Présentation de l'oeuvre


Les "Sonnets" de William Shakespeare sont une collection de 155 poèmes écrits à la fin du XVIe siècle, qui explorent des thèmes universels comme l'amour, la beauté, le temps, la mort et la nature humaine. Les sonnets sont souvent adressés à un jeune homme, dont la beauté éphémère suscite des réflexions sur la jeunesse et le passage du temps. Shakespeare utilise un langage riche et des métaphores puissantes pour exprimer ses émotions et ses pensées. La tension entre l'amour idéal et l'amour physique est omniprésente, privilégiant parfois la beauté intérieure sur les apparences.

Le poète se confronte également à la mortalité et à l'impermanence de la vie. L'idée que le temps emporte tout se traduit par une nostalgie mélancolique, mais aussi par une célébration de la beauté qui, même si elle est temporaire, a le pouvoir de transcender le temps à travers l'art. L'une des pièces centrales de ces sonnets est l'idée que l'écriture poétique elle-même peut immortaliser la beauté et les sentiments, témoignage durable au-delà de la vie des êtres humains.

La relation entre l'auteur et le jeune homme est sujette à interprétations variées, oscillant entre amitié, admiration ou désir. Dans certains sonnets, la voix poétique exprime une jalousie intense, une lutte contre la beauté d'autrui et le vieillissement. Ce voyage émotionnel est d'autant plus poignant par la manière dont Shakespeare encapsule ses réflexions dans la forme rigide du sonnet, avec son schéma de rimes et sa structure en quatorzain, rendant ainsi chaque mot et chaque pensée d'une importance capitale.

Un autre personnage récurrent dans ces poèmes est une "Dame sombre", symbole de désir inaccessibile, qui répond à la beauté du jeune homme et crée une tension supplémentaire entre le désir et la souffrance. Les sonnets révèlent également une introspection poignante, la voix du poète oscillant entre l'euphorie amoureuse et la douleur de la perte. Malgré le contexte historique et social de l’époque, les thèmes explorés résonnent encore aujourd’hui, touchant des émotions humaines fondamentales qui traversent le temps.


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I - Sonnet I
Extrait

À d’autres la satiété ! Toi, tu gardes ton désir, désir exubérant qui déborde toujours : moi qui te poursuis sans cesse, je viens par-dessus le marché faire addition à tes tendres caprices.Toi, dont le désir est si large et...


II - Sonnet II
Extrait

Si ton cœur te gronde de me laisser pénétrer ainsi, jure à ton cœur aveugle que Will est ton désir ; et ton cœur sait que le désir est toujours admis chez lui. Donc, ô ma charmante, exauce mon amour...


III - Sonnet III
Extrait

Vois comme la femelle inquiète s’élance pour rattraper un de ses poussins envolés, et, laissant là le nouveau-né, se précipite à tire-d’aile à la poursuite de celui qu’elle voudrait retenir.Vois comme le petit abandonné la cherche partout et pleure après...


IV - Sonnet IV
Extrait

Ces lèvres, que la main même de l’Amour a faites, m’ont dans un murmure jeté ces mots : je hais, à moi qui languissais près d’elle ; mais quand elle a vu mon déplorable état,Vite du fond de son cœur...


V - Sonnet V
Extrait

Que de fois, ô ma vivante musique, quand tu joues de la musique sur ce bois bienheureux dont la vibration résonne sous tes doigts harmonieux, quand tu règles si doucement l’accord métallique qui ravit mon oreille,J’envie les touches qui, dans...


VI - Sonnet VI
Extrait

Si musique et douce poésie s’accordent comme le doivent deux sœurs, alors nous devons bien nous aimer, toi et moi, car tu aimes l’une et j’aime l’autre.Ton goût est pour Dowland, dont la touche céleste sur le luth ravit les...


VII - Sonnet VII
Extrait

Oh ! ne me demande pas d’excuser le mal que ta cruauté fait subir à mon cœur. Blesse-moi, non avec tes yeux, mais avec ta langue : use puissamment de ta puissance, mais ne mets pas d’art à me tuer.Dis-moi...


VIII - Sonnet VIII
Extrait

Sois prudente dans ta cruauté : n’accable pas ma patience jusqu’ici muette de trop de dédains, de peur que le désespoir ne me prête des paroles, et que ces paroles n’expriment le ressentiment de ma douleur méprisée.Si je pouvais t’enseigner...


IX - Sonnet IX
Extrait

Dans le vieux temps, la brune n’était pas trouvée belle, ou, si elle l’était, elle ne portait pas le nom de la beauté. Mais aujourd’hui la brune hérite de la beauté par succession, et la calomnie par des attraits bâtards.Depuis...


X - Sonnet X
Extrait

Telle que tu es, tu es aussi tyrannique que celles que rend cruelles l’orgueil de leur beauté : car tu sais bien que, pour mon pauvre cœur qui radote, tu es le plus charmant et le plus précieux bijou.Pourtant, il...


XI - Sonnet XI
Extrait

J’aime tes yeux, et eux, comme s’ils sympathisaient avec moi, en voyant ton cœur m’accabler de dédains, ils ont pris le noir, et, sous ce deuil adorable, ils jettent sur ma peine leur joli regard attendri.Et vraiment le rayon de...


XII - Sonnet XII
Extrait

Les yeux de ma maîtresse n’ont rien de l’éclat du soleil. Le corail est beaucoup plus rouge que le rouge de ses lèvres ; si la neige est blanche, certes sa gorge est brune. S’il faut pour cheveux des fils...


XIII - Sonnet XIII
Extrait

Ainsi, il n’en est pas de moi comme de cette muse dont une beauté peinte exalte le vers, qui emploie le ciel même comme ornement, et rapproche les plus charmantes choses des charmes de l’objet aimé ;L’accouplant dans une comparaison...


XIV - Sonnet XIV
Extrait

Peux-tu dire, ô cruelle, que je ne t’aime pas, quand contre moi-même je prends ton parti ? Est-ce que je ne pense pas à toi quand je m’oublie tout entier pour toi, ô despote ?Quel ennemi as-tu que j’appelle mon...


XV - Sonnet XV
Extrait

Ô toi, aveugle fou, Amour, que fais-tu à mes yeux, pour qu’ils regardent ainsi sans voir ce qu’ils voient ? Ils savent ce qu’est la beauté, ils voient où elle se trouve ; pourtant pour ce qu’il y a de...


XVI - Sonnet XVI
Extrait

Quand ma bien-aimée me jure qu’elle est faite de pureté, je la crois, bien que je sache qu’elle ment, afin qu’elle puisse me prendre pour quelque jeune novice, ignorant les fausses subtilités du monde.Ainsi, me figurant vainement qu’elle se figure...


XVII - Sonnet XVII
Extrait

Mon amour est comme une fièvre toujours altérée de ce qui l’alimente incessamment : il se nourrit de ce qui perpétue sa souffrance pour satisfaire son appétit troublé et morbide.Ma raison, médecin de mon amour, fâchée de ce que ses...


XVIII - Sonnet XVIII
Extrait

Hélas ! comment l’amour m’a-t-il mis en tête ces yeux qui ne sont pas en rapport avec la réalité ? Ou, s’ils y sont, où mon jugement s’égare-t-il pour apprécier si faussement ce qu’ils voient juste ?Si celle dont mes...


XIX - Sonnet XIX
Extrait

En vérité, je ne t’aime pas avec mes yeux, car ils remarquent en toi mille défauts : mais c’est mon cœur qui, aimant ce que mes yeux méprisent, se plaît à radoter en dépit de ma vue.Mes oreilles ne sont...


XX - Sonnet XX
Extrait

Oh ! de quelle puissance tiens-tu cette faculté toute-puissante de dominer mon cœur du haut de ton insuffisance, de me forcer à donner un démenti à l’évidence et à jurer que le jour brille de moins d’éclat que toi ?D’où...


XXI - Sonnet XXI
Extrait

L’amour est mon péché, et ta vertu profonde est la haine, haine de mon péché fondé sur un amour pécheur. Oh ! compare seulement ma situation à la tienne, et tu verras qu’elle ne mérite pas cette réprobation ;Ou, si...


XXII - Sonnet XXII
Extrait

En t’aimant tu sais que je suis parjure ; mais toi, en me jurant ton amour, tu es parjure deux fois ; déloyale envers le lit d’un autre, tu as déchiré ta foi nouvelle, en me vouant ta haine après...


XXIII - Sonnet XXIII
Extrait

Cupidon, ayant posé près de lui sa torche, s’endormit : une des vierges de Diane saisit cette occasion et plongea vite la torche de l’amour dans la froide fontaine d’une vallée du pays.La source emprunta à ce feu sacré de...


XXIV - Sonnet XXIV
Extrait

Le petit dieu d’amour, gisant un jour endormi, déposa à son côté sa torche qui enflamme les cœurs. Cependant une foule de nymphes, qui avaient juré de garder chaste vie, vinrent à pas légers près de lui : puis, de...


XXV - Sonnet XXV
Extrait

L’Amour est trop jeune pour savoir ce que c’est que le remords, et qui ne sait pourtant que le remords est né de l’amour ? Alors, gentille délatrice, ne me reproche pas ma faiblesse, de peur que tu ne sois...


XXVI - Sonnet XXVI
Extrait

La satisfaction de la luxure, c’est l’épuisement de l’âme en prodigalité de honte : jusqu’à ce qu’elle soit satisfaite, la luxure est parjure, meurtrière, sanguinaire, infâme, sauvage, extrême, brutale, cruelle, déloyale.Aussitôt assouvie, aussitôt méprisée. Poursuivi hors de raison, à peine...


XXVII - Sonnet XXVII
Extrait

Maudit soit le cœur qui fait gémir mon cœur de la double blessure faite à mon ami et à moi ! N’était-ce pas assez de me torturer seul, sans que mon meilleur ami fût asservi à cette servitude ?Tes yeux...


XXVIII - Sonnet XXVIII
Extrait

Ainsi, je viens de l’avouer, mon ami t’appartient, et je me suis moi-même hypothéqué à ton caprice. Je m’abandonne à toi tout entier, si tu veux me restituer mon autre moi-même pour ma perpétuelle consolation.Mais tu ne veux pas, toi,...


XXIX - Sonnet XXIX
Extrait

J’ai deux amours : l’un, ma consolation ; l’autre, mon désespoir, qui comme deux esprits ne cessent de me tenter. Mon bon ange est un homme vraiment beau, et mon mauvais est une femme fardée.Pour m’attirer vite en enfer, mon...


XXX - Sonnet XXX
Extrait

J’ai bien vu maintes fois l’aurore glorieuse caresser le sommet des monts d’un regard souverain, effleurant de sa face d’or les prairies vertes et dorant les pâles rivières par une céleste alchimie ;Puis tout à coup laisser les plus infimes...


XXXI - Sonnet XXXI
Extrait

Pourquoi, ami, m’as-tu promis un si beau jour et m’as-tu fait sortir sans mon manteau, si c’est pour laisser d’infimes nuages me surprendre en route et cacher ta splendeur dans leur fumée corrompue ?Il ne suffit pas que tu perces...


XXXII - Sonnet XXXII
Extrait

N’aie plus de chagrin de ce que tu as fait : les roses ont l’épine, et les sources d’argent, la boue ; les nuages et les éclipses cachent le soleil et la lune ; et le chancre répugnant vit dans...


XXXIII - Sonnet XXXIII
Extrait

Prends toutes mes amours, mon amour, va, prends-les toutes : qu’auras-tu donc de plus que ce que tu avais d’abord ? Il n’est pas d’amour, mon amour, qui m’appartienne réellement. Tout ce qui est à moi était à toi, avant...


XXXIV - Sonnet XXXIV
Extrait

Que ton caprice commette tous ces péchés mignons, quand parfois je suis absent de ton cœur, c’est chose naturelle à ton âge et à ta beauté : car la tentation te suit partout où tu es.Tu es tendre, donc fait...


XXXV - Sonnet XXXV
Extrait

Qu’elle soit à toi, ce n’est pas là tout mon chagrin ; et cependant on peut dire que je l’ai bien aimée ; mais que tu sois à elle, voilà ma suprême douleur : cette perte d’amour-là me touche de...


XXXVI - Sonnet XXXVI
Extrait

Lord de mon amour, toi dont le mérite a impérieusement réduit mon dévouement en vasselage, je t’envoie cette ambassade écrite, comme hommage de mon attachement, non comme preuve de mon esprit ;Attachement si grand qu’un pauvre esprit comme le mien...


XXXVII - Sonnet XXXVII
Extrait

Semblable à un acteur imparfait qui en scène est jeté par sa timidité hors de son rôle, ou à un être en délire qui, emporté par trop de frénésie, sent son cœur s’affaiblir par l’excès de la force,J’oublie, par manque...


XXXVIII - Sonnet XXXVIII
Extrait

Que ceux qui sont en faveur auprès de leur étoile se parent des honneurs publics et des titres superbes, tandis que moi, que la fortune prive de tels triomphes, je jouis d’un bonheur inespéré qui est pour moi l’honneur suprême.Les...


XXXIX - Sonnet XXXIX
Extrait

Tu as une figure de femme, peinte de la main même de la nature, ô toi, maître-maîtresse de ma passion ! Tu as un tendre cœur de femme, mais ne connaissant pas l’humeur changeante à la mode chez ces trompeuses...


XL - Sonnet XL
Extrait

Mon œil s’est fait peintre et a fait resplendir la forme de ta beauté sur le tableau de mon cœur ; ma personne est le cadre qui l’enferme ; et c’est un chef-d’œuvre de perspective :Car, habileté suprême, c’est dans...


XLI - Sonnet XLI
Extrait

Mes yeux et mon cœur se font une guerre à mort pour se disputer la conquête de ton image. Mes yeux refusent à mon cœur la vue de tes traits, et mon cœur refuse ce privilége à mes yeux.Mon cœur...


XLII - Sonnet XLII
Extrait

Mes yeux et mon cœur ont conclu une ligue et se rendent maintenant de mutuels services : quand mes yeux ont faim d’un regard, ou que mon cœur épris étouffe sous les soupirs,Alors mes yeux se repaissent de ton image...


XLIII - Sonnet XLIII
Extrait

Lorsque, en disgrâce auprès de la fortune et des hommes, je pleure tout seul sur ma destinée proscrite ; lorsque, troublant le ciel sourd de mes cris stériles, je me regarde et maudis mon sort ;Quand, jaloux d’un autre plus...


XLIV - Sonnet XLIV
Extrait

Quand aux assises de ma pensée doucement recueillie j’assigne le souvenir des choses passées, je soupire au défaut de plus d’un être aimé, et je pleure de nouveau, avec mes vieilles douleurs, ces doux moments disparus.Alors je sens se noyer...


XLV - Sonnet XLV
Extrait

Ton sein s’est enrichi de tous ces cœurs que je supposais morts parce qu’ils me manquaient ; en toi je retrouve mes amours, et toutes les tendres effusions de ma tendresse, et toutes ces affections que je croyais ensevelies.Que de...


XLVI - Sonnet XLVI
Extrait

Mieux vaut ici-bas être vil que de passer pour vil, alors que, ne l’étant pas, on subit le reproche de l’être. Le bonheur le plus légitime est condamné, quand il est jugé, non par notre conscience, mais par l’opinion d’autrui.Pourquoi...


XLVII - Sonnet XLVII
Extrait

Laisse-moi te dire que tous deux nous devons rester deux, bien que nos cœurs indivis ne fassent qu’un : ainsi les flétrissures qui s’attachent à moi, je les supporterai seul et sans ton aide.Dans nos deux amours nous n’avons qu’une...


XLVIII - Sonnet XLVIII
Extrait

Lassé de tout, j’invoque le repos de la mort : lassé de voir le mérite né mendiant, et la pénurie besoigneuse affublée en drôlerie, et la foi la plus pure douloureusement violée,Et l’honneur d’or honteusement déplacé, et la vertu vierge...


XLIX - Sonnet XLIX
Extrait

Oh ! comment pourrais-je chanter tes mérites avec convenance, quand tu es la meilleure partie de moi-même ? Que me servirait de faire mon propre éloge, et ne fais-je pas mon éloge en faisant le tien ?Ne fût-ce que pour...


L - Sonnet L
Extrait

Comme j’avance péniblement sur la route, quand le lieu où je vais, but de mon pénible voyage, fait dire à mon repos, fait dire à mon bonheur : « Tous les milles que tu mesures t’éloignent d’autant de ton ami....


LI - Sonnet LI
Extrait

Ainsi mon affection sait excuser la fastidieuse lenteur de ma triste monture, quand je m’éloigne de toi : car pourquoi m’enfuirais-je en hâte des lieux où tu es ? Avant que je revienne, il n’est pas besoin d’un train de...


LII - Sonnet LII
Extrait

Quel soin j’ai eu, quand je me suis mis en voyage, de serrer sous les plus solides verrous la moindre bagatelle, afin qu’elle restât intacte pour mon usage dans un dépôt sûr, à l’abri du larcin !Mais toi, près de...


LIII - Sonnet LIII
Extrait

Je suis comme le riche qu’une clef bénie peut mettre en présence du doux trésor qu’il cache, et qui ne veut pas le contempler à toute heure, de peur d’émousser le piquant aiguillon du plaisir rare.Aussi bien les fêtes sont...


LIV - Sonnet LIV
Extrait

Ainsi, vous êtes pour ma pensée ce qu’est la nourriture pour la vie, ou la pluie bien distribuée pour la terre ; et je me débats pour la pacifique possession de vous-même comme un avare avec ses richesses :Tantôt ayant...


LV - Sonnet LV
Extrait

Doux amour, renouvelle ta force ; qu’il ne soit pas dit que tu t’émousses plus vite que l’appétit qui aujourd’hui est amorti par la nourriture, mais qui demain reprend son premier aiguillon.Sois ainsi, toi, amour ! Quand tu rassasierais aujourd’hui...


LVI - Sonnet LVI
Extrait

Épuisé de fatigue, je me mets vite au lit, reposoir cher à mes membres harassés ; mais alors commence un voyage dans ma tête qui fait travailler mon esprit, quand expire le travail de mon corps ;Car alors mes pensées,...


LVII - Sonnet LVII
Extrait

Comment puis-je revenir en heureuse santé, quand le bienfait du repos m’est refusé, quand l’accablement du jour n’est pas réparé par la nuit, quand mes jours accablent mes nuits, et mes nuits mes jours ?Le jour et la nuit, quoique...


LVIII - Sonnet LVIII
Extrait

Est-ce ta volonté que ton image tienne mes lourdes paupières ouvertes à la nuit fastidieuse ? Désires-tu rompre mon sommeil, quand des ombres qui te ressemblent viennent se jouer de ma vue ?Est-ce ton esprit même que tu envoies hors...


LIX - Sonnet LIX
Extrait

C’est surtout quand mes yeux se ferment qu’ils voient le mieux, car tout le jour ils tombent sur des choses indifférentes ; mais, quand je dors, ils te contemplent en rêve et, s’éclairant des ténèbres, deviennent lucides dans la nuit.Ô...


LX - Sonnet LX
Extrait

Si mon être grossier n’était fait que de pensée, la distance injurieuse n’arrêterait pas ma marche ; car alors, en dépit de l’espace, je me transporterais des limites les plus reculées au lieu où tu résides.Qu’importerait alors que mon pied...


LXI - Sonnet LXI
Extrait

Les deux autres éléments, l’air subtil et le feu purifiant, sont avec toi partout où tu résides : le premier, ma pensée ! le second, mon désir ! présents-absents, ils filent d’un mouvement rapide.Aussi, quand, plus prompt que les autres,...


LXII - Sonnet LXII
Extrait

Quel hiver a été pour moi ton absence, ô toi, joie de l’année fugitive ! quels froids glacés j’ai sentis ! quels sombres jours j’ai vus ! partout quel désert gris de décembre !Et pourtant le temps de notre séparation...


LXIII - Sonnet LXIII
Extrait

C’est au printemps que j’étais éloigné de vous, alors qu’Avril aux éclatantes couleurs, paré de tous ses atours, animait toute chose d’un tel esprit de jeunesse que le lourd Saturne riait et dansait avec lui.Et pourtant, ni les chants des...


LXIV - Sonnet LXIV
Extrait

J’ai grondé ainsi la violette précoce : « Suave friponne, où as-tu volé le parfum que tu exhales, si ce n’est au souffle de mon amour ? Cet éclat empourpré, qui fait le teint de ta joue si douce, tu...


LXV - Sonnet LXV
Extrait

De quelle substance êtes-vous donc fait, vous qu’escortent des millions d’ombres étranges ? Chaque être n’a qu’une ombre unique, et vous, qui n’êtes qu’un pourtant, vous prêtez votre ombre à tout.Qu’on décrive Adonis, et le portrait n’est qu’une pauvre imitation...


LXVI - Sonnet LXVI
Extrait

Oh ! ne dis jamais que mon cœur t’a trahi, bien que l’absence ait semblé modérer ma flamme ! Je ne puis pas plus facilement me séparer de moi-même que de mon âme, qui vit dans ton sein.En toi est...


LXVII - Sonnet LXVII
Extrait

Hélas ! c’est vrai, je suis allé de côté et d’autre, et je me suis travesti comme un paillasse ; j’ai blessé mes propres sentiments, fait bon marché de ce qu’il y a de plus cher, commis de vieux péchés...


LXVIII - Sonnet LXVIII
Extrait

Oh ! grondez à mon sujet la Fortune, cette déesse coupable de tous mes torts, qui ne m’a laissé d’autre moyen d’existence que la ressource publique qui nourrit une vie publique.C’est là ce qui fait que mon nom porte un...


LXIX - Sonnet LXIX
Extrait

Votre amour et votre pitié couvrent la marque que le scandale vulgaire a imprimée sur mon front. Pourquoi m’inquiéterais-je que d’autres me traitent bien ou mal, si vous jetez l’ombre sur mon imperfection et si vous reconnaissez ma valeur ?Vous...


LXX - Sonnet LXX
Extrait

Depuis que je vous ai quitté, mes yeux sont dans mon esprit ; l’organe qui me dirige en mes mouvements ne remplit plus qu’imparfaitement sa fonction et est presque aveugle : il semble voir encore, mais en réalité il ne...


LXXI - Sonnet LXXI
Extrait

Est-ce mon âme qui, couronnée en vous, avale ce poison monarchique, l’illusion ? Ou dois-je croire que mes yeux disent vrai et qu’ils apprennent de mon amour l’alchimie,Par laquelle ils changent les monstres et les êtres informes en autant de...


LXXII - Sonnet LXXII
Extrait

Ils en ont menti, les vers, écrits par moi naguère, qui disaient que je ne pouvais pas vous aimer plus tendrement ; c’est qu’alors mon jugement ne voyait pas de motif pour que ma flamme tout incandescente brillât jamais de...


LXXIII - Sonnet LXXIII
Extrait

N’apportons pas d’entraves au mariage de nos âmes loyales. Ce n’est pas de l’amour que l’amour qui change quand il voit un changement, et qui répond toujours à un pas en arrière par un pas en arrière.Oh ! non !...


LXXIV - Sonnet LXXIV
Extrait

Dites, pour m’accuser, que je n’ai payé à vos grands mérites qu’un tribut mesquin, que j’ai oublié parfois de rendre hommage à cette amitié si chère à laquelle tous les liens m’enchaînent de jour en jour ;Que j’ai fréquenté des...


LXXV - Sonnet LXXV
Extrait

De même que, pour rendre l’appétit plus vif, on s’excite le palais avec des breuvages acides, et que, voulant prévenir un malaise inconnu, on s’indispose en se purgeant pour éviter une indisposition ;De même, plein de votre inépuisable douceur, j’ai...


LXXVI - Sonnet LXXVI
Extrait

Que de fois je me suis abreuvé de larmes de sirène, distillées d’alambics aussi noirs que l’enfer ! appliquant les craintes sur les espérances, les espérances sur les craintes, perdant toujours à chacune de mes victoires !Quelles misérables erreurs mon...


LXXVII - Sonnet LXXVII
Extrait

Les torts que vous eûtes un jour me réconcilient avec vous maintenant. Le souvenir du chagrin que vous me fîtes sentir alors doit forcément me faire plier sous le remords, si mes nerfs ne sont pas de cuivre ou d’acier.Car,...


LXXVIII - Sonnet LXXVIII
Extrait

Ta glace te montrera comment s’usent tes beautés ; ton cadran, comment se perdent tes minutes précieuses. Ces feuilles blanches porteront l’empreinte de ton esprit, et ce livre contiendra pour toi une science.Les rides, que ta glace te montrera fidèlement,...


LXXIX - Sonnet LXXIX
Extrait

Les tablettes que tu m’as données, toi, sont dans mon cerveau, toutes remplies de mémoires ineffaçables qui survivront à ce vain état de choses, par delà toutes les dates, jusqu’à éternité ;Ou qui dureront, du moins, tant que ma cervelle...


LXXX - Sonnet LXXX
Extrait

Non, tu ne te vanteras pas de me faire changer, ô Temps ! Tes pyramides, reconstruites sur de nouvelles assises, n’ont pour moi rien de surprenant, rien d’extraordinaire : elles ne sont que les revêtements d’une matière antérieure.Notre destinée est...


LXXXI - Sonnet LXXXI
Extrait

Si mon amour n’était qu’un enfant royal, il pourrait être déshérité comme un bâtard de la fortune ; il subirait l’alternative de la faveur et de la fureur du temps, comme les ronces ou comme les fleurs qui s’entassent sous...


LXXXII - Sonnet LXXXII
Extrait

À quoi me servirait-il de porter un dais au-dessus de mon amour, et de rendre à ce qui est extérieur des honneurs superficiels ? À quoi bon poser de vastes assises pour une éternité à laquelle couperont court la ruine...


LXXXIII - Sonnet LXXXIII
Extrait

Ceux qui ont le pouvoir de faire le mal et ne le font pas, ceux qui n’exercent pas la puissance qu’ils semblent le plus avoir ; ceux qui, remuant les autres, sont eux-mêmes comme la pierre, immuables, froids et lents...


LXXXIV - Sonnet LXXXIV
Extrait

Quel charme et quelle grâce tu donnes à la faute, qui, comme le ver dans la rose odorante, fait tache à la beauté de ton nom florissant ! Oh ! de quels parfums tu embaumes tes péchés !La langue qui...


LXXXV - Sonnet LXXXV
Extrait

Pour les uns, ton défaut est la jeunesse ; pour d’autres, la coquetterie ; pour d’autres, ta grâce est dans ta jeunesse et tes doux caprices ; mais grâces et défauts, quels qu’ils soient, sont plus ou moins aimés :...


LXXXVI - Sonnet LXXXVI
Extrait

Ce que les yeux du monde voient de toi, n’a rien que la pensée intime puisse réformer : toutes les langues, qui sont voix de l’âme, te rendent cet hommage, forcées à la vérité par l’aveu même de tes ennemis.Ta...


LXXXVII - Sonnet LXXXVII
Extrait

Ah ! pourquoi mon bien-aimé vivrait-il avec la corruption, et honorerait-il le sacrilége de son patronage, en sorte que le péché obtiendrait par lui un avantage décisif et se parerait de sa société ?Pourquoi le fard imiterait-il les teintes de...


LXXXVIII - Sonnet LXXXVIII
Extrait

Ainsi, sa joue est la mappemonde du passé, de l’époque où la beauté vivait et mourait comme les fleurs, avant que ces ornements bâtards que l’on porte osassent se montrer sur un front vivant ;Avant que les tresses d’or des...


LXXXIX - Sonnet LXXXIX
Extrait

Que tu sois blâmé, ce n’est pas un défaut chez toi, car la supériorité a toujours été la cible de la calomnie. La beauté a pour ornement le soupçon, ce corbeau qui vole dans l’air le plus pur du ciel.Pourvu...


XC - Sonnet XC
Extrait

Contre le temps, si jamais ce temps arrive, où je te verrai sévère pour mes défauts, où ton affection réglera son compte avec moi, poussée à ce calcul par des considérations réfléchies ;Contre le temps où tu passeras devant moi...


XCI - Sonnet XCI
Extrait

Quand tu seras d’humeur à me dédaigner, et que tu verras mon mérite de l’œil du mépris, je combattrai de ton côté contre moi-même, et je prouverai ta vertu en dépit même de ton parjure.Parfaitement éclairé sur ma propre faiblesse,...


XCII - Sonnet XCII
Extrait

Dis que tu m’as quitté pour un défaut quelconque, et j’ajouterai un commentaire à ton accusation. Dis que je suis boiteux, et je trébucherai soudain, sans faire aucune défense contre tes arguments.Afin de couvrir d’un prétexte une rupture désirée, tu...


XCIII - Sonnet XCIII
Extrait

Donc hais-moi, si tu veux ; maintenant, si jamais. Maintenant que le monde est ligué pour contrarier ma vie, joins-toi à la rancune du sort, fais-moi plier tout de suite, et ne viens pas m’accabler après coup.Ah ! quand une...


XCIV - Sonnet XCIV
Extrait

Les uns se glorifient de leur naissance, d’autres de leur talent, d’autres de leur richesse, d’autres de leur vigueur corporelle, d’autres de leurs vêtements enlaidis à la mode nouvelle ; ceux-ci de leurs faucons et de leurs chiens, ceux-là de...


XCV - Sonnet XCV
Extrait

Mais va, démène-toi pour te dérober à moi. Tu m’appartiens sûrement jusqu’au terme de ma vie. Ma vie ne durera pas plus longtemps que ton affection, car c’est de ton affection pour moi qu’elle dépend.Donc, quel besoin ai-je de craindre...


XCVI - Sonnet XCVI
Extrait

Ainsi je pourrai vivre en te supposant fidèle, comme un mari trompé ; ainsi, le visage de l’amour pourra me sembler encore l’amour, malgré ton inconstance, et ton regard être avec moi, et ton cœur être ailleurs.Car, la haine ne...


XCVII - Sonnet XCVII
Extrait

Étant votre serf, ai-je autre chose à faire qu’à attendre les heures et les moments de votre caprice ? Je n’ai pas de temps précieux à dépenser, pas de service à faire, jusqu’à ce que vous les réclamiez.Et je n’ose...


XCVIII - Sonnet XCVIII
Extrait

Que Dieu, qui tout d’abord me fit votre serf, me garde de contrôler même par la pensée vos heures de plaisir, ou d’implorer de vous le compte de vos moments ! Ne suis-je pas votre vassal, tenu d’attendre votre loisir...


XCIX - Sonnet XCIX
Extrait

Je t’ai si souvent invoqué pour ma muse, et tu as donné à mes vers une aide si éclatante, que toutes les autres plumes ont pris exemple sur moi et répandent leur poésie sous ton patronage.Tes yeux, qui ont appris...


C - Sonnet C
Extrait

Tant que seul j’ai invoqué ton aide, mon vers seul a possédé toute ta gentille grâce ; mais maintenant mes nombres gracieux sont déchus, et ma muse malade cède la place à une autre.Je conviens, doux amour, que ton aimable...


CI - Sonnet CI
Extrait

Comment ma muse pourrait-elle manquer de sujet tant que de ton souffle tu verses dans mon vers ton ineffable argument, trop parfait pour être confié à un papier vulgaire ?Oh ! remercie-toi toi-même, si tu trouves chez moi rien qui...


CII - Sonnet CII
Extrait

Oh ! que je me sens faible en écrivant sur vous, quand je sais qu’un esprit supérieur fait usage de votre nom et emploie toute sa puissance à le chanter, enchaînant ma langue en parlant de votre gloire !Mais puisque...


CIII - Sonnet CIII
Extrait

Je conviens que tu n’es pas marié à ma muse, et qu’ainsi tu peux sans crime jeter les yeux sur ces phrases de dédicace que les écrivains adressent à leur héros, — bénédictions de tous les livres !Tu es aussi...


CIV - Sonnet CIV
Extrait

Je n’ai jamais vu que vous eussiez besoin de fard ; aussi n’en mets-je point à votre belle figure. J’ai trouvé ou cru trouver que votre créance excédait l’offre misérable de la poésie.Aussi ai-je endormi ma muse à votre sujet,...


CV - Sonnet CV
Extrait

Quel est le plus éloquent ? qui en peut dire plus que ce riche éloge : Vous seul êtes vous ? C’est dans ces termes-là qu’est muré le trésor qui peut offrir du vôtre un équivalent.Elle est d’une pénurie misérable,...


CVI - Sonnet CVI
Extrait

Ma muse, bouche close, garde discrètement le silence, tandis que votre louange, compilée en riches commentaires, est gravée à jamais avec une plume d’or sur une phrase précieuse taillée par toutes les muses.Je pense de belles pensées, tandis que les...


CVII - Sonnet CVII
Extrait

Est-ce cette poésie grandiose, dont la voile fière a entrepris la capture de vos trop précieux trésors, qui a enterré dans mon cerveau mes mûres pensées, et leur a donné pour tombe la matrice où elles étaient nées ?Est-ce cet...


CVIII - Sonnet CVIII
Extrait

Adieu ! tu es un bien trop précieux pour moi, et tu sais trop sans doute ce que tu vaux : la charte de ta valeur te donne la liberté, et tes engagements envers moi sont tous terminés.Car ai-je d’autres...


CIX - Sonnet CIX
Extrait

Si tu survis à mon existence résignée, alors que la mort brutale couvrira mes os de poussière, et si par hasard tu relis une fois encore ces pauvres méchants vers de ton ami disparu,Compare-les aux meilleures œuvres du jour, et,...


CX - Sonnet CX
Extrait

Pauvre âme, centre de ma terre pécheresse, jouet des puissances rebelles qui t’enveloppent, pourquoi pâtis-tu intérieurement et te laisses-tu dépérir, en peignant tes murs extérieurs de si coûteuses couleurs ?Pourquoi, ayant un loyer si court, fais-tu de si grandes dépenses...


CXI - Sonnet CXI
Extrait

Où donc es-tu, muse, pour oublier si longtemps de parler de celui qui te donne toute ta puissance ? Dépenses-tu ta furie à quelque indigne chant, couvrant d’ombre ta poésie pour mettre la lumière sur de vils sujets ?Reviens, muse...


CXII - Sonnet CXII
Extrait

Ô muse truande ! quelle sera ta pénitence pour avoir ainsi négligé tant de vertu colorée de tant de beauté ? Beauté et vertu appartiennent toutes deux à mon amour ; toi, tu lui appartiens aussi, et c’est ce qui...


CXIII - Sonnet CXIII
Extrait

Mon amour s’est fortifié, quoique plus faible en apparence : je n’aime pas moins, bien que je semble moins aimer. C’est faire marchandise de ce qu’on aime que d’en publier partout à haute voix la riche estimation.Notre amour, tout nouveau,...


CXIV - Sonnet CXIV
Extrait

Hélas ! quelle pauvreté montre ma muse, pour que, présentant une telle ampleur à son inspiration, mon sujet soit plus beau dans sa nudité que sous les éloges dont elle le couvre !Oh ! ne me blâmez pas si je...


CXV - Sonnet CXV
Extrait

Qu’on ne traite pas mon amour d’idolâtrie, ni mon bien-aimé d’idole, parce que mes chants et mes louanges, sans cesse dédiés à lui, ne parlent que de lui, encore et toujours les mêmes !Charmant est mon bien-aimé, aujourd’hui comme demain,...


CXVI - Sonnet CXVI
Extrait

Pourquoi ma poésie est-elle ainsi dénuée des caprices nouveaux, et se garde-t-elle ainsi des variations et des changements subits ? Pourquoi, selon la mode du moment, ne tourné-je pas les regards vers les méthodes nouvelles et les formules étrangères ?Pourquoi...


CXVII - Sonnet CXVII
Extrait

Lorsque, dans la chronique des temps évanouis, je vois la description des plus charmantes créatures, et les vieilles rimes que la beauté a inspirées en l’honneur de nobles dames et d’aimables chevaliers qui ne sont plus,Alors, dans l’esquisse où sont...


CXVIII - Sonnet CXVIII
Extrait

S’il est vrai qu’il n’y a rien de nouveau, mais que tout ce qui existe a existé d’abord, quelle déception pour notre cerveau qui, dans le travail de l’invention, porte à son insu pour la seconde fois le fardeau d’un...


CXIX - Sonnet CXIX
Extrait

Ô mon aimable enfant, toi qui tiens en ton pouvoir le sablier capricieux et qui joues avec l’heure, cette faux du Temps, toi qui vis de ravages et ne montres autour de toi que des cœurs flétris à mesure que...


CXX - Sonnet CXX
Extrait

Pour moi, charmant ami, vous ne pouvez vieillir ; car, tel vous étiez quand mes yeux rencontrèrent les vôtres pour la première fois, telle votre beauté m’apparaît encore. Le froid de trois hivers a arraché aux forêts la parure de...


CXXI - Sonnet CXXI
Extrait

Nous demandons une postérité aux plus belles créatures, afin que la rose de la beauté ne puisse jamais mourir et que, fatalement flétrie par la maturité, elle perpétue son image dans un tendre rejeton.Mais toi, fiancé à tes brillants regards,...


CXXII - Sonnet CXXII
Extrait

Lorsque quarante hivers assiégeront ton front et creuseront des tranchées profondes dans le champ de ta beauté, la fière livrée de ta jeunesse, si admirée maintenant, ne sera qu’une guenille dont on fera peu de cas.Si l’on te demandait alors...


CXXIII - Sonnet CXXIII
Extrait

Regarde dans ta glace, et dis à la figure que tu y vois qu’il est temps que cette figure en forme une autre : si tu n’en fais pas maintenant revivre la fraîche image, tu voles le monde, et tu...


CXXIV - Sonnet CXXIV
Extrait

Gaspilleur de grâce, pourquoi dépenses-tu en toi-même l’héritage de ta beauté ? La nature dans ses legs ne donne rien, elle prête, et, étant libérale, elle ne prête qu’aux généreux.Alors, bel avare, pourquoi perds-tu les trésors féconds qui te sont...


CXXV - Sonnet CXXV
Extrait

Ces mêmes Heures, qui ont formé par un travail exquis ce type admirable où se plaisent tous les yeux, deviendront impitoyables pour lui, et disgracieront ce qui est la grâce suprême.Car le temps infatigable traîne l’été au hideux hiver et...


CXXVI - Sonnet CXXVI
Extrait

Donc, ne laisse pas la rude main de l’hiver déflorer en toi ton été, avant que tu aies distillé ta séve. Verse ton parfum en quelque fiole. Thésaurise en un lieu choisi les trésors de ta beauté, et ne la...


CXXVII - Sonnet CXXVII
Extrait

Regarde ! à l’orient, quand le soleil gracieux lève sa tête brûlante, tous les yeux ici-bas rendent hommage à son apparition nouvelle, en saluant du regard sa majesté sacrée ;Et même, quand il a gravi la hauteur escarpée du ciel,...


CXXVIII - Sonnet CXXVIII
Extrait

Toi dont la voix est une musique, pourquoi écoutes-tu si mélancoliquement la musique ? Ce qui est doux ne heurte pas ce qui est doux ; la joie se plaît à la joie. Pourquoi aimes-tu ce que tu goûtes ainsi...


CXXIX - Sonnet CXXIX
Extrait

Est-ce par crainte de mouiller l’œil d’une veuve que tu te consumes dans une vie solitaire ? Ah ! si tu viens à mourir sans enfants, la création te pleurera, comme une épouse son époux.La création sera ta veuve, et...


CXXX - Sonnet CXXX
Extrait

Ô honte ! avoue que tu n’aimes personne, puisque tu es si imprévoyant pour toi-même. J’accorde, si tu veux, que tu es aimé par beaucoup : mais que tu n’aimes personne, cela est trop évident.Car tu es tellement possédé de...


CXXXI - Sonnet CXXXI
Extrait

À mesure que tu déclineras, tu grandiras dans ton enfant de tout ce dont tu auras décru ; et ce sang vif que, jeune, tu auras transmis, tu pourras dire que c’est le tien, quand tu t’éloigneras de la jeunesse.Ainsi...


CXXXII - Sonnet CXXXII
Extrait

Quand je compte les heures qui marquent le temps et les jours splendides sombrés dans la nuit hideuse ; quand je vois la violette hors de saison et les noires chevelures tout argentées de blanc ;Quand je contemple, dépouillés de...


CXXXIII - Sonnet CXXXIII
Extrait

Oh ! si vous existiez par vous-même ! mais, ami, vous ne vous appartiendrez plus dès que vous aurez vécu votre vie ici-bas. Préparez-vous contre cette fin fatale, et donnez votre douce ressemblance à quelque autre.Par là, cette beauté, que...


CXXXIV - Sonnet CXXXIV
Extrait

Ce n’est pas des étoiles que je tire mon jugement ; et pourtant, je t’assure, je possède une astronomie ; non pas pour prédire l’heur et le malheur, les pertes, les disettes et le temps qu’il fera ;Non pas pour...


CXXXV - Sonnet CXXXV
Extrait

Quand je considère que tout ce qui croît ne reste dans sa perfection qu’un petit moment, et que cet état suprême ne présente que des apparences soumises aux influences mystérieuses des astres,Quand je réfléchis que les hommes croissent comme les...


CXXXVI - Sonnet CXXXVI
Extrait

Mais pourquoi ne prenez-vous pas un moyen plus puissant de faire la guerre au temps, ce sanglant despote ? Pourquoi ne vous fortifiez-vous pas vous-même contre la ruine avec des armes plus heureuses que ma rime stérile ?Vous voilà maintenant...


CXXXVII - Sonnet CXXXVII
Extrait

Qui croira mon vers dans les temps à venir, si je le remplis de vos mérites transcendants ? Il n’est pourtant, le ciel le sait ! qu’un tombeau qui cache votre vie, et ne montre pas la moitié de vos...


CXXXVIII - Sonnet CXXXVIII
Extrait

Te comparerai-je à un jour d’été ? Tu es plus aimable et plus tempéré. Les vents violents font tomber les tendres bourgeons de mai, et le bail de l’été est de trop courte durée.Tantôt l’œil du ciel brille trop ardemment,...


CXXXIX - Sonnet CXXXIX
Extrait

Temps dévorant, émousse les pattes du lion, et fais dévorer par la terre ses propres couvées ; arrache la dent aiguë de la mâchoire du tigre féroce, et brûle dans son sang le phénix séculaire.Fais les saisons gaies et tristes...


CXL - Sonnet CXL
Extrait

Comme les vagues se jettent sur les galets de la plage, nos minutes se précipitent vers leur fin, chacune prenant la place de celle qui la précédait ; et toutes se pressent en avant dans une pénible procession.La nativité, une...


CXLI - Sonnet CXLI
Extrait

Tu peux voir en moi ce temps de l’année où il ne pend plus que quelques rares feuilles jaunes aux branches qui tremblent sous le souffle de l’hiver, orchestres nus et ruinés où chantaient naguère les doux oiseaux.En moi tu...


CXLII - Sonnet CXLII
Extrait

Comme un père en sa décrépitude prend plaisir à voir son enfant alerte faire acte de jeunesse, de même, moi, que la rancune acharnée de la fortune a rendu boiteux, je trouve toute ma consolation dans ton mérite et dans...


CXLIII - Sonnet CXLIII
Extrait

Ma glace ne me persuadera pas que je suis vieux, tant que la jeunesse et toi vous serez du même âge ; ce n’est que quand je remarquerai sur toi les sillons du temps que je m’attendrai à voir la...


CXLIV - Sonnet CXLIV
Extrait

Le péché d’amour-propre possède mes yeux tout entiers, et toute mon âme, et toutes les parties de mon être : et pour ce péché il n’est pas de remède, tant il est profondément enraciné dans mon cœur.Il me semble qu’il...


CXLV - Sonnet CXLV
Extrait

Quand je serai mort, cessez de me pleurer aussitôt que le glas sinistre aura averti le monde que je me suis enfui de ce vil monde pour demeurer avec les vers les plus vils.Non, si vous lisez ces lignes, ne...


CXLVI - Sonnet CXLVI
Extrait

Oh ! de peur que le monde ne vous somme de raconter quel mérite vivait en moi pour que vous m’aimiez ainsi après ma mort, — cher amour, oubliez-moi tout à fait ; car vous ne pourriez montrer en moi...


CXLVII - Sonnet CXLVII
Extrait

Mais résigne-toi : quand le fatal arrêt, qui n’admet pas de caution, m’emportera de ce monde, ma vie se retrouvera dans ces vers qui resteront toujours avec toi comme un mémorial.Quand tu les reverras, tu reconnaîtras la part même de...


CXLVIII - Sonnet CXLVIII
Extrait

Ou je vivrai pour faire votre épitaphe, ou vous me survivrez quand je serai pourri en terre ; ainsi la mort ne peut effacer d’ici votre mémoire, quand même tout mon être serait livré à l’oubli.Votre nom tirera de mes...


CXLIX - Sonnet CXLIX
Extrait

Quand je vois la main cruelle du temps dégrader dans le sépulcre la coûteuse parure de la vieillesse usée ; quand je vois les hautes tours rasées, et le bronze éternel sujet à la rage de la mort ;Quand je...


CL - Sonnet CL
Extrait

Un jour viendra où mon bien-aimé sera, comme je le suis maintenant, écrasé et épuisé par la main injurieuse du temps. Un jour viendra où les heures auront tari son sang et couvert son front de lignes et de rides...


CLI - Sonnet CLI
Extrait

Puisque le bronze, la pierre, la terre, la mer sans bornes, ne peuvent résister à la triste mortalité, comment la beauté se défendrait-elle contre cette furie, elle qui en action n’est pas plus forte qu’une fleur ?Oh ! comment le...


CLII - Sonnet CLII
Extrait

Oh ! comme la beauté semble plus belle lorsqu’elle est embaumée par la vérité ! La rose paraît charmante, mais nous la trouvons plus charmante à cause du suave parfum qu’elle recèle.L’églantine a des couleurs aussi vives que la teinte...


CLIII - Sonnet CLIII
Extrait

Ni le marbre, ni les mausolées dorés des princes ne dureront plus longtemps que ma rime puissante. Vous conserverez plus d’éclat dans ces mesures que sous la dalle non balayée que le temps barbouille de sa lie.Quand la guerre dévastatrice...


CLIV - Sonnet CLIV
Extrait

Est-il dans le cerveau humain une idée, que puisse fixer l’encre, qui n’ait été employée à te représenter mes vrais sentiments ? Reste-t-il maintenant rien de nouveau à dire ou à écrire pour exprimer mon amour ou ton rare mérite...


CLV - Sonnet CLV
Extrait

Ni mes propres pressentiments, ni l’âme prophétique de l’univers immense rêvant aux choses à venir, ne peuvent désormais fixer de terme au bail de mon amour, qu’on supposait condamné à une résiliation fatale.La lune condamnée a survécu à son éclipse,...


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Othello

L'œuvre "Othello" de William Shakespeare traite des thèmes de l'amour, de la jalousie, de la trahison et de la manipulation. L'histoire se déroule à Venise et suit Othello, un général...

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