ACTE cinquième - Scène I
(ZACHARIE SALOMITH, LE CHŒUR.)
SALOMITH
Cher Zacharie, eh bien, que nous apprenez-vous ?
ZACHARIE
Redoublez au Seigneur votre ardente prière,
Peut-être nous touchons à notre heure dernière.
Pour l'horrible combat, ma sœur, l'ordre est donné.
SALOMITH
Que fait Joas ?
ZACHARIE
Joas vient d'être couronné.
Le grand-prêtre a sur lui répandu l'huile sainte.
Ô ciel ! dans tous les yeux quelle joie était peinte
À l'aspect de ce roi racheté du tombeau !
Ma sœur, on voit encor la marque du couteau.
On voit paraître aussi la fidèle nourrice,
Qui cachée en un coin de ce vaste édifice,
Gardait ce cher dépôt, et n'avait de ses soins
Que les yeux de ma mère et que Dieu pour témoins.
Nos lévites pleuraient de joie et de tendresse,
Et mêlaient leurs sanglots à leurs cris d'allégresse.
Lui, parmi ces transports, affable et sans orgueil,
À l'un tendait la main, flattait l'autre de l'œil,
Jurait de se régler par leurs avis sincères,
Et les appelait tous ses pères ou ses frères.
SALOMITH
Ce secret au dehors est-il aussi semé ?
ZACHARIE
Ce secret dans le temple est encor renfermé.
Des enfants de Lévi la troupe partagée
Dans un profond silence aux portes s'est rangée.
Tous doivent à la fois précipiter leurs pas,
Et crier pour signal : "Vive le roi Joas !"
Mais mon père défend que le roi se hasarde,
Et veut qu'Azarias demeure pour sa garde.
Cependant Athalie, un poignard à la main,
Rit des faibles remparts de nos portes d'airain.
Pour les rompre, elle attend les fatales machines,
Et ne respire enfin que sang et que ruines.
Quelques prêtres, ma sœur, ont d'abord proposé
Qu'en un lieu souterrain, par nos pères creusé,
On renfermât du moins notre arche précieuse.
"Ô crainte, a dit mon père, indigne, injurieuse !
L'arche qui fit tomber tant de superbes tours,
Et força le Jourdain de rebrousser son cours,
Des dieux des nations tant de fois triomphante,
Fuirait donc à l'aspect d'une femme insolente !"
Ma mère, auprès du roi, dans un trouble mortel,
L'œil tantôt sur ce prince et tantôt vers l'autel,
Muette, et succombant sous le poids des alarmes,
Aux yeux les plus cruels arracherait des larmes.
Le roi de temps en temps la presse entre ses bras,
La flatte… Chères sœurs, suivez toutes mes pas ;
Et s'il faut aujourd'hui que notre roi périsse,
Allons, qu'un même sort avec lui nous unisse.
SALOMITH
Quelle insolente main frappe à coups redoublés ?
Qui fait courir ainsi ces lévites troublés ?
Quelle précaution leur fait cacher leurs armes ?
Le temple est-il forcé ?
ZACHARIE
Dissipez vos alarmes :
Dieu nous envoie Abner.