Acte troisième - Scène I



Atalide, Zaïre

ATALIDE
Zaïre, il est donc vrai, sa grâce est prononcée ?

ZAÏRE
Je vous l'ai dit, Madame : une esclave empressée,
Qui courait de Roxane accomplir le désir,
Aux portes du sérail a reçu le vizir.
Ils ne m'ont point parlé ; mais mieux qu'aucun langage,
Le transport du vizir marquait sur son visage
Qu'un heureux changement le rappelle au palais,
Et qu'il y vient signer une éternelle paix.
Roxane a pris sans doute une plus douce voie.

ATALIDE
Ainsi de toutes parts les plaisirs et la joie
M'abandonnent, Zaïre, et marchent sur leurs pas.
J'ai fait ce que j'ai dû ; je ne m'en repens pas.

ZAÏRE
Quoi, Madame ? Quelle est cette nouvelle alarme ?

ATALIDE
Et ne t'a-t-on point dit, Zaïre, par quel charme,
Ou, pour mieux dire enfin, par quel engagement
Bajazet a pu faire un si prompt changement ?
Roxane en sa fureur paraissait inflexible.
A-t-elle de son cœur quelque gage infaillible ?
Parle. L'épouse-t-il ?

ZAÏRE
Je n'en ai rien appris.
Mais enfin s'il n'a pu se sauver qu'à ce prix,
S'il fait ce que vous-même avez su lui prescrire,
S'il l'épouse, en un mot…

ATALIDE
S'il l'épouse, Zaïre !

ZAÏRE
Quoi ! vous repentez-vous des généreux discours
Que vous dictait le soin de conserver ses jours ?

ATALIDE
Non, non ; il ne fera que ce qu'il a dû faire.
Sentiments trop jaloux, c'est à vous de vous taire ;
Si Bajazet l'épouse, il suit mes volontés ;
Respectez ma vertu qui vous a surmontés ;
À ces nobles conseils ne mêlez point le vôtre,
Et loin de me le peindre entre les bras d'une autre,
Laissez-moi sans regret me le représenter
Au trône où mon amour l'a forcé de monter.
Oui, je me reconnais, je suis toujours la même.
Je voulais qu'il m'aimât, chère Zaïre : il m'aime ;
Et du moins cet espoir me console aujourd'hui
Que je vais mourir digne et contente de lui.

ZAÏRE
Mourir ! Quoi ? vous auriez un dessein si funeste ?

ATALIDE
J'ai cédé mon amant : tu t'étonnes du reste ?
Peux-tu compter, Zaïre, au nombre des malheurs
Une mort qui prévient et finit tant de pleurs ?
Qu'il vive, c'est assez. Je l'ai voulu, sans doute,
Et je le veux toujours, quelque prix qu'il m'en coûte.
Je n'examine point ma joie ou mon ennui :
J'aime assez mon amant pour renoncer à lui.
Mais, hélas ! il peut bien penser avec justice
Que si j'ai pu lui faire un si grand sacrifice,
Ce cœur, qui de ses jours prend ce funeste soin,
L'aime trop pour vouloir en être le témoin.
Allons, je veux savoir…

ZAÏRE
Modérez-vous, de grâce.
On vient vous informer de tout ce qui se passe.
C'est le vizir.

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