prix Martin
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ACTE II - Scène première

Eugène Labiche

ACTE II - Scène première


MARTIN, HERNANDEZ, LOÏSA, puis PIONCEUX. Au lever du rideau, HERNANDEZ et LOISA sont en scène, et MARTIN sort avec précaution, sur la pointe des pieds, d'une chambre à droite, celle d'AGENOR.

LOÏSA(à MARTIN, à voix basse.)
Eh bien, comment va-t-il ?

MARTIN(à voix basse.)
Chut ! il dort !

LOÏSA(à voix basse.)
Pauvre garçon ! il a été bien malade toute la nuit. Ses yeux semblaient nous dire adieu pour toujours.

HERNANDEZ(très haut.)
Bah ! il est coriace !

MARTIN(à voix basse.)
Pas si haut ! Il a attrapé hier un chaud et froid à la source de l'Arveyron.

LOÏSA
Il faisait tant de vent !

HERNANDEZ(avec mépris.)
Ça, des hommes ! Un courant d'air les met sur le flanc. (Très haut.)
Moi, je me déshabille et je me promène au milieu de la tempête !

MARTIN
Mais pas si haut !

HERNANDEZ
Ah ! c'est embêtant, de causer comme ça !
(Il va s'asseoir sur le divan.)

MARTIN
Nous voilà encore obligés de coucher à Chamounix. (Échangeant un regard avec HERNANDEZ.)
Nous ne partirons donc jamais pour la Handeck !

LOÏSA
Qu'est-ce qui nous presse ? Vous êtes insupportable avec votre Handeck ! Qu'est-ce que vous voulez y faire, voyons ?

MARTIN(vivement.)
Rien ! Je parle comme touriste.

PIONCEUX(entrant du fond et très haut à la cantonade.)
Non, ça ne peut pas durer comme ça. MARTIN et

LOÏSA
Chut ! plus bas !

MARTIN(à PIONCEUX qui est descendu.)
Voyons, qu'est-ce qu'il y a?

PIONCEUX
Il y a que je me plains de la nourriture ! On ne nous donne que les restes de la table d'hôte… et je ne mange que des carcasses et des têtes de lapin !

MARTIN
Gourmand !

PIONCEUX
Ce matin, j'ai demandé de la soupe : on m'a servi un œil de veau dans de l'eau chaude. Oh ! la Suisse !

MARTIN
Tu veux peut-être qu'on te serve des blancs de poulet ?

PIONCEUX
Pourquoi pas?… Ma mère ne vous marchandait pas la nourriture, elle!

MARTIN(passant à droite.)
Ah ! tu m'ennuies ! Va-t'en !

PIONCEUX(remontant, puis revenant.)
Oui, Monsieur… Ah! j'oubliais de vous dire: le docteur est là.

MARTIN
Et tu ne nous préviens pas, animal ! Fais-le entrer chez M. Montgommier, je le rejoins.

PIONCEUX
Tout de suite. (A part.)
Il y a un poulet à la broche, je le guette !… (En sortant.)
Oh ! la Suisse !
(Il sort par le fond.)

LOÏSA(à MARTIN.)
Allez vite à la consultation… Je crains une fluxion de poitrine… Expliquez bien au docteur que M. Agénor a eu une bronchite en 69 et une entorse en 71.

MARTIN
Oui, sois tranquille.
(Il entre chez AGENOR.)


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