ACTE III - Scène 10



(JUPITER, CLÉANTHIS, NAUCRATÈS, POLIDAS, SOSIE, AMPHITRYON, ARGATIPHONTIDAS, POSICLÈS.)


JUPITER(dans une nue, sur son aigle, armé de son foudre, au bruit du tonnerre et des éclairs.)
Regarde, Amphitryon, quel est ton imposteur, Et sous tes propres traits vois Jupiter paraître : À ces marques tu peux aisément le connaître ; Et c'est assez, je crois, pour remettre ton cœur Dans l'état auquel il doit être, Et rétablir chez toi la paix et la douceur. Mon nom, qu'incessamment toute la terre adore, Étouffe ici les bruits qui pouvaient éclater. Un partage avec Jupiter N'a rien du tout qui déshonore ; Et sans doute il ne peut être que glorieux De se voir le rival du souverain des Dieux. Je n'y vois pour ta flamme aucun lieu de murmure ; Et c'est moi, dans cette aventure, Qui, tout dieu que je suis, dois être le jaloux. Alcmène est toute à toi, quelque soin qu'on emploie ; Et ce doit à tes feux être un objet bien doux De voir que pour lui plaire il n'est point d'autre voie Que de paraître son époux, Que Jupiter, orné de sa gloire immortelle, Par lui-même n'a pu triompher de sa foi, Et que ce qu'il a reçu d'elle N'a par son cœur ardent été donné qu'à toi.

SOSIE
Le Seigneur Jupiter sait dorer la pilule.

JUPITER
Sors donc des noirs chagrins que ton cœur a soufferts, Et rends le calme entier à l'ardeur qui te brûle : Chez toi doit naître un fils qui, sous le nom d'Hercule, Remplira de ses faits tout le vaste univers. L'éclat d'une fortune en mille biens féconde Fera connaître à tous que je suis ton support, Et je mettrai tout le monde Au point d'envier ton sort. Tu peux hardiment te flatter De ces espérances données ; C'est un crime que d'en douter : Les paroles de Jupiter Sont des arrêts des destinées.
(Il se perd dans les nues.)


NAUCRATÈS
Certes, je suis ravi de ces marques brillantes…

SOSIE
Messieurs, voulez-vous bien suivre mon sentiment ? Ne vous embarquez nullement Dans ces douceurs congratulantes : C'est un mauvais embarquement, Et d'une et d'autre part, pour un tel compliment, Les phrases sont embarrassantes. Le grand Dieu Jupiter nous fait beaucoup d'honneur, Et sa bonté sans doute est pour nous sans seconde ; Il nous promet l'infaillible bonheur D'une fortune en mille biens féconde, Et chez nous il doit naître un fils d'un très grand cœur : Tout cela va le mieux du monde ; Mais enfin coupons aux discours, Et que chacun chez soi doucement se retire. Sur telles affaires, toujours Le meilleur est de ne rien dire. (FIN)

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