Scène 3


Myrtil
J'ai fait tantôt, charmante Mélicerte,
Un petit prisonnier que je garde pour vous,
Et dont peut-être un jour je deviendrai jaloux
C'est un jeune moineau, qu'avec un soin extrême
Je veux, pour vous l'offrir, apprivoiser moi-même.
Le présent n'est pas grand ; mais les divinités
Ne jettent leurs regards que sur les volontés
C'est le cœur qui fait tout ; et jamais la richesse
Des présents que … Mais, Ciel ! d'où vient cette tristesse ?
Qu'avez-vous, Mélicerte, et quel sombre chagrin
Seroit dans vos beaux yeux répandu ce matin !
Vous ne répondez point ? et ce morne silence
Redouble encor ma peine et mon impatience.
Parlez : de quel ennui ressentez-vous les coups ?
Qu'est-ce donc ?

Mélicerte
Ce n'est rien.

Myrtil
Ce n'est rien, dites-vous ?
Et je vois cependant vos yeux couverts de larmes,
Cela s'accorde-t-il, beauté pleine de charmes ?
Ah ! ne me faites point un secret dont je meurs,
Et m'expliquez, hélas ! ce que disent ces pleurs.

Mélicerte
Rien ne me serviroit de vous le faire entendre.

Myrtil
Devez-vous rien avoir que je ne doive apprendre ?
Et ne blessez-vous pas notre amour aujourd'hui,
De vouloir me voler ma part de votre ennui ?
Ah ! ne le cachez point à l'ardeur qui m'inspire.

Mélicerte
Hé bien, Myrtil, hé bien ! il faut donc vous le dire
J'ai su que, par un choix plein de gloire pour vous,
Eroxène et Daphné vous veulent pour époux ;
Et je vous avouerai que j'ai cette foiblesse
De n'avoir pu, Myrtil, le savoir sans tristesse,
Sans accuser du sort la rigoureuse loi,
Qui les rend dans leurs vœux préférables à moi.

Myrtil
Et vous pouvez l'avoir, cette injuste tristesse !
Vous pouvez soupçonner mon amour de foiblesse,
Et croire qu'engagé par des charmes si doux,
Je puisse être jamais à quelque autre qu'à vous ?
Que je puisse accepter une autre main offerte ?
Hé ! que vous ai-je fait, cruelle Mélicerte,
Pour traiter ma tendresse avec tant de rigueur,
Et faire un jugement si mauvais de mon cœur ?
Quoi ? faut-il que de lui vous ayez quelque crainte ?
Je suis bien malheureux de souffrir cette atteinte ;
Et que me sert d'aimer comme je fais, hélas !
Si vous êtes si prête à ne le croire pas ?

Mélicerte
Je pourrois moins, Myrtil, redouter ces rivales,
Si les choses étoient de part et d'autre égales,
Et dans un rang pareil j'oserois espérer
Que peut-être l'amour me feroit préférer ;
Mais l'inégalité de bien et de naissance,
Qui peut d'elles à moi faire la différence …

Myrtil
Ah ! leur rang de mon cœur ne viendra point à bout,
Et vos divins appas vous tiennent lieu de tout.
Je vous aime, il suffit ; et dans votre personne
Je vois rang, biens, trésors, Etats, sceptres, couronne
Et des rois les plus grands m'offrît-on le pouvoir,
Je n'y changerois pas le bien de vous avoir.
C'est une vérité toute sincère et pure,
Et pouvoir en douter est me faire une injure.

Mélicerte
Hé bien ! je crois, Myrtil, puisque vous le voulez,
Que vos vœux par leur rang ne sont point ébranlés ;
Et que, bien qu'elles soient nobles, riches et belles,
Votre cœur m'aime assez pour me mieux aimer qu'elles.
Mais ce n'est pas l'amour dont vous suivez la voix ;
Votre père, Myrtil, réglera votre choix ;
Et de même qu'à vous je ne lui suis pas chère,
Pour préférer à tout une simple bergère.

Myrtil
Non, chère Mélicerte, il n'est père ni Dieux
Qui me puissent forcer à quitter vos beaux yeux;
Et toujours de mes vœux reine comme vous êtes …

Mélicerte
Ah ! Myrtil, prenez garde à ce qu'ici vous faites
N'allez point présenter un espoir à mon cœur,
Qu'il recevroit peut-être avec trop de douceur,
Et qui, tombant après comme un éclair qui passe,
Me rendroit plus cruel le coup de ma disgrâce.

Myrtil
Quoi ? faut-il des serments appeler le secours,
Lorsque l'on vous promet de vous aimer toujours ?
Que vous vous faites tort par de telles alarmes,
Et connoissez bien peu le pouvoir de vos charmes !
Hé bien ! puisqu'il le faut, je jure par les Dieux,
Et si ce n'est assez, je jure par vos yeux,
Qu'on me tuera plutôt que je vous abandonne.
Recevez-en ici la foi que je vous donne,
Et souffrez que ma bouche avec ravissement
Sur cette belle main en signe le serment.

Mélicerte
Ah! Myrtil, levez-vous, de peur qu'on ne vous voie.

Myrtil
Est-il rien … ? Mais, ô Ciel ! on vient troubler ma joie.

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