ACTE cinquième - Scène V
(ATHALIE JOAS, caché derrière le rideau, JOAD, JOSABET, ABNER, SUITE D'ATHALIE.)
ATHALIE (à Joad.)
Te voilà, séducteur,
De ligues, de complots pernicieux auteur,
Qui dans le trouble seul a mis tes espérances,
Éternel ennemi des suprêmes puissances.
En l'appui de ton Dieu tu t'étais reposé.
De ton espoir frivole es-tu désabusé ?
Il laisse en mon pouvoir et son temple et ta vie.
Je devrais sur l'autel où ta main sacrifie
Te… Mais du prix qu'on m'offre il faut me contenter.
Ce que tu m'as promis, songe à l'exécuter :
Cet enfant, ce trésor qu'il faut qu'on me remette,
Où sont-ils ?
JOAD
Sur-le-champ tu seras satisfaite :
Je te les vais montrer l'un et l'autre à la fois.
(Le rideau se tire.)
Paraissez, cher enfant, digne sang de nos rois.
Connais-tu l'héritier du plus saint des monarques,
Reine ? De ton poignard connais du moins ces marques.
Voilà ton roi, ton fils, le fils d'Ochosias.
Peuples, et vous, Abner, reconnaissez Joas.
ABNER
Ciel !
ATHALIE (à Joad.)
Perfide !
JOAD
Vois-tu cette Juive fidèle
Dont tu sais bien qu'alors il suçait la mamelle ?
Il fut par Josabet à ta rage enlevé.
Ce temple le reçut, et Dieu l'a conservé.
Des trésors de David voilà ce qui me reste.
ATHALIE
Ta fourbe à cet enfant, traître, sera funeste.
D'un fantôme odieux, soldats, délivrez-moi.
JOAD
Soldats du Dieu vivant, défendez votre roi.
(Ici le fond du théâtre s'ouvre : on voit le dedans du temple, et les lévites armés sortent de tous côtés sur la scène.)
ATHALIE
Où suis-je ? ô trahison ! ô reine infortunée !
D'armes et d'ennemis je suis environnée.
JOAD
Tes yeux cherchent en vain, tu ne peux échapper,
Et Dieu de toutes parts a su t'envelopper.
Ce Dieu que tu bravais en nos mains t'a livrée.
Rends-lui compte du sang dont tu t'es enivrée.
ATHALIE
Quoi ? la peur a glacé mes indignes soldats ?
Lâche Abner, dans quel piège as-tu conduit mes pas !
ABNER
Reine, Dieu m'est témoin…
ATHALIE
Laisse là ton Dieu, traître,
Et venge-moi !
ABNER (se jetant aux pieds de Joas.)
Sur qui ? Sur Joas ! sur mon maître !
ATHALIE
Lui Joas ? lui ton roi ? Songez, méchants, songez
Que mes armes encor vous tiennent assiégés.
J'entends à haute voix tout mon camp qui m'appelle.
On vient à mon secours. Tremblez, troupe rebelle !