ACTE I - Scène 2


M. Robert
Holà, holà, holà, fi, qu'est-ce ci ? Quelle infamie ! Peste soit le coquin, de battre ainsi sa femme !

Martine (les mains sur les côtés, lui parle en le faisant reculer, et à la fin, lui donne un soufflet.)
Et je veux qu'il me batte, moi.

M. Robert
Ah ! j'y consens de tout mon cœur.

Martine
De quoi vous mêlez-vous ?

M. Robert
J'ai tort.

Martine
Est-ce là votre affaire ?

M. Robert
Vous avez raison.

Martine
Voyez un peu cet impertinent, qui veut empêcher les maris de battre leurs femmes.

M. Robert
Je me rétracte.

Martine
Qu'avez-vous à voir là-dessus ?

M. Robert
Rien.

Martine
Est-ce à vous d'y mettre le nez ?

M. Robert
Non.

Martine
Mêlez-vous de vos affaires.

M. Robert
Je ne dis plus mot.

Martine
Il me plaît d'être battue.

M. Robert
D'accord.

Martine
Ce n'est pas à vos dépens.

M. Robert
Il est vrai.

Martine
Et vous êtes un sot de venir vous fourrer où vous n'avez que faire.
M. Robert (Il passe ensuite vers le mari, qui, pareillement, lui parle toujours, en le faisant reculer, le frappe avec le même)(bâton, et le met en fuite.)
 :
Compère, je vous demande pardon de tout mon cœur, faites, rossez, battez comme il faut votre femme, je vous aiderai si vous le voulez.

Sganarelle
Il ne me plaît pas, moi.

M. Robert
Ah ! c'est une autre chose.

Sganarelle
Je la veux battre, si je le veux ; et ne la veux pas battre, si je ne le veux pas.

M. Robert
Fort bien.

Sganarelle
C'est ma femme, et non pas la vôtre.

M. Robert
Sans doute.

Sganarelle
Vous n'avez rien à me commander.

M. Robert
D'accord.

Sganarelle
Je n'ai que faire de votre aide.

M. Robert
Très volontiers.

Sganarelle
Et vous êtes un impertinent, de vous ingérer des affaires d'autrui. Apprenez que Cicéron dit qu'entre l'arbre et le doigt il ne faut point mettre l'écorce. (Ensuite il revient vers sa femme, et lui dit, en lui pressant la main)
Ô çà, faisons la paix, nous deux. Touche là.

Martine
Oui ! après m'avoir ainsi battue !

Sganarelle
Cela n'est rien, touche.

Martine
Je ne veux pas.

Sganarelle
Eh !

Martine
Non.

Sganarelle
Ma petite femme.

Martine
Point.

Sganarelle
Allons, te dis-je.

Martine
Je n'en ferai rien.

Sganarelle
Viens, viens, viens.

Martine
Non, je veux être en colère.

Sganarelle
Fi, c'est une bagatelle, allons, allons.

Martine
Laisse-moi là.

Sganarelle
Touche, te dis-je.

Martine
Tu m'as trop maltraitée.

Sganarelle
Eh bien va, je te demande pardon, mets là ta main.

Martine
Je te pardonne (bas)
mais tu le payeras.

Sganarelle
Tu es une folle, de prendre garde à cela. Ce sont petites choses qui sont, de temps en temps, nécessaires dans l'amitié et cinq ou six coups de bâton, entre gens qui s'aiment, ne font que ragaillardir l'affection. Va je m'en vais au bois : et je te promets, aujourd'hui, plus d'un cent de fagots.

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