PROLOGUE - SCÈNE II



(PAMÉLA JULES.)

PAMÉLA
Monsieur Adolphe, vous voyez à quoi vous m'exposez… Le pauvre garçon est un ouvrier plein de cœur ; il a un oncle assez riche pour l'établir ; il veut m'épouser, et en un moment j'ai perdu mon avenir… et pour qui ? je ne vous connais pas, et à la manière dont vous jouez l'existence d'une jeune fille qui n'a pour elle que sa bonne conduite, je devine que vous vous en croyez le droit… Vous êtes riche, et vous vous moquez des gens pauvres !

JULES
Non, ma chère Paméla… je sais qui vous êtes, et je vous ai appréciée… Je vous aime, je suis riche, et nous ne nous quitterons jamais. Ma voiture de voyage est chez un ami, à la porte Saint-Denis ; nous irons la prendre à pied ; je vais m'embarquer pour l'Angleterre. Venez, je vous expliquerai mes intentions, car le moindre retard pourrait m'être fatal

PAMÉLA
Quoi ?

JULES
Et vous verrez…

PAMÉLA
Êtes-vous dans votre bon sens, monsieur Adolphe ? Après m'avoir suivie depuis un mois, m'avoir vue deux fois au bal, et m'avoir écrit des déclarations comme les jeunes gens de votre sorte en font à toutes les femmes, vous venez me proposer de but en blanc un enlèvement ?

JULES
Ah ! mon Dieu ! pas un instant de retard ! vous vous repentiriez de ceci toute votre vie, et vous vous apercevrez trop tard de la perte que vous aurez faite.

PAMÉLA
Mais, Monsieur, tout peut se dire en deux mots.

JULES
Non… quand il s'agit d'un secret d'où dépend la vie de plusieurs hommes.

PAMÉLA
Mais, Monsieur, s'il s'agit de vous sauver la vie, quoique je n'y comprenne rien, et qui que vous soyez, je ferai bien des choses ; mais de quelle utilité puis-je vous être dans votre fuite ? pourquoi m'emmener en Angleterre ?

JULES
Mais, enfant !… l'on ne se défie pas de deux amants qui s'enfuient !… et enfin, je vous aime assez pour oublier tout, et encourir la colère de mes parents… une fois mariés à Gretna-Green…

PAMÉLA
Ah ! mon Dieu !… moi, je suis toute bouleversée ! un beau jeune homme qui vous presse… vous supplie… et qui parle d'épouser.

JULES
On monte… Je suis perdu !… vous m'avez livré !

PAMÉLA
Monsieur Adolphe, vous me faites peur ! que peut-il donc vous arriver ?… Attendez… je vais voir.

JULES
En tout cas, prenez ces vingt mille francs sur vous, ils seront plus en sûreté qu'entre les mains de la justice… Je n'avais qu'une demi-heure… et… tout est dit !

PAMÉLA
Ne craignez rien… c'est mon père et ma mère !…

JULES
Vous avez de l'esprit comme un ange… Je me fie à vous… mais songez qu'il faut sortir d'ici, sur-le-champ, tous deux; et je vous jure sur l'honneur qu'il n'en résultera rien que de bon pour vous.

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