Scène IV



Une autre partie du bois. Devant le chêne du duc.
Titania arrive avec sa suite.

TITANIA
Allons ! maintenant une ronde et une chanson féerique !
Ensuite, allez-vous-en pendant le tiers d'une minute ;
les unes, tuer les vers dans les boutons de rose musquée,
les autres, guerroyer avec les chauve-souris pour avoir la peau de leurs ailes,
et en faire des cottes à mes petits sylphes, d'autres chasser
le hibou criard qui la nuit ne cesse de huer, effarouché
par nos ébats subtils. Maintenant, endormez-moi de vos chants,
puis, allez à vos fonctions, et laissez-moi reposer.
(chanson.)

PREMIÈRE FÉE
Vous, serpents tachetés au double dard,
Hérissons épineux, ne vous montrez pas,
Salamandres, orvets, ne soyez pas malfaisants,
N'approchez pas de la reine des fées.

CHŒUR DES FÉES
Philomèle, avec ta mélodie,
Accompagne notre douce chanson ;
Lulla, Lulla, Lullaby ! Lulla, Lulla, Lullaby !
Que ni malheur, ni charme, ni maléfice
N'atteigne notre aimable dame,
Et bonne nuit, avec Lullaby.

SECONDE FÉE
Araignées fileuses, ne venez pas céans ;
Arrière, faucheux aux longues pattes, arrière !
Noirs escarbots, n'approchez pas.
Vers et limaçons, ne faites aucun dégât.

CHŒUR DES FÉES
Philomèle, avec ta mélodie,
Accompagne notre douce chanson ;
Lulla, Lulla, Lullaby ! Lulla, Lulla, Lullaby !
Que ni malheur, ni charme, ni maléfice
N'atteigne notre aimable dame,
Et bonne nuit, avec Lullaby.

PREMIÈRE FÉE
Maintenant, partons, tout va bien.
Qu'une de nous se tienne à l'écart, en sentinelle !
(Les fées sortent. Titania s'endort.)
(Entre Obéron.)

OBÉRON (pressant la fleur sur les paupières de Titania)
Que l'être que tu verras à ton réveil
Soit par toi pris pour amant !
Aime-le et languis pour lui ;
Quel qu'il soit, once, chat, ours,
Léopard ou sanglier au poil hérissé,
Que celui qui apparaîtra à tes yeux,
Quand tu t'éveilleras, soit ton chéri !
Réveille-toi, quand quelque être vil approchera.
(Il sort.)
(Entrent Lysandre et Hermia.)

LYSANDRE
Bel amour, vous vous êtes exténuée à errer dans le bois,
et, à vous dire vrai, j'ai oublié notre chemin.
Nous nous reposerons ici, Hermia, si vous le trouvez bon,
et nous attendrons la clarté secourable du jour.

HERMIA (s'étendant contre une haie)
Soit, Lysandre. Cherchez un lit pour vous,
moi, je vais reposer ma tête sur ce banc.

LYSANDRE (s'approchant d'elle)
Le même gazon nous servira d'oreiller à tous deux ;
un seul cœur, un seul lit ; deux âmes, une seule foi.

HERMIA
Non, bon Lysandre ; pour l'amour de moi, mon cher,
étendez-vous plus loin, ne vous couchez pas si près.

LYSANDRE
Oh ! saisissez, charmante, la pensée de mon innocence ;
l'amour doit saisir l'intention dans le langage de l'amour.
Je veux dire que nos deux cœurs sont tressés
de façon à n'en faire plus qu'un,
que nos deux âmes sont enchaînées par le même vœu,
de sorte que nous avons deux âmes et une seule foi.
Ne me refusez donc pas un lit à votre côté,
car, en vous serrant sur moi, Hermia, j'exécute un serment.

HERMIA
Lysandre fait de très jolis jeux de mots.
Malheur à ma vertu et à mon honneur,
si j'ai accusé Lysandre de négliger un serment !
Mais, doux ami, au nom de l'amour et de la courtoisie,
serrez-moi de moins près ; l'humaine modestie
exige entre nous la séparation
qui sied à un galant vertueux et à une vierge.
Gardez donc certaine distance, et bonne nuit, doux ami ;
que ton amour ne s'altère pas avant que ta douce vie finisse !

LYSANDRE (se couchant à distance d'Hermia)
Je dis : Amen ! amen ! à cette belle prière ;
et j'ajoute : Que ma vie finisse quand finira ma fidélité !
Voici mon lit. Que le sommeil t'accorde tout son repos !

HERMIA
Qu'il en garde la moitié pour en presser tes yeux !
(Ils s'endorment.)
(Entre Puck.)

PUCK
J'ai parcouru la forêt,
mais je n'ai pas trouvé d'Athénien
sur les yeux duquel j'aie pu éprouver
la vertu qu'a cette fleur d'inspirer l'amour.
Nuit et silence ! Quel est cet homme ?
Il porte un costume athénien ;
c'est celui, m'a dit mon maître,
qui dédaigne la jeune Athénienne ;
et voici la pauvre fille profondément endormie
sur le sol humide et sale.
Jolie âme ! elle n'a pas osé se coucher
près de ce ladre d'amour, de ce bourreau de courtoisie.
Malappris ! je répands sur tes yeux
toute la puissance que ce philtre possède.
Il fait tomber sur les yeux de Lysandre quelques gouttes du suc magique.
Une fois que tu seras éveillé, que l'amour
éloigne à jamais le sommeil de tes yeux !
Réveille-toi dès que je serai parti ;
car il faut que j'aille rejoindre Obéron.
(Il sort.)
(Entrent Démétrius et Héléna, courant.)

HÉLÉNA
Arrête, quand tu devrais me tuer, bien-aimé Démétrius.

DÉMÉTRIUS
Va-t'en, je te l'ordonne. Ne me hante pas ainsi.

HÉLÉNA
Veux-tu donc m'abandonner dans les ténèbres ? Oh ! non !

DÉMÉTRIUS
Arrête, ou malheur à toi ! je veux m'en aller seul.
(Sort Démétrius.)

HÉLÉNA
Oh ! cette chasse éperdue m'a mise hors d'haleine !
Plus je prie, moins j'obtiens grâce.
Hermia est heureuse, partout où elle respire ;
car elle a des yeux attrayants et célestes.
Qui a rendu ses yeux si brillants ? ce ne sont pas les larmes amères.
Si c'étaient les larmes, mes yeux en ont été plus souvent baignés que les siens.
Non, non, je suis laide comme une ourse,
car les bêtes qui me rencontrent se sauvent de frayeur.
Il n'est donc pas étonnant que Démétrius
me fuie comme un monstre.
Quel miroir perfide et menteur
m'a fait comparer mes yeux aux yeux étoiles d'Hermia ?
Mais qui est ici ?… Lysandre ! à terre !
mort ou endormi ? Je ne vois pas de sang, pas de blessure.
Lysandre, si vous êtes vivant, cher seigneur, éveillez-vous.

LYSANDRE (s'éveillant)
Et je courrai à travers les flammes, pour l'amour de toi,
transparente Héléna ! La nature a ici l'art
de me faire voir ton cœur à travers ta poitrine.
Où est Démétrius ? Oh ! que ce vil nom
est bien un mot fait pour périr à la pointe de mon épée !

HÉLÉNA
Ne dites pas cela, Lysandre ; ne dites pas cela.
Qu'importe qu'il aime votre Hermia ? Seigneur, qu'importe ?
Hermia n'aime toujours que vous : soyez donc heureux.

LYSANDRE
Heureux avec Hermia ? non, je regrette
les fastidieuses minutes que j'ai passées avec elle.
Ce n'est pas Hermia, mais Héléna que j'aime à présent.
Qui n'échangerait une corneille pour une colombe ?
La volonté de l'homme est gouvernée par la raison ;
et la raison dit que vous êtes la plus digne fille.
Ce qui croît n'est mûr qu'à sa saison.
Trop jeune encore, je n'étais pas mûr pour la raison ;
mais, arrivé maintenant au faîte de l'expérience humaine,
ma raison met ma volonté au pas
et me conduit à vos yeux, où je lis
une histoire d'amour, écrite dans le plus riche livre d'amour.

HÉLÉNA
Suis-je donc née pour être si amèrement narguée ?
Quand ai-je mérité de vous cette moquerie ?
N'est-ce pas assez, n'est-ce pas assez, jeune homme
que je n'aie jamais pu, non, que je ne puisse jamais
mériter un doux regard de Démétrius,
sans que vous deviez encore railler mon insuffisance ?
Vous m'outragez, ma foi ; sur ma parole, vous m'outragez
en me courtisant d'une manière si dérisoire.
Mais adieu ! je suis forcée d'avouer
que je vous croyais un seigneur de plus réelle courtoisie.
Oh ! qu'une femme, repoussée par un homme,
soit encore insultée par un autre !
(Elle sort.)

LYSANDRE
Elle ne voit pas Hermia… Hermia, dors là, toi,
et puisses-tu ne jamais approcher de Lysandre !
Car, de même que l'indigestion des choses les plus douces
porte à l'estomac le plus profond dégoût,
ou de même que les hérésies, que les hommes abjurent,
sont le plus haïes de ceux qu'elles ont trompés,
de même, toi, mon indigestion, toi, mon hérésie,
sois haïe de tous, et surtout de moi.
Et toi, mon être tout entier, consacre ton amour et ta puissance
à honorer Héléna et à être son chevalier.
(Il sort.)

HERMIA (se dressant)
À mon secours, Lysandre, à mon secours ! Tâche
d'arracher ce serpent qui rampe sur mon sein !
Ah ! par pitié !… Quel était ce rêve ?
Voyez, Lysandre, comme je tremble de frayeur.
Il me semblait qu'un serpent me dévorait le cœur
et que vous étiez assis, souriant à mon cruel supplice.
Lysandre ! quoi ! éloigné de moi ! Lysandre ! seigneur !
Quoi ! hors de la portée de ma voix ! parti ! pas un son, pas un mot !
Hélas ! où êtes-vous ? parlez, si vous m'entendez ;
parlez, au nom de tous les amours ; je suis presque évanouie de frayeur.
Non ? Alors je vois bien que vous n'êtes pas près de moi :
il faut que je trouve sur-le-champ ou la mort ou vous.
(Elle sort.)
(Entrent les Clowns, Lecoing, Étriqué, Bottom, Flûte, Groin et Meurt de Faim.)

BOTTOM
Sommes-nous tous réunis ?

LECOING
Parfait ! parfait ! et voici une place merveilleusement convenable pour notre répétition. Cette pelouse verte sera notre scène, ce fourré d'aubépine nos coulisses, et nous allons mettre ça en action comme nous le mettrons devant le duc.

BOTTOM
Pierre Lecoing…

LECOING
Que dis-tu, bruyant Bottom ?

BOTTOM
Il y a dans cette comédie de Pyrame et Thisbé des choses qui ne plairont jamais. D'abord, Pyrame doit tirer l'épée pour se tuer ; ce que les dames ne supporteront pas. Qu'avez-vous à répondre à ça ?

GROIN
Par Notre-Dame ! ça leur fera une peur terrible.

MEURT DE FAIM
Je crois que nous devons renoncer à la tuerie comme dénoûment.

BOTTOM
Pas le moins du monde. J'ai un moyen de tout arranger. Faites-moi un prologue ; et que ce prologue affecte de dire que nous ne voulons pas nous faire de mal avec nos épées et que Pyrame n'est pas tué tout de bon ; et, pour les rassurer encore mieux, dites que moi, Pyrame, je ne suis pas Pyrame, mais Bottom le tisserand : ça leur ôtera toute frayeur.

LECOING
Soit, nous aurons un prologue comme ça, et il sera écrit en vers de huit et de six syllabes.

BOTTOM
Non ! deux syllabes de plus ! en vers de huit et de huit !

GROIN
Est-ce que ces dames n'auront pas peur du lion ?

MEURT DE FAIM
J'en ai peur, je vous le promets.

BOTTOM
Mes maîtres, réfléchissez-y bien. Amener, Dieu nous soit en aide ! un lion parmi ces dames, c'est une chose fort effrayante ; car il n'y a pas au monde d'oiseau de proie plus terrible que le lion, voyez-vous ; et nous devons y bien regarder.

GROIN
Eh bien, il faudra un autre prologue pour dire que ce n'est pas un lion.

BOTTOM
Oui, il faudra que vous disiez le nom de l'acteur, et qu'on voie la moitié de son visage à travers la crinière du lion ; il faudra que lui-même parle au travers et qu'il dise ceci ou quelque chose d'équivalent : Mes dames, ou : belles dames, je vous demande, ou : je vous requiers, ou : je vous supplie de ne pas avoir peur, de ne pas trembler ; ma vie répond de la vôtre. Si vous pensiez que je suis venu en vrai lion, ce serait fâcheux pour ma vie. Non, je ne suis rien de pareil : je suis un homme comme les autres hommes. Et alors, ma foi, qu'il se nomme et qu'il leur dise franchement qu'il est Étriqué le menuisier.

LECOING
Allons, il en sera ainsi. Mais il y a encore deux choses difficiles : c'est d'amener le clair de lune dans une chambre ; car, vous savez, Pyrame et Thisbé se rencontrent au clair de lune.

ETRIQUÉ
Est-ce que la lune brillera la nuit où nous jouerons ?

BOTTOM
Un calendrier ! un calendrier ! Regardez dans l'almanach ; trouvez le clair de lune, trouvez le clair de lune.

LECOING
Oui, la lune brille cette nuit-là.

BOTTOM
Eh bien, vous pourriez laisser ouverte une lucarne de la fenêtre dans la grande salle où nous jouerons ; et la lune pourra briller par cette lucarne.

LECOING
Oui ; ou bien quelqu'un devrait venir avec un fagot d'épines et une lanterne et dire qu'il vient pour défigurer ou représenter le personnage du clair de lune. Mais il y a encore autre chose. Il faut que nous ayons un mur dans la grande salle ; car Pyrame et Thisbé, dit l'histoire, causaient à travers la fente d'un mur.

ETRIQUÉ
Vous ne pourrez jamais apporter un mur… Qu'en dites-vous, Bottom ?

BOTTOM
Un homme ou un autre devra représenter le mur : il faudra qu'il ait sur lui du plâtre, ou de l'argile, ou de la chaux pour figurer le mur ; et puis, qu'il tienne ses doigts comme ça, et Pyrame et Thisbé chuchoteront à travers l'ouverture.

LECOING
Si ça se peut, alors tout est bien. Allons, asseyez-vous tous, fils de mères que vous êtes, et répétez vos rôles. Vous, Pyrame, commencez : quand vous aurez dit votre tirade, vous entrerez dans ce taillis, et ainsi de suite, chacun à son moment.
(Entre Puck au fond du théâtre.)

PUCK
Qu'est-ce donc que ces filandreuses brutes qui viennent brailler ici,
si près du berceau de la reine des fées ?
Quoi ! une pièce en train ? Je serai spectateur,
peut-être acteur aussi, si j'en trouve l'occasion.

LECOING
Parlez, Pyrame… Thisbé, avancez.

PYRAME
Thisbé, les fleurs odieuses ont un parfum suave…

LECOING
Odorantes ! odorantes !

PYRAME
Les fleurs odorantes ont un parfum suave.
Tel celui de ton haleine, ma très-chère Thisbé, chérie.
Mais écoute, une voix ! Arrête un peu ici,
Et tout à l'heure je vais t'apparaître.
(Sort Pyrame.)

PUCK (à part)
Le plus étrange Pyrame qui ait jamais joué ici !
(Il sort en suivant Pyrame.)

THISBÉ
Est-ce à mon tour de parler ?

LECOING
Oui, pardieu, c'est à votre tour ; car vous devez comprendre qu'il n'est sorti que pour voir un bruit qu'il a entendu, et qu'il va revenir.

THISBÉ
Très-radieux Pyrame, au teint blanc comme le lis,
Toi dont l'incarnat est comme la rose rouge sur l'églantier triomphant,
Le plus piquant jouvenceau, et aussi le plus aimable Juif,
Fidèle comme un fidèle coursier qui jamais ne se fatigue,
J'irai te retrouver, Pyrame, à la tombe de Nigaud.

LECOING
À la tombe de Ninus, l'homme !… Mais vous ne devez pas dire ça encore : c'est ce que vous répondrez à Pyrame ; vous dites tout votre rôle à la fois, en confondant toutes les répliques. Entrez, Pyrame : on a passé votre réplique, après ces mots : qui jamais ne se fatigue.
(Reviennent Puck et Bottom, affublé d'une tête d'âne.)

THISBÉ
Fidèle comme le fidèle coursier qui jamais ne se fatigue…

PYRAME
Si je l'étais, belle Thisbé, je ne serais qu'à toi.

LECOING (apercevant Bottom)
Ô monstruosité ! ô prodige ! nous sommes hantés !
En prières, mes maîtres ! fuyons, mes maîtres ! au secours !
(Les clowns sortent.)

PUCK
Je vais vous suivre ; je vais vous faire faire un tour
à travers les marais, les buissons, les fourrés, les ronces.
Tantôt je serai cheval, tantôt chien,
cochon, ours sans tête, tantôt flamme ;
et je vais hennir, et aboyer, et grogner, et rugir, et brûler
tour à tour comme un cheval, un chien, un ours, une flamme.
(Il sort.)

BOTTOM
Pourquoi se sauvent-ils ? C'est une farce pour me faire peur.
(Revient Groin.)

GROIN
Ô Bottom, comme tu es changé ! qu'est-ce que je vois sur toi ?

BOTTOM
Ce que vous voyez ? vous voyez une tête d'âne, la vôtre. Voyez-vous ?
(Sort Groin.)
(Revient Lecoing.)

LECOING
Dieu te bénisse, Bottom, Dieu te bénisse ! tu es métamorphosé.
(Il sort.)

BOTTOM
Je vois leur farce ; ils veulent faire de moi un âne, m'effrayer, s'ils peuvent. Mais, ils auront beau faire, je ne veux pas bouger de cette place ; je vais me promener ici de long en large, et chanter, pour qu'ils sachent que je n'ai pas peur.
(Il chante.)
Le merle, si noir de couleur,
Au bec jaune-orange,
La grive à la note si juste,
Le roitelet avec sa petite plume…

TITANIA
Quel est l'ange qui m'éveille de mon lit de fleurs ?

BOTTOM
Le pinson, le moineau, et l'alouette,
Le gris coucou avec son plain-chant,
Dont maint homme écoute la note
Sans oser lui répondre non !
Car, vraiment, qui voudrait mettre son esprit aux prises avec un si fol oiseau ? qui voudrait donner un démenti à un oiseau, eût-il beau crier à tue-tête : coucou ?

TITANIA
Je t'en prie, gentil mortel, chante encore.
Autant mon oreille est énamourée de ta note,
autant mes yeux sont captivés par ta forme,
et la force de ton brillant mérite m'entraîne, malgré moi,
à la première vue, à dire, à jurer que je t'aime.

BOTTOM
M'est avis, madame, que vous avez bien peu de raisons pour ça : et pourtant, à dire vrai, la raison et l'amour ne vont guère de compagnie, par le temps qui court ; c'est grand dommage que d'honnêtes voisins n'essaient pas de les réconcilier. Oui-dà, je sais batifoler dans l'occasion.

TITANIA
Tu es aussi sage que tu es beau.

BOTTOM
Non, je ne suis ni l'un ni l'autre. Mais, si j'avais seulement assez d'esprit pour me tirer de ce bois, j'en aurais assez pour ce que j'en veux faire.

TITANIA
Ne demande pas à sortir de ce bois.
Tu resteras ici, que tu le veuilles ou non.
Je suis un esprit d'un ordre peu commun ;
l'été est une dépendance inséparable de mon empire,
et je t'aime. Donc, viens avec moi ;
je te donnerai des fées pour te servir ;
et elles t'iront chercher des joyaux au fond de l'abîme,
et elles chanteront, tandis que tu dormiras sur les fleurs pressées.
Et je te purgerai si bien de ta grossièreté mortelle
que tu iras comme un esprit aérien.
Fleur des Pois ! Toile d'Araignée ! Phalène ! Grain de Moutarde !
(Entrent quatre Sylphes.)

PREMIER SYLPHE
Me voici.

DEUXIÈME SYLPHE
Et moi.

TROISIÈME SYLPHE
Et moi.

QUATRIÈME SYLPHE
Où faut-il que nous allions ?

TITANIA
Soyez aimables et courtois pour ce gentilhomme ;
bondissez dans ses promenades et gambadez à ses yeux ;
nourrissez-le d'abricots et de groseilles,
de grappes pourpres, de figues vertes et de mûres ;
dérobez aux abeilles leurs sacs de miel ;
pour flambeaux de nuit, coupez leurs cuisses enduites de cire,
et allumez-les aux yeux enflammés du ver luisant,
afin d'éclairer mon bien-aimé à son coucher et à son lever ;
et arrachez les ailes des papillons diaprés
pour écarter de ses yeux endormis les rayons de lune.
Inclinez-vous devant lui, sylphes, et faites-lui vos courtoisies.

PREMIER SYLPHE
Salut, mortel !

DEUXIÈME SYLPHE
Salut !

TROISIÈME SYLPHE
Salut !

QUATRIÈME SYLPHE
Salut !

BOTTOM
J'implore du fond du cœur la merci de vos révérences.
(Au premier sylphe.)
Par grâce, le nom de votre révérence ?

PREMIER SYLPHE
Toile d'Araignée.

BOTTOM
Je vous demande votre amitié, cher monsieur Toile d'Araignée ; si je me coupe le doigt, je prendrai avec vous des libertés.
(Au second Sylphe.)
Votre nom, honnête gentilhomme ?

DEUXIÈME SYLPHE
Fleur des Pois.

BOTTOM
De grâce, recommandez-moi à mistress Cosse, votre mère, et à maître Pois-Chiche, votre père. Cher monsieur Fleur des Pois, je demanderai à faire avec vous plus ample connaissance.
(Au troisième Sylphe.)
Par grâce, votre nom, monsieur ?

TROISIÈME SYLPHE
Grain de Moutarde.

BOTTOM
Cher monsieur Grain de Moutarde, je connais bien vos souffrances ; maint gigantesque rosbif a lâchement dévoré bien des gentilshommes de votre maison. Votre famille m'a fait souvent venir la larme à l'œil, je vous le promets. Je demande à lier connaissance avec vous, bon monsieur Grain de Moutarde.

TITANIA
Allons, escortez-le, conduisez-le à mon berceau.
La lune, il me semble, regarde d'un œil humide ;
et, quand elle pleure, les plus petites fleurs pleurent,
se lamentant sur quelque virginité violée.
Enchaînez la langue de mon bien-aimé ; conduisez-le en silence.
(Ils sortent.)

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