ACTE PREMIER - Scène XIII
(LES MEMES MARCASSOL)
MARCASSOL(entrant du fond sans voir Edgard ni Clarisse. Il boite. )
Aïe ! Maudit cheval !… Je me suis flanqué par terre !… J'ai de l'assiette, mais je me flanque par terre…(Apercevant Clarisse.)
Oh ! ma femme !
CLARISSE(à Edgard. )
Mon cher Edgard, laissez-moi vous présenter mon mari.
EDGARD(à part. )
Lui !… Tiens ! il ne me dégoûte pas !
(Edgard et Marcassol se saluent.)
MARCASSOL(se redressant vivement après avoir salué et poussant un petit cri de douleur. )
Aïe ! (à Clarisse)
Qu'est-ce que c'est que celui-là ?
CLARISSE
Monsieur Edgard Fréminet, un ancien ami, dont…
EDGARD
Dites un parent, car nous étions un peu cousins, n'est-il pas vrai ?… on est de la même famille.
MARCASSOL(saluant. )
Ah ! Monsieur, croyez-bien que les parents de nos parents sont nos parents…
EDGARD
Ah ! Monsieur…
CLARISSE
C'est Monsieur Edgard Fréminet dont je t'ai parlé ce matin.
MARCASSOL
Fréminet ? (à part)
elle m'a parlé d'un Zizi, mais jamais d'un Fréminet. (A Edgard.)
Et vous arrivez de loin ?…
EDGARD
De New York pour louer votre entresol qui est libre, je crois !
CLARISSE(à part. )
Que dit-il ?
MARCASSOL
En effet, Monsieur… et du moment que vous êtes parent de ma femme… je serai très heureux…
CLARISSE(bas. )
Comment heureux !… (Haut.)
Je dois vous avertir qu'il est très humide !…
MARCASSOL(bas. )
Mais tais-toi donc ! Tu ne vas pas m'empêcher de louer mon entresol !… voilà deux ans que je ne peux pas arriver à trouver de locataire.
CLARISSE(à part. )
Après tout, c'est vrai !… et puis, autant que ce soit lui qu'un autre.
MARCASSOL(à Edgard. )
Seulement, vous savez, jeune homme, il est un peu cher !…
EDGARD
Je ne regarde pas à la dépense !… mes moyens me le permettent…
MARCASSOL(à part. )
Eh bien, puisqu'il est calé, je peux y aller franchement ! (haut)
alors il est de trois mille…
EDGARD
Parfait ! je le prends !…
MARCASSOL(étonné. )
Ah ! vous… c'est bien !… c'est bien !… (à part)
J'aurais dû le lui mettre à quatre mille. (Poussant un petit cri de douleur.)
Aïe !
CLARISSE(avec intérêt. )
Qu'est-ce que tu as ?
MARCASSOL
Rien !
CLARISSE
Mais si ! tu as fait "aïe" !
MARCASSOL
Eh bien ! qu'est-ce que ça prouve ? J'ai fait "aie" !… Tu ne vas pas m'empêcher de faire "aie" si ça me fait plaisir !…
EDGARD(à part. )
Ah ! mais, ils ont l'air de s'entendre à merveille !
CLARISSE(à Marcassol. )
Tu n'en a pas moins quelque chose… Tiens ! tu boites !
MARCASSOL
Eh ! bien, oui, là… je boite !
CLARISSE
Que t'est-il arrivé ?
MARCASSOL
Eh bien, voilà. J'étais à cheval… (se reprenant)
à cheval sur une chaise… chez la Comtesse, tu sais… à califourchon… c'est plus commode pour inspecter des plafonds… Tout à coup une poutre… c'est-à- dire non… un moellon énorme… je n'ai pas pensé à te l'apporter… est tombé comme ça… boum !
CLARISSE
Sur ta tête ?…
MARCASSOL
Non… plus bas !… à ce moment-là, j'inspectais les planchers ! alors tu comprends… le choc (à part)
Ouf !…
CLARISSE(le câlinant. )
Ah ! mon pauvre ami ! Et tu souffres beaucoup ! Mais il faudrait mettre quelque chose…
EDGARD(à part. )
J'ai une position un peu ridicule, moi !… cela a un nom, le rôle qu'on me fait tenir…
CLARISSE(subitement. )
Ah ! la chandelle !… oui, un bon cataplasme à la chandelle ! c'est souverain… il faut t'en mettre un tout de suite…
EDGARD(à part. )
Comment ? Devant moi ?
CLARISSE
Je cours te le préparer !
MARCASSOL
Eh bien ! oui !… c'est bien !… Tu n'as pas besoin de raconter ces choses-là !… Est-ce que tu crois que cela intéresse Monsieur, ton histoire de cataplasme ?
CLARISSE
Allons, ne gronde pas ! (à Edgard)
mon cher Edgard…
EDGARD
Je vous accompagne… je vais prendre possession de mon entresol… (saluant Marcassol)
Monsieur (à part)
C'est égal ! un mari grincheux et je suis dans la place !… mes affaires sont bonnes !
(Il sort avec Clarisse par le fond.)