ACTE V - Scène II
CHRYSALE, CLITANDRE, HENRIETTE, MARTINE.
CHRYSALE
Ah ! ma fille, je suis bien aise de vous voir ;
Allons, venez-vous-en faire votre devoir,
Et soumettre vos vœux aux volontés d'un père.
Je veux, je veux apprendre à vivre à votre mère ;
Et, pour la mieux braver, voilà, malgré ses dents,
Martine que j'amène et rétablis céans.
HENRIETTE
Vos résolutions sont dignes de louange.
Gardez que cette humeur, mon père, ne vous change ;
Soyez ferme à vouloir ce que vous souhaitez ;
Et ne vous laissez point séduire à vos bontés.
Ne vous relâchez pas, et faites bien en sorte
D'empêcher que sur vous ma mère ne l'emporte.
CHRYSALE
Comment ! Me prenez-vous ici pour un benêt ?
HENRIETTE
M'en préserve le ciel.
CHRYSALE
Suis-je un fat, s'il vous plaît ?
HENRIETTE
Je ne dis pas cela.
CHRYSALE
Me croit-on incapable
Des fermes sentiments d'un homme raisonnable ?
HENRIETTE
Non, mon père.
CHRYSALE
Est-ce donc qu'à l'âge où je me voi,
Je n'aurais pas l'esprit d'être maître chez moi ?
HENRIETTE
Si fait.
CHRYSALE
Et que j'aurais cette faiblesse d'âme,
De me laisser mener par le nez à ma femme ?
HENRIETTE
Eh ! non, mon père.
CHRYSALE
Ouais. Qu'est-ce donc que ceci ?
Je vous trouve plaisante à me parler ainsi.
HENRIETTE
Si je vous ai choqué, ce n'est pas mon envie.
CHRYSALE
Ma volonté céans doit être en tout suivie.
HENRIETTE
Fort bien, mon père.
CHRYSALE
Aucun, hors moi, dans la maison,
N'a droit de commander.
HENRIETTE
Oui ; vous avez raison.
CHRYSALE
C'est moi qui tiens le rang de chef de la famille.
HENRIETTE
D'accord.
CHRYSALE
C'est moi qui dois disposer de ma fille.
HENRIETTE
Eh ! oui.
CHRYSALE
Le ciel me donne un plein pouvoir sur vous.
HENRIETTE
Qui vous dit le contraire ?
CHRYSALE
Et, pour prendre un époux,
Je vous ferai bien voir que c'est à votre père
Qu'il vous faut obéir, non pas à votre mère.
HENRIETTE
Hélas ! vous flattez là les plus doux de mes vœux ;
Veuillez être obéi, c'est tout ce que je veux.
CHRYSALE
Nous verrons si ma femme à mes désirs rebelle…
CLITANDRE
La voici qui conduit le notaire avec elle.
CHRYSALE
Secondez-moi bien tous.
MARTINE
Laissez-moi, j'aurai soin
De vous encourager, s'il en est de besoin.