LES MEMES, EDMOND, BATHILDE
EDMOND(entrant avec BATHILDE, et saluant.)
Madame… messieurs… permettez-moi de vous présenter ma femme. (PIONCEUX sort.)
LOÏSA. —Madame. (Elle fait asseoir BATHILDE près d'elle, sur le canapé. Tout le monde s'assoit.)
Vous faites déjà vos visites ?
BATHILDE
Mon Dieu oui… maman m'a dit: "Il faut vous en débarrasser tout de suite."
EDMOND
D'autant plus que nous partons ce soir. J'ai une botte de cartes avec P.P.C… Pour Prendre Congé.
LOÏSA
Et, quand vous ne rencontrez personne… vous dites: "Une de moins !…"
BATHILDE
Autant de gagné !
EDMOND(toussant pour l'avertir.)
Hum ! hum ! (Haut, gracieusement.)
Nous ne disons pas cela partout.
BATHILDE
Oh ! presque !
MARTIN(à part.)
Elle est charmante ! un peu bébête ! (Haut.)
Et où allez-vous passer votre lune de miel ?
EDMOND
En Suisse. Je viens d'acheter le guide.
(BATHILDE agite son mouchoir.)
AGENOR(à part.)
Le mouchoir! déjà!…
LOÏSA
Quelle partie de la Suisse comptez-vous visiter ?
BATHILDE
Oh ! je ne sais pas, moi, il faut demander ça à Edmond.
EDMOND
Nous entrerons par Genève, Chamounix et ensuite l'Oberland… Je tiens surtout à faire voir à mademoiselle… (On rit. Se reprenant.)
à madame Bartavelle ! la chute de l'Aar à la Handeck.
LOÏSA
C'est curieux?
EDMOND
C'est ce qu'on appelle une belle horreur. Figurez-vous des rochers à pic… non… je vais vous en lire la description.
(Il ouvre son guide. BATHILDE agite son mouchoir.)
MARTIN
Madame est peut-être un peu pressée?
BATHILDE
Oh ! pas du tout ! nous avons tout le temps.
EDMOND(qui a cherché dans le guide.)
Ah ! voilà !… La Handeck. Écoutez ça. (Lisant.)
"En approchant de ces vastes solitudes, l'âme est pénétrée d'un sentiment religieux. On prend un petit sentier à gauche…" (BATHILDE agite plus vivement son mouchoir.)
AGENOR(à part.)
Le mouchoir a des attaques de nerfs !
EDMOND(lisant.)
"Enfin l'on arrive. Quel admirable tableau !… O sceptique, découvre-toi ! Au sommet d'un rocher à pic, couronné de pins noirs (pinus nigra)
, deux torrents se précipitent, en se choquant avec un bruit formidable, dans un gouffre sans fond."
LOÏSA(avec terreur.)
C'est effrayant !
EDMOND(lisant.)
"Le voyageur tremble, car l'abîme l'attire, et, courbé sous la main puissante de la nature, il plie le genou et s'écrie… (Tournant la page.)
On trouve au chalet de la Handeck, du pain, du fromage et du kirschwasser." (S'arrêtant.)
Mais ça ne se suit pas… Ah ! j'ai tourné deux pages.
(BATHILDE agite son mouchoir.)
AGENOR(à part.)
Il est donc aveugle?
(Il tire son mouchoir et l'agite aussi.)
LOÏSA
Que ça doit être beau, cette chute de l'Aar. (A MARTIN.)
Mon ami, pourquoi n'irionsnous pas aussi en Suisse?
MARTIN
Oh ! la Suisse !… on s'en fait une idée… Figure-toi le Mont-Valérien… plus haut… voilà la Suisse!
LOÏSA
Oui, mais là on ne court aucun danger… tandis qu'à la Handeck…
EDMOND
Il suffit d'un simple faux pas… On parle d'un Anglais qui avait à se plaindre de sa femme. Il la conduisit à la chute de l'Aar et, avec le petit doigt, il la poussa dans le trou !
LOÏSA
Ah ! c'est horrible !
BATHILDE
On ne l'a retrouvée que cinq ans après.
AGENOR
Bien changée.
(BATHILDE agite son mouchoir.)
LOÏSA
Monsieur Edmond… madame vous fait le signal du départ.
BATHILDE
Oh ! non ! ce n'est pas ça… ce sont les mouches qui me tourmentent.
MARTIN(à part.)
Elle est charmante! un peu bébête!…
LOÏSA
Combien vous reste-t-il de visites à faire ?
BATHILDE
Vingt-cinq avant dîner !
LOÏSA(se levant.)
Vous n'avez pas une minute à perdre.
EDMOND
Puisque vous le permettez…
(On se lève.)
BATHILDE
Nous resterons plus longtemps à notre retour.
LOÏSA
Je vous souhaite un bon voyage, chère madame.
MARTIN
Et prenez garde à la Handeck.
EDMOND(à BATHILDE.)
Oui. Si vous n'êtes pas gentille… je ferai comme l'Anglais : je vous pousserai dans le trou.
BATHILDE
Oh ! je ne vous crains pas, allez ! (Saluant.)
Madame, messieurs…
MARTIN
Je sors avec vous ; je vais au Crédit foncier.
(MARTIN, EDMOND et BATHILDE sortent par le fond.)
LOÏSA(à part.)
Ce n'est pas malheureux, les voilà partis !
(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
(BLANCMINET; PUIS ANTOINE; PUIS BOURGILLON; PUIS LOISEAU Le théâtre représente un jardin. Grille d'entrée au fond ; à droite, l'étude ; à gauche, un pavillon servant à serrer des instruments...
(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...