ACTE troisième - Scène III



(Andromède, attachée au rocher ; Persée, en l'air, sur le cheval Pégase ; Cassiope, Timante et le chœur sur le rivage.)

TIMANTE (, montrant Persée à Cassiope, et l'empêchant de se jeter en la mer.)
Courez-vous à la mort quand on vole à votre aide ?
Voyez par quels chemins on secourt Andromède ;
Quel héros, ou quel dieu sur ce cheval ailé…

CASSIOPE
Ah ! c'est cet inconnu par mes cris appelé,
C'est lui-même, seigneur, que mon âme étonnée…

PERSÉE (, en l'air, sur le Pégase.)
Reine, voyez par là si je vaux bien Phinée,
Si j'étais moins que lui digne de votre choix,
Et si le sang des dieux cède à celui des rois.

CASSIOPE
Rien n'égale, seigneur, un amour si fidèle ;
Combattez donc pour vous en combattant pour elle :
Vous ne trouverez point de sentiments ingrats.

PERSÉE (, à Andromède.)
Adorable princesse, avouez-en mon bras.

CHŒUR (, cependant que Persée combat le monstre.)
Courage, enfant des dieux, elle est votre conquête ;
Et jamais amant ni guerrier
Ne vit ceindre sa tête
D'un si beau myrte ou d'un si beau laurier.

UNE VOIX (, seule.)
Andromède est le prix qui suit votre victoire :
Combattez, combattez ;
Et vos plaisirs et votre gloire
Rendront jaloux les dieux dont vous sortez.

CHŒUR (, répète.)
Courage, enfant des dieux, elle est votre conquête ;
Et jamais amant ni guerrier
Ne vit ceindre sa tête
D'un si beau myrte ou d'un si beau laurier.

TIMANTE (, à la reine.)
Voyez de quel effet notre attente est suivie,
Madame ; elle est sauvée, et le monstre est sans vie.

PERSÉE (, ayant tué le monstre.)
Rendez grâces au dieu qui m'en a fait vainqueur.

CASSIOPE
Ô ciel ! que ne vous puis-je assez ouvrir mon cœur !
L'oracle de Vénus enfin s'est fait entendre :
Voilà ce dernier choix qui nous devait tout rendre ;
Et vous êtes, seigneur, l'incomparable époux
Par qui le sang des dieux se doit joindre avec nous.
Ne pense plus, ma fille, à ton ingrat Phinée ;
C'est à ce grand héros que le sort t'a donnée ;
C'est pour lui que le ciel te destine aujourd'hui ;
Il est digne de toi, rends-toi digne de lui.

PERSÉE
Il faut la mériter par mille autres services ;
Un peu d'espoir suffit pour de tels sacrifices.
Princesse, cependant quittez ces tristes lieux,
Pour rendre à votre cour tout l'éclat de vos yeux.
Ces vents, ces mêmes vents qui vous ont enlevée,
Vont rendre de tout point ma victoire achevée :
L'ordre que leur prescrit mon père Jupiter
Jusqu'en votre palais les force à vous porter,
Les force à vous remettre où tantôt leur surprise…

ANDROMÈDE
D'une frayeur mortelle à peine encore remise,
Pardonnez, grand héros, si mon étonnement
N'a pas la liberté d'aucune remercîment.

PERSÉE
Venez, tyrans des mers, réparer votre crime,
Venez restituer cette illustre victime ;
Méritez votre grâce, impétueux mutins,
Par votre obéissance au maître des destins.
(Les vents obéissent aussitôt à ce commandement de Persée ; et on les voit en un moment détacher cette princesse, et la reporter par-dessus les flots jusqu'aux lieux d'où ils l'avaient apportée au commencement de cet acte. En même temps Persée revole en haut sur son cheval ailé ; et, après avoir fait un caracol admirable au milieu de l'air, il tire du même côté qu'on a vu disparaître la princesse : tandis qu'il vole, tout le rivage retentit de cris de joie et de chants de victoire.)

CASSIOPE (, voyant Persée revoler en haut après sa victoire.)
Peuple, qu'à pleine voix l'allégresse publique
Après un tel miracle en triomphe s'explique,
Et fasse retentir sur ce rivage heureux
L'immortelle valeur d'un bras si généreux.

CHŒUR
Le monstre est mort, crions victoire,
Victoire tous, victoire à pleine voix ;
Que nos campagnes et nos bois
Ne résonnent que de sa gloire.
Princesse, elle vous donne enfin l'illustre époux
Qui seul était digne de vous.
Vous êtes sa digne conquête.
Victoire tous, victoire à son amour !
C'est lui qui nous rend ce beau jour,
C'est lui qui calme la tempête :
Et c'est lui qui vous donne enfin l'illustre époux
Qui seul était digne de vous.

CASSIOPE (, après que Persée est disparu.)
Dieux ! j'étais sur ces bords immobile de joie !
Allons voir où ces vents ont reporté leur proie,
Embrasser ce vainqueur, et demander au roi
L'effet du juste espoir qu'il a reçu de moi.

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