ACTE troisième - Scène VIII
(SALOMITH LE CHŒUR.)
SALOMITH
Que de craintes, mes sœurs, que de troubles mortels !
Dieu tout-puissant, sont-ce là les prémices,
Les parfums et les sacrifices
Qu'on devait en ce jour offrir sur tes autels ?
UNE DES FILLES DU CHŒUR
Quel spectacle à nos yeux timides !
Qui l'eût cru qu'on dût voir jamais
Les glaives meurtriers, les lances homicides,
Briller dans la maison de paix ?
UNE AUTRE
D'ou vient que, pour son Dieu pleine d'indifférence,
Jérusalem se tait en ce pressant danger ?
D'où vient, mes sœurs, que pour nous protéger
Le brave Abner au moins ne rompt pas le silence ?
SALOMITH
Hélas ! dans une cour où l'on n'a d'autres lois
Que la force et la violence,
Où les honneurs et les emplois
Sont le prix d'une aveugle et basse obéissance,
Ma sœur, pour la triste innocence
Qui voudrait élever la voix ?
UNE AUTRE
Dans ce péril, dans ce désordre extrême,
Pour qui prépare-t-on le sacré diadème ?
SALOMITH
Le Seigneur a daigné parler.
Mais ce qu'à son prophète il vient de révéler,
Qui pourra nous le faire entendre ?
S'arme-t-il pour nous défendre ?
S'arme-t-il pour nous accabler ?
TOUT LE CHŒUR (CHANTE.)
Ô promesse ! ô menace ! ô ténébreux mystère !
Que de maux, que de biens sont prédits tour à tour !
Comment peut-on avec tant de colère
Accorder tant d'amour ?
UNE VOIX (, seule.)
Sion ne sera plus ; une flamme cruelle
Détruira tous ses ornements.
UNE AUTRE VOIX
Dieu protège Sion ; elle a pour fondements
Sa parole éternelle.
LA PREMIÈRE
Je vois tout son éclat disparaître à mes yeux.
LA SECONDE
Je vois de toutes parts sa clarté répandue.
LA PREMIÈRE
Dans un gouffre profond Sion est descendue.
LA SECONDE
Sion a son front dans les cieux.
LA PREMIÈRE
Quel triste abaissement !
LA SECONDE
Quelle immortelle gloire !
LA PREMIÈRE
Que de cris de douleur !
LA SECONDE
Que de chants de victoire !
UNE TROISIÈME
Cessons de nous troubler : notre Dieu quelque jour
Dévoilera ce grand mystère.
TOUTES TROIS
Révérons sa colère ;
Espérons en son amour.
UNE AUTRE
D'un cœur qui t'aime,
Mon Dieu, qui peut troubler la paix ?
Il cherche en tout ta volonté suprême,
Et ne se cherche jamais.
Sur la terre, dans le ciel même,
Est-il d'autre bonheur que la tranquille paix
D'un cœur qui t'aime ?