Scène 5


Myrtil
Eh bien! vous triomphez avec cette retraite,
Et dans ces mots votre âme a ce qu'elle souhaite ;
Mais apprenez qu'en vain vous vous réjouissez,
Que vous serez trompé dans ce que vous pensez,
Et qu'avec tous vos soins, toute votre puissance,
Vous ne gagnerez rien sur ma persévérance.

Lycarsis
Comment? à quel orgueil, fripon, vous vois-je aller ?
Est-ce de la façon que l'on me doit parler ?

Myrtil
Oui, j'ai tort, il est vrai, mon transport n'est pas sage,
Pour rentrer au devoir, je change de langage,
Et je vous prie ici, mon père, au nom des Dieux,
Et par tout ce qui peut vous être précieux,
De ne vous point servir, dans cette conjoncture,
Des fiers droits que sur moi vous donne la nature
Ne m'empoisonnez point vos bienfaits les plus doux.
Le jour est un présent que j'ai reçu de vous;
Mais de quoi vous serai-je aujourd'hui redevable,
Si vous me l'allez rendre, hélas ! insupportable ?
Il est, sans Mélicerte, un supplice à mes yeux
Sans ses divins appas rien ne m'est précieux ;
Ils font tout mon bonheur et toute mon envie ;
Et si vous me l'ôtez, vous m'arrachez la vie.

Lycarsis
Aux douleurs de son âme il me fait prendre part.
Qui l'auroit jamais cru de ce petit pendart ?
Quel amour ! quels transports ! quels discours pour son âge !
J'en suis confus, et sens que cet amour m'engage.

Myrtil
Voyez, me voulez-vous ordonner de mourir ?
Vous n'avez qu'à parler, je suis prêt d'obéir.

Lycarsis
Je ne puis plus tenir : il m'arrache des larmes,
Et ces tendres propos me font rendre les armes.

Myrtil
Que si dans votre cœur un reste d'amitié
Vous peut de mon destin donner quelque pitié,
Accordez Mélicerte à mon ardente envie,
Et vous ferez bien plus que me donner la vie.

Lycarsis
Lève-toi.

Myrtil
Serez-vous sensible à mes soupirs ?

Lycarsis
Oui.

Myrtil
J'obtiendrai de vous l'objet de mes desirs ?

Lycarsis
Oui.

Myrtil
Vous ferez pour moi que son oncle l'oblige
A me donner sa main ?

Lycarsis
Oui. Lève-toi, te dis-je.

Myrtil
O père, le meilleur qui jamais ait été,
Que je baise vos mains après tant de bonté !

Lycarsis
Ah ! que pour ses enfants un père a de foiblesse !
Peut-on rien refuser à leurs mots de tendresse ?
Et ne se sent-on pas certains mouvements doux,
Quand on vient à songer que cela sort de vous ?

Myrtil
Me tiendrez-vous au moins la parole avancée ?
Ne changerez-vous point, dites-moi, de pensée ?

Lycarsis
Non.

Myrtil
Me permettez-vous de vous désobéir,
Si de ces sentiments on vous fait revenir ?
Prononcez le mot.

Lycarsis
Oui. Ha, nature, nature !
Je m'en vais trouver Mopse, et lui faire ouverture
De l'amour que sa nièce et toi vous vous portez,

Myrtil
Ah ! que ne dois-je point à vos rares bontés ?
Quelle heureuse nouvelle à dire à Mélicerte !
Je n'accepterois pas une couronne offerte,
Pour le plaisir que j'ai de courir lui porter
Ce merveilleux succès qui la doit contenter.

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