ACTE III - Scène VI



(Géraste Amarante.)

Géraste
Amarante!

Amarante
Monsieur !

Géraste
Vous faites la surprise,
Encor que de si loin vous m'ayez vu venir,
Que Clarimond n'est plus à vous entretenir !
Je donne ainsi la chasse à ceux qui vous en content !

Amarante
À moi ? mes vanités jusque-là ne se montent.

Géraste
Il semblait toutefois parler d'affection.

Amarante
Oui, mais qu'estimez-vous de son intention ?

Géraste
Je crois que ses desseins tendent au mariage.

Amarante
Il est vrai.

Géraste
Quelque foi qu'il vous donne pour gage,
Il cherche à vous surprendre, et sous ce faux appas
Il cache des projets que vous n'entendez pas.

Amarante
Votre âge soupçonneux a toujours des chimères
Qui le font mal juger des cœurs les plus sincères.

Géraste
Où les conditions n'ont point d'égalité,
L'amour ne se fait guère avec sincérité.

Amarante
Posé que cela soit : Clarimond me caresse ;
Mais si je vous disais que c'est pour ma maîtresse,
Et que le seul besoin qu'il a de mon secours,
Sortant d'avec Daphnis, l'arrête en mes discours ?

Géraste
S'il a besoin de toi pour avoir bonne issue,
C'est signe que sa flamme est assez mal reçue.

Amarante
Pas tant qu'elle paraît, et que vous présumez.
D'un mutuel amour leurs cœurs sont enflammés ;
Mais Daphnis se contraint, de peur de vous déplaire,
Et sa bouche est toujours à ses désirs contraire,
Hormis lorsqu'avec moi s'ouvrant confidemment,
Elle trouve à ses maux quelque soulagement.
Clarimond cependant, pour fondre tant de glaces,
Tâche par tous moyens d'avoir mes bonnes grâces ;
Et moi je l'entretiens toujours d'un peu d'espoir.

Géraste
À ce compte, Daphnis est fort dans le devoir :
Je n'en puis souhaiter un meilleur témoignage,
Et ce respect m'oblige à l'aimer davantage.
Je lui serai bon père, et puisque ce parti
À sa condition se rencontre assorti,
Bien qu'elle pût encore un peu plus haut atteindre,
Je la veux enhardir à ne se plus contraindre.

Amarante
Vous n'en pourrez jamais tirer la vérité.
Honteuse de l'aimer sans votre autorité,
Elle s'en défendra de toute sa puissance ;
N'en cherchez point d'aveu que dans l'obéissance.
Quand vous aurez fait choix de cet heureux amant,
Vos ordres produiront un prompt consentement.
Mais on ouvre la porte. Hélas ! je suis perdue,
Si j'ai tant de malheur qu'elle m'ait entendue.
(Elle rentre dans le jardin.)

Géraste
Lui procurant du bien, elle croit la fâcher,
Et cette vaine peur la fait ainsi cacher.
Que ces jeunes cerveaux ont de traits de folie !
Mais il faut aller voir ce qu'aura fait Célie.
Toutefois disons-lui quelque mot en passant,
Qui la puisse guérir du mal qu'elle ressent.

Autres textes de Pierre Corneille

Tite et Bérénice

"Tite et Bérénice" est une tragédie en cinq actes écrite par Pierre Corneille, jouée pour la première fois en 1670. Cette pièce est inspirée de l'histoire réelle de l'empereur romain...

Théodore

"Théodore" est une tragédie écrite par Pierre Corneille, jouée pour la première fois en 1645. Cette œuvre est notable dans le répertoire de Corneille pour son sujet religieux et son...

Suréna

"Suréna" est une tragédie écrite par Pierre Corneille, présentée pour la première fois en 1674. C'est la dernière pièce écrite par Corneille, et elle est souvent considérée comme une de...

Sophonisbe

"Sophonisbe" est une tragédie écrite par Pierre Corneille, présentée pour la première fois en 1663. Cette pièce s'inspire de l'histoire de Sophonisbe, une figure historique de l'Antiquité, connue pour son...

Sertorius

"Sertorius" est une tragédie écrite par Pierre Corneille, présentée pour la première fois en 1662. Cette pièce se distingue dans l'œuvre de Corneille par son sujet historique et politique, tiré...


Les auteurs


Les catégories

Médiawix © 2024