Acte cinquième - Scène XI



Atalide, Acomat, Osmin, Zaïre

ACOMAT
Ses yeux ne l'ont-ils point séduite ?
Roxane est-elle morte ?

OSMIN
Oui. J'ai vu l'assassin,
Retirer son poignard tout fumant de son sein.
Orcan, qui méditait ce cruel stratagème,
La servait à dessein de la perdre elle-même,
Et le sultan l'avait chargé secrètement
De lui sacrifier l'amante après l'amant.
Lui-même, d'aussi loin qu'il nous a vus paraître :
"Adorez, a-t-il dit, l'ordre de votre maître ;
De son auguste seing reconnaissez les traits,
Perfides, et sortez de ce sacré palais".
À ce discours, laissant la sultane expirante,
Il a marché vers nous, et d'une main sanglante,
Il nous a déployé l'ordre dont Amurat
Autorise ce monstre à ce double attentat.
Mais, seigneur, sans vouloir l'écouter davantage,
Transportés à la fois de douleur et de rage,
Nos bras impatients ont puni son forfait,
Et vengé dans son sang la mort de Bajazet.

ATALIDE
Bajazet !

ACOMAT
Que dis-tu ?

OSMIN
Bajazet est sans vie.
L'ignoriez-vous ?

ATALIDE
Ô ciel !

OSMIN
Son amante en furie,
Près de ces lieux, Seigneur, craignant votre secours,
Avait au nœud fatal abandonné ses jours.
Moi-même des objets j'ai vu la plus funeste,
Et de sa vie en vain j'ai cherché quelque reste :
Bajazet était mort. Nous l'avons rencontré
De morts et de mourants noblement entouré,
Que vengeant sa défaite et cédant sous le nombre,
Ce héros a forcés d'accompagner son ombre.
Mais puisque c'en est fait, Seigneur, songeons à nous.

ACOMAT
Ah ! destins ennemis où me réduisez-vous ?
Je sais en Bajazet la perte que vous faites,
Madame. Je sais trop qu'en l'état où vous êtes
Il ne m'appartient point de vous offrir l'appui
De quelques malheureux qui n'espéraient qu'en lui ;
Saisi, désespéré d'une mort qui m'accable,
Je vais, non point sauver cette tête coupable,
Mais, redevable aux soins de mes tristes amis,
Défendre jusqu'au bout leurs jours qu'ils m'ont commis.
Pour vous, si vous voulez qu'en quelque autre contrée
Nous allions confier votre tête sacrée,
Madame, consultez : maîtres de ce palais,
Mes fidèles amis attendront vos souhaits ;
Et moi, pour ne point perdre un temps si salutaire,
Je cours où ma présence est encor nécessaire ;
Et jusqu'au pied des murs que la mer vient laver,
Sur mes vaisseaux tout prêts je viens vous retrouver.

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