Scène 3


Nicandre
Dis-nous donc ta nouvelle.

Lycarsis
Ah! que vous me pressez!
Cela ne se dit pas comme vous le pensez.

Mopse
Que de sottes façons, et que de badinage!
Ménalque pour chanter n'en fait pas davantage.

Lycarsis
Parmi les curieux des affaires d'Etat,
Une nouvelle à dire est d'un puissant éclat.
Je me veux mettre un peu sur l'homme d'importance,
Et jouir quelque temps de votre impatience.

Nicandre
Veux-tu par tes délais nous fatiguer tous deux?

Mopse
Prends-tu quelque plaisir à te rendre fâcheux?

Nicandre
De grâce, parle, et mets ces mines en arrière.

Lycarsis
Priez-moi donc tous deux de la bonne manière,
Et me dites chacun quel don vous me ferez,
Pour obtenir de moi ce que vous desirez.

Mopse
La peste soit du fat! Laissons-le là, Nicandre.
Il brûle de parler, bien plus que nous d'entendre;
Sa nouvelle lui pèse, il veut s'en décharger;
Et ne l'écouter pas est le faire enrager.

Lycarsis
Eh!

Nicandre
Te voilà puni de tes façons, de faire.

Lycarsis
Je m'en vais vous le dire, écoutez.

Mopse
Point d'affaire.

Lycarsis
Quoi? vous ne voulez pas m'entendre?

Nicandre
Non.

Lycarsis
Eh bien!
Je ne dirai donc mot, et vous ne saurez rien.

Mopse
Soit.

Lycarsis
Vous ne saurez pas qu'avec magnificence
Le Roi vient d'honorer Tempé de sa présence ;
Qu'il entra dans Larisse hier sur le haut du jour ;
Qu'à l'aise je l'y vis avec toute sa cour ;
Que ces bois vont jouir aujourd'hui de sa vue,
Et qu'on raisonne fort touchant cette venue.

Nicandre
Nous n'avons pas envie aussi de rien savoir.

Lycarsis
Je vis cent choses là ravissantes à voir.
Ce ne sont que seigneurs, qui, des pieds à la tête,
Sont brillants et parés comme au jour d'une fête ;
Ils surprennent la vue; et nos prés au printemps,
Avec toutes leurs fleurs, sont bien moins éclatants.
Pour le Prince, entre tous sans peine on le remarque ;
Et d'une stade loin il sent son grand monarque
Dans toute sa personne il a je ne sais quoi
Qui d'abord fait juger que c'est un maître roi ;
Il le fait d'une grâce à nulle autre seconde,
Et cela, sans mentir, lui sied le mieux du monde.
On ne croiroit jamais comme de toutes parts
Toute sa cour s'empresse à chercher ses regards
Ce sont autour de lui confusions plaisantes ;
Et l'on diroit d'un tas de mouches reluisantes
Qui suivent en tous lieux un doux rayon de miel.
Enfin l'on ne voit rien de si beau sous le ciel ;
Et la fête de Pan, parmi nous si chérie,
Auprès de ce spectacle est une gueuserie.
Mais puisque sur le fier vous vous tenez si bien,
Je garde ma nouvelle, et ne veux dire rien.

Mopse
Et nous ne te voulons aucunement entendre.

Lycarsis
Allez vous promener.

Mopse
Va-t'en te faire pendre.

Autres textes de Molière

Monsieur de Pourceaugnac

"Monsieur de Pourceaugnac" est une comédie de Molière, écrite en 1669. La pièce raconte l'histoire de Monsieur de Pourceaugnac, un provincial naïf et grossier, qui se rend à Paris pour...

Le Mariage forcé

Sganarelle (parlant à ceux qui sont dans sa maison.) Je suis de retour dans un moment. Que l'on ait bien soin du logis, et que tout aille comme il faut....

L'Impromptu de Versailles

L'Impromptu de Versailles est une comédie de Molière écrite en 1663. La pièce se déroule à la cour du roi Louis XIV, où un groupe de courtisans s'amuse à jouer...

L'École des maris

L'école des maris est une comédie de Molière, un célèbre dramaturge français du XVIIe siècle. La pièce met en scène Argan, un homme riche et vaniteux qui cherche à marier...

Le Médecin malgré lui

Le médecin malgré lui est une pièce de théâtre comique écrite par le dramaturge français Molière. La pièce est centrée sur le personnage de Sganarelle, un bûcheron paresseux et grincheux...


Les auteurs


Les catégories

Médiawix © 2024