ACTE V - Scène VII



(Géraste Daphnis.)

Géraste (seul.)
Géraste sur-le-champ il te fallait contraindre
Celle que ta pitié ne pouvait ouïr plaindre.
Tu n'as pu refuser du temps à ses douleurs
Ton cœur s'attendrissait de voir couler ses pleurs ;
Et pour avoir usé trop peu de ta puissance,
On t'impute à forfait sa désobéissance.
(Daphnis vient.)
Un traitement trop doux te fait croire sans foi.
Faudra-t-il que de vous je reçoive la loi,
Et que l'aveuglement d'une amour obstinée
Contre ma volonté règle votre hyménée ?
Mon extrême indulgence a donné, par malheur,
À vos rébellions quelque faible couleur ;
Et pour quelque moment que vos feux m'ont su plaire,
Vous pensez avoir droit de braver ma colère :
Mais sachez qu'il fallait, ingrate, en vos amours,
Ou ne m'obéir point, ou m'obéir toujours.

Daphnis
Si dans mes premiers feux je vous semble obstinée,
C'est l'effet de ma foi sous votre aveu donnée.
Quoi que mette en avant votre injuste courroux,
Je ne veux opposer à vous-même que vous.
Votre permission doit être irrévocable :
Devenez seulement à vous-même semblable.
Il vous fallait, monsieur, vous-même à mes amours,
Ou ne consentir point, ou consentir toujours.
Je choisirai la mort plutôt que le parjure ;
M'y voulant obliger, vous vous faites injure.
Ne veuillez point combattre ainsi hors de saison
Votre vouloir, ma foi, mes pleurs, et la raison.
Que vous a fait Daphnis ? que vous a fait Florame,
Que pour lui vous vouliez que j'éteigne ma flamme ?

Géraste
Mais que vous a-t-il fait, que pour lui seulement
Vous vous rendiez rebelle à mon commandement ?
Ma foi n'est-elle rien au-dessus de la vôtre ?
Vous vous donnez à l'un ; ma foi vous donne à l'autre.
Qui le doit emporter ou de vous ou de moi ?
Et qui doit de nous deux plutôt manquer de foi ?
Quand vous en manquerez, mon vouloir vous excuse.
Mais à trop raisonner moi-même je m'abuse :
Il n'est point de raison valable entre nous deux,
Et pour toute raison, il suffit que je veux.

Daphnis
Un parjure jamais ne devient légitime ;
Une excuse ne peut justifier un crime.
Malgré vos changements, mon esprit résolu
Croit suffire à mes feux que vous ayez voulu.

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