ACTE quatrième - Scène II



(Andromède, chœur de nymphes.)

ANDROMÈDE
Nymphes, l'auriez-vous cru qu'en moins d'une journée
J'aimasse de la sorte un autre que Phinée ?
Le roi l'a commandé, mais de mon sentiment
Je m'offrais en secret à son commandement.
Ma flamme impatiente invoquait sa puissance,
Et courait au-devant de mon obéissance.
Je fais plus ; au seul nom de mon premier vainqueur,
L'amour à la colère abandonne mon cœur ;
Et ce captif rebelle, ayant brisé sa chaîne,
Va jusques au dédain, s'il ne passe à la haine.
Que direz-vous d'un change et si prompt et si grand,
Qui dans ce même cœur moi-même me surprend ?

AGLANTE
Que pour faire un bonheur promis par tant d'oracles
Cette grande journée est celle des miracles,
Et qu'il n'est pas aux dieux besoin de plus d'effort
À changer votre cœur qu'à changer votre sort.
Cet empire absolu qu'ils ont dessus nos âmes
Éteint comme il leur plaît et rallume nos flammes,
Et verse dans nos cœurs, pour se faire obéir,
Des principes secrets d'aimer et de haïr.
Nous en voyons au votre en cette haute estime
Que vous nous témoigniez pour ce bras magnanime ;
Au défaut de l'amour que Phinée emportait,
Il lui donnait dès lors tout ce qui lui restait ;
Dès lors ces mêmes dieux, dont l'ordre s'exécute,
Le penchaient du côté qu'ils préparaient sa chute ;
Et cette haute estime attendant ce beau jour
N'était qu'un beau degré pour monter à l'amour.

CÉPHALIE
Un digne amour succède à cette haute estime :
Si je puis toutefois vous le dire sans crime,
C'est hasarder beaucoup que croire entièrement
L'impétuosité d'un si prompt changement,
Comme pour vous Phinée eut toujours quelques charmes,
Peut-être il ne lui faut qu'un soupir et deux larmes
Pour dissiper un peu de cette avidité
Qui d'un si gros torrent suit la rapidité.
Deux amants que sépare une légère offense
Rentrent d'un seul coup d'œil en pleine intelligence.
Vous reverrez en lui ce qui le fit aimer,
Les mêmes qualités qu'il vous plut estimer…

ANDROMÈDE
Et j'y verrai de plus cette âme lâche et basse
Jusqu'à m'abandonner à toute ma disgrâce ;
Cet ingrat trop aimé qui n'osa me sauver,
Qui, me voyant périr, voulut se conserver,
Et crut s'être acquitté devant ce que nous sommes,
En querellant les dieux et menaçant les hommes.
S'il eût… Mais le voici ; voyons si ses discours
Rompront de ce torrent ou grossiront le cours.

Autres textes de Pierre Corneille

Tite et Bérénice

"Tite et Bérénice" est une tragédie en cinq actes écrite par Pierre Corneille, jouée pour la première fois en 1670. Cette pièce est inspirée de l'histoire réelle de l'empereur romain...

Théodore

"Théodore" est une tragédie écrite par Pierre Corneille, jouée pour la première fois en 1645. Cette œuvre est notable dans le répertoire de Corneille pour son sujet religieux et son...

Suréna

"Suréna" est une tragédie écrite par Pierre Corneille, présentée pour la première fois en 1674. C'est la dernière pièce écrite par Corneille, et elle est souvent considérée comme une de...

Sophonisbe

"Sophonisbe" est une tragédie écrite par Pierre Corneille, présentée pour la première fois en 1663. Cette pièce s'inspire de l'histoire de Sophonisbe, une figure historique de l'Antiquité, connue pour son...

Sertorius

"Sertorius" est une tragédie écrite par Pierre Corneille, présentée pour la première fois en 1662. Cette pièce se distingue dans l'œuvre de Corneille par son sujet historique et politique, tiré...


Les auteurs


Les catégories

Médiawix © 2024