ACTE DEUXIÈME



L'après-midi. La même pièce qu'au premier acte. Seulement le piano a été enlevé et remplacé par un élégant petit bureau surmonté d'une étagère à livres. À gauche, on a placé une petite table près du sofa. La plupart des bouquets ont été enlevés. Celui de Mme Elvsted est posé sur la grande table du milieu.
HEDDA est seule, en toilette de ville. Debout, devant la porte-fenêtre ouverte, elle charge un pistolet. On en voit un tout semblable dans une boîte ouverte posée sur le bureau.

HEDDA (jette un coup d'œil dans le jardin et s'écrie : — Bonjour, monsieur le juge ! BRACK répond du jardin)
Bonjour, madame Tesman.

HEDDA (lève le pistolet et vise)
Gare à vous, monsieur le juge Brack ! Je vais vous tuer !

BRACK (criant d'en bas)
Non, non, non ! Ne me visez donc pas ainsi !

HEDDA
Voilà ce qui arrive quand on entre par la petite porte.
(Elle fait feu.)

BRACK (qui s'est rapproché)
Vous êtes folle, je crois !…

HEDDA
Ah ! mon Dieu ! Vous aurais-je touché ?

BRACK (toujours dehors)
Cessez donc ces folies !

HEDDA
Allons ! entrez, juge.
(Le juge BRACK entre par la porte vitrée. Il est en redingote et porte un léger pardessus sur le bras.)

BRACK
Sapristi, vous continuez donc à cultiver ce sport. Sur quoi tirez-vous ?

HEDDA
Oh ! sur rien. Je m'amuse à tirer en l'air, dans le ciel bleu.

BRACK (lui enlevant prudemment le pistolet)
Vous permettez, madame. (Regardant l'arme.)
Oh ! celui-ci, je le connais. (Jetant un coup d'œil autour de lui.)
Où est la boîte ? Ah ! La voici.(Il dépose le pistolet dans la boîte, qu'il ferme.)
Trêve de ces plaisanteries-là, pour aujourd'hui !

HEDDA
Mon Dieu, que voulez-vous donc que je fasse pour me distraire ?

BRACK
Il n'est pas venu de visites ?

HEDDA (refermant la porte vitrée)
Pas une. Tous les intimes sont encore à la campagne.

BRACK
Et Tesman est sorti, n'est-ce pas ?

HEDDA (tout en plaçant la boîte à pistolet dans un tiroir du bureau)
Oui. À peine le repas terminé, il s'est précipité chez ses tantes. Il ne vous attendait pas de si bonne heure.

BRACK
Hem, comment n'y ai-je pas songé ? C'est stupide de ma part.

HEDDA (tournant la tête pour le regarder)
Pourquoi est-ce stupide ?

BRACK
Parce qu'alors je serais venu encore un peu plus tôt.

HEDDA (traversant la pièce)
Vous n'auriez trouvé personne. Après le dîner, je suis allée dans ma chambre, pour changer de toilette.

BRACK
Et il n'y aurait pas dans la porte une toute petite fente par où l'on pût parlementer ?

HEDDA
Non, puisque vous avez oublié ce détail.

BRACK
Encore une stupidité de ma part.

HEDDA
II ne nous reste plus qu'à prendre place et à attendre Tesman, qui ne rentrera pas de sitôt.

BRACK
Mon Dieu, je tâcherai de prendre patience.
(HEDDA s'assied dans le coin du sofa. BRACK jette son paletot sur le dossier d'une chaise, mais garde, en s'asseyant, son chapeau à la main. Un court silence. Ils se regardent.)

HEDDA
Eh bien ?

BRACK (sur le même ton)
Eh bien ?

HEDDA
C'est moi qui ai demandé la première.

BRACK (se penchant légèrement en avant)
C'est cela ! Taillons maintenant une bonne petite bavette, madame Hedda.

HEDDA (s'enfonçant plus profondément dans le sofa)
Ne vous semble-t-il pas qu'il y a une éternité que nous n'avons causé l'un avec l'autre ? Ces quelques mots hier soir et ce matin, je ne les compte pas.

BRACK
Vous voulez dire… en tête à tête, comme nous le faisons maintenant.

HEDDA
Oui, c'est cela… à peu près.

BRACK
Il ne s'est pas écoulé un seul jour sans que j'aie souhaité vous voir rentrer.

HEDDA
Je vous jure bien que je l'ai souhaité moi-même, et cela tout le temps.

BRACK
Vous ? Pas possible, madame Hedda ? Et moi qui croyais que vous vous étiez si bien amusée en voyage !

HEDDA
Vous avez cru cela ?

BRACK
Tesman ne cessait de le répéter dans ses lettres.

HEDDA
Lui ! Je crois bien ! Il n'a pas de plus grande joie que de fouiller dans les bibliothèques, de passer des heures à copier de vieux parchemins. Dieu sait quoi, enfin !

BRACK (avec un peu de malice)
Il faut dire que c'est là son métier dans ce bas monde. En partie du moins.

HEDDA
Oui, c'est vrai. Aussi au bout du compte… Mais moi !… Oh non, mon cher juge, je me suis considérablement ennuyée.

BRACK (d'un ton de compassion)
Vraiment ? Bien à fond ?

HEDDA
Mais oui, c'est facile à comprendre !… Toute une demi-année sans rencontrer âme qui vive de notre cercle intime !… Personne à qui parler de nos petites affaires !

BRACK
Oui, oui, pour moi aussi ç'aurait été une privation.

HEDDA
Et puis, ce qu'il y avait de plus insupportable, c'était…

BRACK
C'était ?

HEDDA
D'être toujours, éternellement, avec la même personne.

BRACK (hochant la tète en signe d'assentiment)
En effet ! Je me représente cela. Tout le temps, et à toutes les heures possibles, n'est-ce pas ?

HEDDA
J'ai dit : toujours, éternellement.

BRACK
C'est vrai ; mais avec notre excellent Tesman, il me semble bien qu'on pourrait…

HEDDA
Tesman est un spécialiste, mon cher.

BRACK
C'est juste.

HEDDA
Et les spécialistes ne sont pas amusants en voyage. Pas à la longue du moins.

BRACK
Pas même un spécialiste… qu'on aime ?

HEDDA
Pouah ! N'employez donc pas ce mot écoeurant !

BRACK (sursautant)
Voyons, madame Hedda !

HEDDA (moitié souriante, moitié fâchée)
Oui, je voudrais vous y voir ! Entendre parler de l'histoire de la civilisation du matin au soir.

BRACK
Toujours, éternellement…

HEDDA
Oui, oui, oui! Et l'industrie domestique au Moyen Age !… Ah ! cela, voyez-vous, c'est encore le pire de tout !

BRACK (la scrutant du regard)
Mais, dites-moi, comment m'expliquer en ce cas?… Hem…

HEDDA
Que nous nous soyons attelés ensemble, Jorgen Tesman et moi ? C'est là ce que vous voulez dire ?

BRACK
Eh bien, oui. Si l'on peut s'exprimer ainsi…

HEDDA
Mon Dieu ! Trouvez-vous donc cela si extraordinaire ?

BRACK
Oui et non, madame Hedda.

HEDDA
J'étais positivement lasse de la danse, mon cher juge. Mon temps était passé.(Tressaillant légèrement.)
Oh non !… Je ne voudrais pourtant pas dire cela, ni même le penser !

BRACK
Vous n'avez certainement aucune raison de le faire.

HEDDA
Oh !… ça. (Le scrutant des yeux.)
Et, quant à Jorgen Tesman, on peut dire, n'est-ce pas, que c'est un homme correct sous tous les rapports ?

BRACK
Correct et rangé. C'est certain.

HEDDA
On ne peut pas dire non plus qu'il soit ce qui s'appelle ridicule, n'est-ce pas ?

BRACK
Ridicule ! N… non, pas précisément…

HEDDA
C'est un très zélé collectionneur, en tout cas. Avec le temps, il ira peut-être loin.

BRACK (la regardant, indécis)
Je croyais que vous en étiez sûre comme tout le monde : généralement, on tient Tesman pour un homme de grand avenir.

HEDDA (avec une expression de fatigue)
Oui, je l'ai cru aussi. Et puisqu'il voulait à toute force avoir le droit d'assurer mon avenir à moi, je ne vois pas pourquoi je l'aurais refusé ?

BRACK
Oui, à ce point de vue…

HEDDA
C'était toujours plus que ce que mes autres chevaliers servants étaient prêts à faire, mon cher juge.

BRACK (riant)
Assurément, je ne puis répondre pour les autres ; mais, quant à moi, vous savez bien que j'ai toujours éprouvé par principe un respectueux éloignement pour les liens matrimoniaux, madame Hedda.

HEDDA (plaisantant)
Aussi n'ai-je jamais fondé d'espoir sur vous.

BRACK
Tout ce que je demande, c'est une bonne petite intimité, qui me permette de rendre service en paroles et en actions, d'aller et de venir en ami éprouvé.

HEDDA
Avec le mari, n'est-ce pas ?

BRACK (s'inclinant)
À vrai dire, surtout avec la femme. Et avec le mari aussi, cela va de soi. Savez-vous qu'une combinaison de ce genre, que j'appellerai, si vous voulez, triangulaire, est en réalité pleine d'agréments pour tous les trois.

HEDDA
C'est vrai. Plus d'une fois, en voyage, un tiers m'a manqué. Oh ! ces tête-à-tête dans les coupés !

BRACK
Par bonheur vous en avez fini avec le voyage de noces.

HEDDA (secouant la tête)
Le voyage sera probablement long, bien long. Je ne suis encore qu'à une station.

BRACK
C'est le moment de sauter à terre pour se donner un peu de mouvement. N'est-ce pas, madame Hedda ?

HEDDA
Jamais je ne sauterai de wagon.

BRACK
Vous en êtes sûre ?

HEDDA
Oui. Car il y a là toujours quelqu'un pour…

BRACK (souriant)
Pour lorgner la cheville, n'est-ce pas ?

HEDDA
Précisément.

BRACK
Eh ! mon Dieu…

HEDDA (l'arrêtant du geste)
Je n'aime pas ça. Dans ce cas, je préfère rester assise, à ma place, en tête à tête.

BRACK
Mais si un tiers montait dans le coupé ?

HEDDA
Ah ! ce serait différent !

BRACK
Un ami éprouvé, perspicace.

HEDDA
Plein de ressources et d'intérêt.

BRACK
Et pas du tout spécialiste !

HEDDA (soupirant profondément)
Ah ! ce serait là un vrai soulagement.

BRACK (jetant un regard vers la porte d'entrée qu'il a entendu s'ouvrir)
Voici le triangle qui se défait.

HEDDA (à demi-voix)
Et le train qui repart.
(Jorgen TESMAN, en complet de promenade gris, coiffé d'un feutre mou, entre par la porte du vestibule, portant des livres non reliés, les uns sous le bras, les autres dans les poches.)

TESMAN (se dirigeant vers la table placée devant le canapé d'angle)
Ouf ! On a chaud, quand on se promène avec cela. (Il dépose les livres.)
Je suis littéralement en sueur, Hedda. Mais que vois-je ? Vous êtes déjà là, mon cher juge. Hein ? Berte ne m'en avait pas dit un mot.

BRACK (se levant)
Je suis entré par le jardin.

HEDDA
Qu'est-ce donc que tous ces livres ?

TESMAN (debout, feuilletant)
Quelques ouvrages spécialisés dont j'avais besoin.

HEDDA
Des ouvrages spécialisés ?

BRACK
Ah oui ! des ouvrages spécialisés ! Vous entendez, madame Tesman ?
(BRACK et HEDDA échangent un sourire d'entente.)

HEDDA
T'en faut-il encore beaucoup de ces ouvrages spécialisés ?

TESMAN
Oui, ma chère Hedda ; on n'en a jamais assez. Ne faut-il pas suivre tout ce qui s'écrit et s'imprime ?

HEDDA
Oui, il faut suivre tout.

TESMAN (cherchant parmi les livres)
Tiens ! J'ai réussi à mettre la main sur le nouveau livre d'Eilert Loevborg. (Le lui tendant.)
As-tu envie de le voir, Hedda? Hein?

HEDDA
Non. Merci. Ou peut-être bien que si, plus tard.

TESMAN
Je l'ai un peu feuilleté en route.

BRACK
Eh bien ? Qu'en dites-vous, vous, un spécialiste ?

TESMAN
Je trouve qu'il témoigne d'une singulière concentration d'esprit. Il n'avait encore jamais écrit de cette façon. (Rassemblant les livres.)
Maintenant je vais emporter tout cela. Ce sera un plaisir que de couper les pages. Et puis, il faut que je me change. (À BRACK.)
Dites donc, nous ne partons pas encore ? Hein ? C'est trop tôt.

BRACK
Certainement non. Cela ne presse pas. Nous avons tout le temps.

TESMAN
Très bien. Je vais pouvoir en prendre un peu. (Il veut s'éloigner avec les livres, mais s'arrête dans l'embrasure de la porte et se retourne.)
C'est juste… Hedda, tante Juliane ne viendra pas chez toi ce soir.

HEDDA
Ah ? Elle n'a peut-être pas encore digéré l'histoire du chapeau ?

TESMAN
Pas du tout. Comment peux-tu croire cela de tante Juliane ? Dis ? Mais, vois-tu, tante Rina va très mal.

HEDDA
Elle va toujours très mal.

TESMAN
Oui, mais ce soir la pauvre femme est dans une mauvaise passe.

HEDDA
Ah ! s'il en est ainsi, on comprend que l'autre reste auprès d'elle. Je tâcherai de m'en consoler.

TESMAN
Et, malgré cela, tu ne peux pas t'imaginer quelle immense joie cela a fait à tante Juliane, que tu te sois épanouie pendant le voyage !

HEDDA (se levant, à mi-voix)
Ah ! ces éternelles tantes !

TESMAN
Hein ?

HEDDA (s'approchant de la porte vitrée)
Rien.

TESMAN
Ah ?… C'est bien.
(Il passe dans la pièce du fond et sort à droite.)

BRACK
Quel est ce chapeau dont vous parliez ?

HEDDA
Oh ! C'est quelque chose qui m'est arrivé ce matin avec Mlle Tesman. Elle avait posé son chapeau sur une chaise, (Elle le regarde et sourit)
et j'ai fait semblant de croire que c'était celui de la bonne.

BRACK (hochant la tête)
Chère madame Hedda ! Comment avez-vous pu faire cela à cette aimable vieille dame !

HEDDA (nerveuse, traversant la pièce)
Voyez-vous, cela me vient comme cela, par envie. C'est plus fort que moi. (Se jetant dans le fauteuil placé au coin de la cheminée.)
Ah ! je ne puis me l'expliquer moi-même.

BRACK (derrière le fauteuil)
Vous n'êtes pas heureuse, voilà le secret.

HEDDA (regardant devant elle)
Mon Dieu ! Je ne sais pas pourquoi je serais heureuse. Pourriez-vous me le dire, vous ?

BRACK
Mais, entre autres, parce que vous avez eu ce que vous désiriez. Je parle de votre maison.

HEDDA (le regarde et sourit)
Vous y croyez donc aussi, à cette histoire de désir réalisé ?

BRACK
Comment ? Il n'y aurait rien de vrai là-dedans ?

HEDDA
Si, une seule chose.

BRACK
Quoi ?

HEDDA
C'est que j'avais besoin de Tesman pour me reconduire chez moi l'été dernier, quand je sortais le soir.

BRACK
Hélas ! Je devais prendre un autre chemin… que vous.

HEDDA
C'est vrai. Vous suiviez un autre chemin… l'été dernier.

BRACK (souriant)
Vous n'avez pas honte, madame Hedda ! Mais voyons. Nous disions donc que Tesman et vous ?…

HEDDA
Oui. Nous passions un soir par ici. Mon pauvre Tesman se tordait d'embarras : il ne trouvait rien à dire. C'est alors que j'ai eu pitié de l'infortuné savant.

BRACK (avec un sourire de doute)
Vraiment ? Hem.

HEDDA
Je vous prie de le croire. Alors, pour lui tendre la perche, j'eus l'étourderie de dire que j'aimerais demeurer dans cette villa.

BRACK
Rien de plus ?

HEDDA
Pas ce soir-là.

BRACK
Mais plus tard, n'est-ce pas ?

HEDDA
Oui, mon cher juge, mon étourderie a eu des suites.

BRACK
Hélas ! C'est le cas de la plupart de nos étourderies, madame Hedda.

HEDDA
Merci ! Mais vous voyez que c'est par une admiration commune pour la villa de Mme Falk que notre entente a commencé. Les fiançailles, le mariage, le voyage de noces et le reste n'ont été qu'une suite. Oui, oui, mon cher juge, j'allais presque dire : comme on fait son lit, on se couche.

BRACK
Adorable ! Et, au fond, vous ne vous êtes peut-être jamais souciée de tout cela.

HEDDA
Dieu sait que non !

BRACK
Mais aujourd'hui ? Aujourd'hui que nous vous avons arrangé un bon petit nid ?

HEDDA
Pouah !… Je crois sentir dans toutes les chambres une odeur de lavande et de roses séchées. Ce sera tante Juliane qui l'aura introduite dans la maison.

BRACK (souriant)
Non. Cela doit venir plutôt de feu l'épouse du ministre Falk.

HEDDA
Oui, cela dégage une odeur de mort et fait penser à un parfum de fleurs, le lendemain d'un bal. (Elle se croise les mains derrière la nuque, se renverse sur le dossier de son siège et regarde le juge.)
Ah ! mon cher juge, vous ne vous faites pas une idée du mortel ennui qui m'attend dans cette villa.

BRACK
Est-ce que la vie ne vous offrirait pas un but comme aux autres, madame Hedda ?

HEDDA
Un but quelque peu séduisant, n'est-ce pas ?

BRACK
Oui, cela vaudrait mieux.

HEDDA
Dieu sait ce qu'il pourrait être, ce but. Quelquefois je pense… (S'interrompant.)
Mais non ! C'est encore là une impossibilité, sans doute.

BRACK
Qui sait ? Dites toujours.

HEDDA
Si je poussais Tesman à faire de la politique ?

BRACK (souriant)
Tesman ! Non, savez-vous, la politique n'est vraiment pas son fait.

HEDDA
Non, je le crois sans peine. Si pourtant je l'y poussais ?

BRACK
Oui, mais quel plaisir en tireriez-vous ? Puisqu'il n'a pas de dispositions pour ça ! Pourquoi voudriez-vous l'engager dans cette voie ?

HEDDA
Parce que je m'ennuie, entendez-vous ! (Après une courte pause.)
Ainsi vous croyez tout à fait impossible que Tesman devienne Premier ministre ?

BRACK
Hem, voyez-vous, chère madame Hedda, pour le devenir il faudrait d'abord qu'il fût assez riche.

HEDDA (se levant avec impatience)
Ah ! nous y voilà ! C'est dans ces misérables conditions qu'il me faut vivre maintenant ! (Traversant la pièce.)
C'est cela qui rend la vie si navrante ! Une chose simplement ridicule ! C'est vrai, cela.

BRACK
Je crois que le défaut gît ailleurs.

HEDDA
Où donc ?

BRACK
Vous n'avez jamais rien connu de vraiment stimulant.

HEDDA
Rien de sérieux, voulez-vous dire ?

BRACK
Eh oui ! Si vous voulez ! Mais cela pourrait changer maintenant.

HEDDA (hochant la tête)
Ah ! Vous parlez de tous les ennuis que suscite ce misérable poste de professeur ! Cela ne regarde que Tesman. Je n'y songe seulement pas.

BRACK
Non, non, ne parlons pas de cela. Mais s'il vous incombait des devoirs sérieux, ce qu'on appelle en style élevé de graves responsabilités ? (Souriant.)
Enfin, de nouveaux devoirs, ma petite madame Hedda.

HEDDA (avec colère)
Taisez-vous ! Cela n'arrivera jamais !

BRACK (d'un air réfléchi)
Nous en reparlerons dans un an, au plus tard.

HEDDA (d'un ton bref)
Je n'ai pas la vocation, monsieur le juge. Qu'on ne vienne pas me parler de devoirs, à moi.

BRACK
Quoi ! Vous n'auriez pas, comme la plupart des femmes, de vocation pour…

HEDDA (près de la porte vitrée)
Ah ! taisez-vous, vous dis-je ! Il me semble souvent qu'il n'y a pour moi qu'une profession au monde.

BRACK (s'approchant d'elle)
Laquelle, si j'ose vous le demander ?

HEDDA (regardant dehors)
Celle de m'ennuyer à mort, puisque vous voulez le savoir. (Elle se retourne, jette un coup d'œil vers la pièce du fond et sourit.)
Tenez ! Voici justement le professeur.

BRACK (bas, d'un ton d'avertissement)
Allons, allons, madame Hedda !
(Jorgen TESMAN, en costume, chapeau et gants à la main, entre par la porte de droite de la pièce du fond.)

TESMAN
Dis donc, Hedda, il n'y a pas eu de mot d'excuse d'Eilert Loevborg ? Hein ?

HEDDA
Non.

TESMAN
En ce cas, tu peux être sûre de le voir entrer d'un moment à l'autre.

BRACK
Vous croyez vraiment qu'il viendra ?

TESMAN
J'en suis presque sûr. Ce ne peuvent être que propos en l'air, ce que vous m'avez raconté ce matin.

BRACK
Vraiment ?

TESMAN
Oui, du moins tante Juliane croit-elle tout à fait impossible que Loevborg se mette dorénavant en travers de mon chemin. Dites donc.

BRACK
En ce cas, tout est pour le mieux.

TESMAN (dépose son chapeau avec ses gants sur une chaise à droite)
Oui, mais il faut que je l'attende aussi longtemps que possible.

BRACK
Nous avons tout le temps. Personne ne viendra chez moi avant sept heures, sept heures et demie.

TESMAN
C'est bien. Nous pourrons, en attendant, tenir compagnie à Hedda, et laisser venir l'heure. Hein ?

HEDDA (prenant le paletot et le chapeau de BRACK et allant les déposer sur le canapé d'angle)
Et, dans le pire des cas, M. Loevborg pourra rester avec moi.

BRACK (voulant la débarrasser de ses effets)
Je vous en prie, madame ! Qu'entendez-vous par le pire des cas ?

HEDDA
S'il ne veut pas aller avec vous et Tesman.

TESMAN (la regardant, avec hésitation)
Mais, chère Hedda, crois-tu convenable qu'il reste avec toi ? Hein ? Souviens-toi que tante Juliane ne viendra pas.

HEDDA
Mais Mme Elvsted viendra et nous pourrons prendre le thé tous les trois.

TESMAN
Ah ! comme cela, c'est différent.

BRACK (souriant)
Et c'est peut-être ce qu'il y aurait de plus sain pour lui.

HEDDA
Pourquoi cela ?

BRACK
Mon Dieu, madame, vous avez assez souvent médit de mes petites fêtes de célibataire, soutenant que seuls les gens à principes peuvent s'y risquer.

HEDDA
M. Loevborg doit être maintenant un homme à principes. Un pécheur converti !
(BERTE apparaît à la porte du vestibule.)

BERTE
Madame, il y a un monsieur qui désirerait être reçu.

HEDDA
Qu'il entre.

TESMAN (à voix basse)
Je suis sûr que c'est lui. Dites donc !
(Eilert LOEVBORG entre, venant du vestibule. Il est du même âge que TESMAN, mais paraît plus âgé, un peu usé par l'existence. Il est maigre et svelte. Ses cheveux et sa barbe sont d'un brun presque noir. La figure est longue, pâle, avec des pommettes rouges. Il est vêtu d'un costume noir, élégant, tout neuf, et tient à la main un chapeau haut de forme et des gants foncés. Il s'arrête devant la porte et s'incline très vite. Il paraît légèrement troublé.)

TESMAN (allant vers lui et lui serrant la main)
Ah ! mon cher Eilert. Après de si longues années, nous nous retrouvons enfin !

EILERT LOEVBORG (d'une voix faible)
Merci pour ta lettre ! (S'approchant de HEDDA.)
Oserais-je également vous tendre la main, madame Tesman ?

HEDDA (acceptant sa main tendue)
Soyez le bienvenu, monsieur Loevborg. (Avec un léger geste de la main.)
Je ne sais si ces messieurs ?…

LOEVBORG (s'inclinant)
Le juge Brack, je crois.

BRACK (de même)
Mais certainement. Il y a quelques années…

TESMAN (en appuyant ses mains sur les épaules de Loevborg)
Et maintenant, je veux que tu te sentes ici comme chez toi, Eilert ! N'est-ce pas, Hedda ? Car tu t'établis en ville, m'a-t-on dit ? Hein ?

LOEVBORG
Oui. C'est mon intention.

TESMAN
Je comprends cela. Écoute, je suis tombé sur ton nouveau livre. Mais je n'ai pas encore trouvé le temps de le lire.

LOEVBORG
Tu peux t'épargner cette peine.

TESMAN
Que veux-tu dire ?

LOEVBORG
Il ne vaut vraiment pas grand-chose !

TESMAN
Pense donc ! C'est toi qui dis cela ?

BRACK
Mais on en fait le plus grand éloge, à ce qu'il paraît.

LOEVBORG
C'est bien là ce que je voulais. Aussi ai-je écrit le livre de façon à ce qu'il fût à la portée de tout le monde.

BRACK
C'est très raisonnable.

TESMAN
Oui, mais, mon cher Eilert…

LOEVBORG
En ce moment, je tiens à me refaire une situation et je commence par le commencement.

TESMAN (un peu troublé)
Oui. C'est là ton intention ? Hein?

LOEVBORG (sourit, dépose son chapeau et sort des papiers roulés de sa poche)
Mais quand paraîtra ceci, Jorgen Tesman, il faudra le lire, sais-tu ! Car c'est là mon livre, le vrai, celui où je suis vraiment moi-même.

TESMAN
Ah ? Et qu'est-ce donc que ce livre ?

LOEVBORG
C'est la suite.

TESMAN
La suite de quoi ?

LOEVBORG
Du livre paru.

TESMAN
Du nouveau ?

LOEVBORG
Naturellement.

TESMAN
Mais, mon cher Eilert, puisque celui-ci nous conduit jusqu'à nos jours.

LOEVBORG
C'est vrai. Et dans l'autre il s'agit de l'avenir.

TESMAN
De l'avenir ! Mais grand Dieu ! nous n'en savons absolument rien. LOEVBORG. N'importe ! Il y a plusieurs choses à dire à ce sujet. (Il défait le rouleau.)
Tu vas voir.

TESMAN
Mais ce n'est pas là ton écriture.

LOEVBORG
J'ai dicté. (Feuilletant.)
Il y a deux parties. La première traite des puissances civilisatrices de l'avenir. La seconde, celle-ci. (Feuilletant plus loin.)
De la marche future de la civilisation.

TESMAN
Étrange ! Je n'aurais jamais songé à rien écrire de pareil.

HEDDA (à mi-voix, tambourinant avec les doigts sur une vitre de la porte-fenêtre)
Ah non, par exemple !

LOEVBORG (remettant le manuscrit dans le papier et le déposant sur la table)
Je l'ai apporté pour t'en lire quelques passages ce soir.

TESMAN
C'est bien, bien gentil à toi. Mais ce soir ? (Regardant BRACK.)
Je ne sais trop comment cela pourrait s'arranger.

LOEVBORG
Très bien. Ce sera pour une autre fois. Il n'y a rien qui presse.

BRACK
Je vais vous dire, monsieur Loevborg : il y a ce soir une petite réunion chez moi. Vous comprenez. Il s'agit d'abord de fêter le retour de Tesman.

LOEVBORG (cherchant des yeux son chapeau)
Oh ! en ce cas…

BRACK
Mais non. Écoutez donc : ne voudriez-vous pas me faire le plaisir d'être des nôtres ?

LOEVBORG (d'un ton bref et résolu)
Non, je vous remercie ; cela m'est impossible.

BRACK
Allons donc ! Venez. Vous trouverez là un cercle choisi. Et je vous promets que nous mènerons joyeux train, comme dit Mme Hed… Mme Tesman.

LOEVBORG
Je n'en doute pas. Néanmoins…

BRACK
Vous pourriez prendre votre manuscrit avec vous et le lire à Tesman. J'ai assez de chambres pour que vous ne soyez pas gênés.

TESMAN
Oui, dis donc, Eilert ? Nous pourrions faire cela. Hein ?

HEDDA (intervenant)
Mais, mon ami, si M. Loevborg ne veut pas ! Je suis sûre que M. Loevborg trouvera plus de plaisir à rester ici et à prendre le thé avec moi.

LOEVBORG (la regardant)
Avec vous, madame !

HEDDA
Et Mme Elvsted.

LOEVBORG
Ah ? (Négligemment.)
Je l'ai vue aujourd'hui, un instant.

HEDDA
Vraiment ? Oui, elle viendra ici. Il faut absolument que vous restiez, monsieur Loevborg. Autrement, il n'y aurait personne pour la reconduire.

LOEVBORG
C'est juste. Merci, madame, je resterai.

HEDDA
Très bien. Je vais donner quelques ordres à la bonne.
(Elle s'approche de la porte du vestibule et sonne. BERTE entre. HEDDA lui parle à voix basse et indique la pièce du fond. BERTE fait un signe de tête et sort.)

TESMAN (pendant ce temps, dit à LOEVBORG: )
Écoute, Eilert, c'est cette nouvelle question, cette question d'avenir, qui fera l'objet de tes conférences ?

LOEVBORG
Oui.

TESMAN
En effet, j'ai appris chez le libraire que tu comptes faire une série de conférences cet automne.

LOEVBORG
Oui, c'est mon intention. Il ne faut pas m'en vouloir, Tesman.

TESMAN
Non, grand Dieu ! Mais…

LOEVBORG
Je comprendrais que cela te contrariât.

TESMAN (d'un air abattu)
Oh ! je ne puis exiger que tu renonces à cause de moi…

LOEVBORG
Mais j'attendrai ta nomination.

TESMAN
Tu attendras ? Mais, mais, tu ne veux donc pas concourir ? Hein ? LOEVBORG. Non. Je me contenterai de triompher de toi devant l'opinion.

TESMAN
Ah, mon Dieu ! Tante Juliane avait donc raison ! Oui, oui ! je le savais bien. Dis donc, Hedda ! Eilert Loevborg ne veut pas se mettre en travers de notre chemin !

HEDDA (sèchement)
De "notre" chemin ? Je te prie de me laisser en dehors de la question.
(Elle passe dans la pièce du fond, où BERTE pose un plateau chargé de carafons et de verres. HEDDA approuve de la tête. Puis elle rentre au salon. BERTE sort.)

TESMAN (pendant ce temps)
Mais vous, juge Brack, qu'en dites-vous ? Hein ?

BRACK
Je dis, mon Dieu ! que la victoire et l'honneur, c'est, assurément, très beau.

TESMAN
Sans doute. Mais cependant…

HEDDA (regarde TESMAN et sourit froidement)
Tu es comme foudroyé !

TESMAN
Oui, à peu près, j'en conviens.

BRACK
C'est qu'aussi nous venons d'essuyer un orage, madame.

HEDDA (indiquant la pièce du fond)
Ne voulez-vous pas passer dans l'autre pièce, messieurs, prendre un verre de punch froid ?

BRACK (regardant sa montre)
Le coup de l'étrier ? Oui, c'est peut-être une bonne idée.

TESMAN
Excellente, Hedda, excellente ! Maintenant que je suis débarrassé de ce poids, que je me sens léger comme une plume…

HEDDA
Vous aussi, monsieur Loevborg, faites-moi le plaisir…

LOEVBORG (s'excusant)
Merci, madame. Je ne prendrai rien.

BRACK
Comment ? Un verre de punch froid ? Ce n'est pas du poison, que je sache !

LOEVBORG
Peut-être pas pour tout le monde.

HEDDA
Eh bien ! Je tiendrai compagnie à M. Loevborg.

TESMAN
Oui, oui, je t'en prie, chère HEDDA.
(TESMAN et BRACK passent dans la pièce du fond, s'attablent, boivent du punch, fument des cigarettes et causent avec animation pendant la scène suivante. Eilert LOEVBORG se tient debout devant le poêle. HEDDA s'approche du bureau.)

HEDDA (haussant la voix)
Je vais vous montrer quelques photographies, si vous voulez. Tesman et moi, nous avons fait un voyage. Nous venons directement du Tyrol. (Elle apporte un album, qu'elle pose sur la table ; puis elle s'assied dans le coin du sofa. Eilert LOEVBORG s'approche, s'arrête et la regarde. Puis il prend un siège et s'assied à sa gauche, en tournant le dos à la pièce du fond.)

HEDDA (ouvrant l'album)
Regardez ce groupe de montagnes, monsieur Loevborg. C'est le massif de l'Ortler . Voici le nom inscrit par Tesman. Vous voyez ? "Le groupe de l'Ortler, près de Meran."

LOEVBORG (qui n 'a cessé de la fixer, dit lentement à voix basse : — HEDDA)
Gabler !

HEDDA (lui lançant un coup d'œil furtif)
Voyons ! chut !

LOEVBORG (répétant doucement)
Hedda Gabler !

HEDDA (regardant l'album)
Oui, c'est ainsi que je me nommais autrefois. Au temps où nous nous connaissions, vous et moi.

LOEVBORG
Et dorénavant, toute la vie, il ne faudra plus dire Hedda Gabler.

HEDDA (feuilletant l'album)
Non. Il importe même que vous en perdiez l'habitude. Et cela, le plus tôt possible.

LOEVBORG (avec indignation)
Hedda Gabler mariée ! Mariée, à Jorgen Tesman !

HEDDA
Oui, ces choses-là arrivent.

LOEVBORG
Oh ! Hedda, Hedda, comment as-tu pu te perdre ainsi !

HEDDA (le regardant sévèrement)
Voyons ! Pas de ça !

LOEVBORG
Que veux-tu dire ?
(TESMAN entre et s'approche du sofa.)

HEDDA (qui l'entend venir, dit d'une voix indifférente : — Et ceci, monsieur Loevborg, c'est une vue de la vallée d'Ampezzo)
Voyez un peu ces crêtes de montagnes. (Levant les yeux, avec un regard affectueux à TESMAN.)
Comment appelle-t-on ces singulières formations de montagnes, dis ?

TESMAN
Laisse-moi voir. Ce sont les Dolomites.

HEDDA
C'est juste ! Ce sont les Dolomites, monsieur Loevborg.

TESMAN
Dis donc, Hedda, je voulais seulement demander s'il ne faut pas, quand même, vous servir un peu de punch. À toi, au moins. Hein ?

HEDDA
Mais oui, je te remercie. Et quelques biscuits avec cela.

TESMAN
Pas de cigarettes ?

HEDDA
Non.

TESMAN
C'est bien.
(Il rentre dans la pièce du fond et passe à droite. BRACK, sans bouger de place, guette du coin de l'œil HEDDA et LOEVBORG.)

LOEVBORG (d'une voix contenue)
Réponds-moi, Hedda, comment as-tu pu faire cela ?

HEDDA (qui paraît très absorbée dans la contemplation de l'album)
Si vous continuez à me tutoyer, je ne vous adresserai plus la parole.

LOEVBORG
Ne puis-je pas vous tutoyer, même quand nous sommes seuls ?

HEDDA
Non. Vous pouvez me tutoyer en pensée, mais pas en paroles.

LOEVBORG
Oh ! je comprends. Cela blesserait votre amour pour Jorgen Tesman.

HEDDA (lui lance un coup d'œil et dit en souriant)
Mon amour ? Vous m'amusez !

LOEVBORG
Ainsi, pas d'amour ?

HEDDA
Pas d'infidélités non plus ! Je ne veux pas de cela.

LOEVBORG
Une seule question, Hedda…

HEDDA
Chut !
(TESMAN, portant un plateau, entre, venant de la pièce du fond.)

TESMAN
Tenez ! Voici les bonnes choses qui arrivent.
(Il dépose le plateau sur la table.)

HEDDA
Pourquoi nous sers-tu toi-même ?

TESMAN (remplissant les verres)
C'est un si grand plaisir pour moi que de te servir, Hedda.

HEDDA
Voilà que tu as rempli les deux verres et M. Loevborg ne veut pas prendre de punch.

TESMAN
Je le sais. Mais Mme Elvsted ne tardera pas à venir.

HEDDA
Oui, c'est vrai. Mme Elvsted.

TESMAN
Tu l'avais oubliée ? Hein ?

HEDDA
Nous sommes tellement absorbés par ceci. (Elle lui montre une vue.)
Te souviens-tu de ce petit village ?

TESMAN
Je crois bien ! Il est à l'entrée du Brenner. C'est là que nous avons passé la nuit…

HEDDA
… Et que nous avons rencontré cette bande de joyeux voyageurs.

TESMAN
Mais oui, c'est là. Dis donc, Eilert, si tu avais été avec nous ! Hein ?
(Il rentre dans la pièce du fond, s'assied et se remet à causer avec BRACK.)

LOEVBORG
Une seule question, Hedda.

HEDDA
Eh bien ?

LOEVBORG
Dans vos relations avec moi, il n'y avait pas d'amour non plus, dites? Pas un soupçon, pas une nuance d'amour ?

HEDDA
Qui le saura jamais ? Il me semble que nous avons été deux bons camarades. Deux amis intimes. (Souriant.)
Ce qui vous distinguait, vous, c'était une très grande franchise.

LOEVBORG
C'est vous qui l'exigiez.

HEDDA
Quand j'y pense maintenant, il me semble qu'il y avait quelque chose de beau, de séduisant, je dirais même de courageux dans cette intimité secrète, dans cette camaraderie, dont personne au monde ne se doutait.

LOEVBORG
N'est-ce pas, Hedda ! N'est-ce pas ? Ces après-midi où je venais chez votre père, où le général lisait ses journaux, le dos tourné. Il était assis devant la fenêtre.

HEDDA
Et nous deux sur le canapé d'angle.

LOEVBORG
Toujours avec la même feuille illustrée sur les genoux…

HEDDA
Faute d'un album, oui.

LOEVBORG
Oui, Hedda, et le jour où je me suis confessé à vous ! où je vous ai raconté ce que personne ne savait alors, vous avouant que j'avais passé le jour et la nuit en folies. Oui, des journées et des nuits entières ! Ô Hedda ! quelle force y avait-il en vous pour m'obliger à vous faire de tels aveux ?

HEDDA
Vous croyez donc qu'il y avait une force en moi ?

LOEVBORG
Comment expliquer cela autrement ? Et toutes ces questions indirectes que vous me faisiez.

HEDDA
Et que vous compreniez si bien.

LOEVBORG
Comment pouviez-vous me questionner ainsi, avec tant d'audace ?

HEDDA
Indirectement, s'il vous plaît.

LOEVBORG
Oui, mais hardiment tout de même. Comment pouviez-vous m'obliger à vous raconter des choses, des choses… de ce genre !

HEDDA
Et vous, comment pouviez-vous répondre, monsieur Loevborg ?

LOEVBORG
Ah ! c'est là ce que je ne comprends plus maintenant. Mais dites-moi, Hedda, n'y avait-il pas d'amour au fond de cette intimité ? N'était-ce pas le désir de me purifier qui vous animait, quand je venais vous demander un refuge, me confesser à vous ? Oui, n'est-ce pas, c'était bien cela ?

HEDDA
Pas tout à fait.

LOEVBORG
Mais alors, quel était le sentiment qui vous faisait agir ?

HEDDA
Trouvez-vous donc si extraordinaire qu'une jeune fille… quand elle peut le faire… en secret…

LOEVBORG
Eh bien ?

HEDDA
Qu'une jeune fille, dis-je, aime à jeter un coup d'œil dans un monde qui…

LOEVBORG
Qui ?

HEDDA
Qu'il ne lui est pas permis de connaître.

LOEVBORG
Ah ! C'était donc cela ?

HEDDA
Cela aussi, je le pense du moins.

LOEVBORG
De la camaraderie dans le désir de vivre ! Et pourquoi cela n'a-t-il pas duré ?

HEDDA
À vous la faute !

LOEVBORG
C'est vous qui avez rompu.

HEDDA
Oui, quand il y a eu danger imminent que notre intimité ne prît une forme trop réelle. Honte à vous, Eilert Loevborg, d'avoir commis cet attentat contre votre… hardie camarade !

LOEVBORG (se tordant les mains)
Oh ! que n'avez-vous exécuté votre menace ! Que ne m'avez-vous tué, ce jour-là !

HEDDA
J'ai si peur du scandale !

LOEVBORG
Oui, Hedda, vous êtes lâche, au fond.

HEDDA
Horriblement lâche. (Changeant de ton.)
En tout cas c'est une chance pour vous. Et maintenant vous avez trouvé une si charmante consolation chez les Elvsted.

LOEVBORG
Je sais ce que Thea vous a confié.

HEDDA
Et vous lui avez peut-être fait des confidences à notre sujet.

LOEVBORG
Pas un mot. Elle est trop sotte pour comprendre ces choses-là.

HEDDA
Sotte ?

LOEVBORG
Oui, sotte sous ce rapport.

HEDDA
Et moi je suis lâche. (Elle se penche vers lui, sans le regarder, et dit plus bas.)
Maintenant c'est moi qui veux vous faire une confidence.

LOEVBORG (vivement)
Eh bien ?

HEDDA
Avoir manqué de courage pour vous tuer…

LOEVBORG
Oui ?

HEDDA
Ce ne fut pas ma plus grande lâcheté… Ce soir-là.

LOEVBORG (la regarde un instant, saisit le sens de ses paroles et dit bas, avec passion )
Oh ! Hedda ! Hedda Gabler ! J'aperçois maintenant ce qu'il y avait au fond de notre camaraderie ! Toi et moi ! Ah ! tu as pourtant senti le besoin de vivre !

HEDDA (bas, avec un regard acéré)
Prenez garde ! N'en croyez rien !
(Le crépuscule commence à tomber. BERTE ouvre la porte du vestibule.)

HEDDA (ferme vivement l'album et s'écrie en souriant)
Enfin ! Chère Thea, entre donc !
(Mme Elvsted entre par la porte du vestibule. Elle est en toilette de soirée. La porte se referme derrière elle.)

HEDDA (lui tendant les bras, sans quitter le sofa)
Chère Thea ! Tu ne sais pas avec quelle impatience je t'ai attendue !
(Mme Elvsted échange en passant un léger salut avec les deux hommes assis dans la pièce du fond, s'approche de HEDDA et lui tend la main. Eilert Loevborg s'est levé. Salut muet de la tête entre lui et Mme Elvsted.)

MADAME ELVSTED
Peut-être devrais-je dire quelques mots à ton mari ?

HEDDA
Pas du tout. Laisse-les à leur punch. D'ailleurs, ils ne tarderont pas à partir.

MADAME ELVSTED
Ils s'en vont ?

HEDDA
Oui, ils vont faire la fête.

MADAME ELVSTED (vivement, à LOEVBORG)
Vous n'irez pas avec eux ? LOEVBORG. Non.

HEDDA
M. Loevborg reste avec nous.

MADAME ELVSTED (prenant une chaise, veut s'asseoir à côté de lui)
Oh ! comme on est bien ici !

HEDDA
Non, pas de ça, ma petite Thea ! Pas là ! Tu viendras bien gentiment t'asseoir près de moi. Je veux être entre vous deux.

MADAME ELVSTED
C'est comme tu veux.
(Elle fait le tour de la table et s'assied sur le sofa à la droite de HEDDA. LOEVBORG reprend sa place.)

LOEVBORG (à HEDDA, après un moment de silence)
N'est-elle pas charmante à contempler !

HEDDA (caressant doucement les cheveux de Thea)
À contempler… seulement ?

LOEVBORG
Oui. C'est que, voyez-vous, nous sommes de vrais camarades, elle et moi. Nous avons une foi absolue l'un dans l'autre. C'est ainsi que nous pouvons rester ensemble à causer librement.

HEDDA
Et directement, n'est-ce pas, monsieur Loevborg ?

LOEVBORG
Mon Dieu…

MADAME ELVSTED (doucement, se blottissant contre HEDDA)
Oh ! que je suis heureuse, Hedda ! C'est que, pense donc ! il va jusqu'à dire que je l'ai inspiré.

HEDDA (la regarde et sourit)
Vraiment, il a dit cela, Thea ?

LOEVBORG
Et quel courage elle a, madame Tesman, quand il faut agir !

MADAME ELVSTED
Ô Dieu ! Moi, du courage !

LOEVBORG
Un immense courage, quand le camarade est en jeu.

HEDDA
Du courage ! Ah oui ! Si on en avait !…

LOEVBORG
Que voulez-vous dire ?

HEDDA
Peut-être alors pourrait-on supporter la vie. (Changeant de ton tout à coup.)
Et maintenant, ma chère Thea, tu devrais bien prendre un petit verre de punch. MADAME

ELVSTED
Merci, je n'en prends jamais.

HEDDA
Vous, en ce cas, monsieur Loevborg ?

LOEVBORG
Merci, je n'en prends pas non plus.

MADAME ELVSTED
Non, il n'en prend pas non plus.

HEDDA (le regardant avec fermeté)
Et si je le voulais ?

LOEVBORG
Cela ne changerait rien à la chose.

HEDDA (souriant)
Pauvre de moi ! N'ai-je donc pas le moindre empire sur vous ?

LOEVBORG
Pas sous ce rapport.

HEDDA
Sérieusement parlant, je crois que vous devriez accepter, par égard pour vous-même.

MADAME ELVSTED
Oh ! Hedda !

LOEVBORG
Que voulez-vous dire ?

HEDDA
Ou plutôt par égard pour le monde.

LOEVBORG
Comment cela ?

HEDDA
Autrement, le monde pourrait croire que vous… qu'au fond vous ne vous sentez pas tout à fait… libre… bien sûr de vous-même.

MADAME ELVSTED (bas)
Oh ! mais, Hedda !

LOEVBORG
Que le monde croie ce qu'il veut… jusqu'à nouvel ordre.

MADAME ELVSTED (avec joie)
N'est-ce pas ?

HEDDA
Je l'ai bien vu tout à l'heure, à l'expression du juge Brack.

LOEVBORG
Qu'avez-vous vu ?

HEDDA
Il a eu un sourire si ironique quand vous n'avez pas osé vous asseoir avec eux.

LOEVBORG
Je n'ai pas osé ! J'ai préféré tout simplement rester avec vous.

MADAME ELVSTED
C'est bien naturel, Hedda !

HEDDA
Oui, mais le juge ne pouvait pas s'en douter, et je l'ai vu sourire également et jeter un regard à Tesman quand vous n'avez pas osé vous risquer dans la pauvre fête de ce soir.

LOEVBORG
Osé ! Vous dites que je n'ai pas osé ?

HEDDA
Ce n'est pas moi qui dis cela. Mais c'est ainsi que l'a compris le juge Brack.

LOEVBORG
A sa guise !

HEDDA
Ainsi vous n'irez pas ?

LOEVBORG
Je resterai ici, avec vous et Thea.

MADAME ELVSTED
Oui, Hedda, cela ne doit pas t'étonner.

HEDDA (souriant et adressant à LOEVBORG un signe de tête approbateur)
Ainsi, ferme comme un roc ! Homme de principes à jamais ! Hé ! C'est ainsi qu'un homme doit être. (Se tournant vers Mme Elvsted, et la caressant.)
Eh bien ! ne te l'ai-je pas dit ce matin, quand tu es venue ici, toute bouleversée ?

LOEVBORG (sursautant)
Bouleversée !

MADAME ELVSTED (effrayée)
Hedda ! écoute, Hedda !

HEDDA
Tu vois bien ! Ce n'était pas la peine de te laisser aller à cette mortelle angoisse.(S'interrompant.)
Allons ! maintenant, place à la gaieté.

LOEVBORG (qui a tressailli)
Ah ! que vouliez-vous dire, madame Tesman ? MADAME

ELVSTED
Mon Dieu, mon Dieu, Hedda ! Que dis-tu là ! Que fais-tu donc !

HEDDA
Allons ! Calme-toi ! Cet odieux juge ne te quitte pas du regard.

LOEVBORG
Une mortelle angoisse à cause de moi ?

MADAME ELVSTED (se lamentant, à voix basse)
Oh ! Hedda, voilà que tu m'as rendue tout à fait malheureuse. LOEVBORG la regarde un moment. Son œil est fixe. Il paraît navré. — Voilà donc la ferme confiance que j'inspirais à ma camarade !

MADAME ELVSTED (d'un ton suppliant)
Oh ! mon ami, il faut que tu saches d'abord…

LOEVBORG (saisit l'un des verres remplis de punch, le lève lentement et dit d'une voix enrouée )
A ta santé, Thea !
(Il vide le verre, le dépose et prend l'autre.)

MADAME ELVSTED (bas)
Oh ! Hedda, Hedda ! Est-ce là ce que tu voulais ?

HEDDA
Moi ? Es-tu folle ?

LOEVBORG
À la vôtre, maintenant, madame Tesman. Merci d'avoir dit la vérité. Vive la vérité !
(Il vide le verre et veut le remplir à nouveau.)

HEDDA (lui posant la main sur le bras)
Assez, assez. Cela suffit pour le moment. N'oubliez pas qu'il vous faut aller à la fête.

MADAME ELVSTED
Non, non, non !

HEDDA
Chut ! Ils te regardent.

LOEVBORG (déposant le verre)
Écoute, Thea, dis-moi la vérité.

MADAME ELVSTED
Oui !

LOEVBORG
Ton mari savait-il que tu partais pour me retrouver ?

MADAME ELVSTED (se tordant les mains)
Oh ! Hedda, tu entends ce qu'il me demande !

LOEVBORG
Vous vous étiez entendus, n'est-ce pas ? Tu devais me suivre en ville pour me surveiller ? C'est peut-être ton mari qui t'y a forcée ? Ah… oui ! Je devais lui manquer dans son bureau. Ou peut-être à la table de jeu, dis ?

MADAME ELVSTED (bas, se lamentant)
Oh, Loevborg, Loevborg !

LOEVBORG (saisissant un verre et voulant le remplir)
À la santé du vieux préfet, maintenant !

HEDDA (avec un geste pour l'empêcher de boire)
Assez ! Souvenez-vous que vous devez faire la lecture à Tesman.

LOEVBORG (très calme, déposant son verre)
Allons, Thea. C'est bête de ma part d'avoir fait cela, d'avoir pris la chose ainsi. Ne sois pas fâchée contre moi, ma chère camarade. Tu verras bien et les autres verront aussi que si j'ai été à terre, je me suis relevé ! Grâce à toi, Thea !

MADAME ELVSTED (rayonnante de joie)
Dieu soit loué !
(Pendant ce temps, BRACK a regardé sa montre. TESMAN et lui se lèvent et entrent au salon.)

BRACK (prenant son chapeau et son pardessus)
Maintenant, madame Tesman, notre heure a sonné.

HEDDA
En effet.

LOEVBORG (se levant)
La mienne aussi, juge.

MADAME ELVSTED (bas, d'un ton suppliant)
Oh ! Loevborg, ne fais pas cela !

HEDDA (lui pinçant le bras)
Ils t'entendent !

MADAME ELVSTED (poussant un petit cri)
Aïe !

LOEVBORG (à BRACK)
C'est bien aimable à vous de m'avoir engagé à venir.

BRACK
Très bien ! Vous nous accompagnez ?

LOEVBORG
Avec plaisir.

BRACK
J'en suis charmé.

LOEVBORG (à TESMAN, en remettant le manuscrit dans sa poche)
C'est que je voudrais te lire quelques passages du livre avant de le publier.

TESMAN
Ah ! Dis donc ! Comme ce sera amusant ! Mais, ma chère Hedda, comment t'y prendras-tu pour raccompagner Mme Elvsted ? Hein ?

HEDDA
Oh ! On trouvera un moyen.

LOEVBORG (se tournant vers les deux femmes)
Mme Elvsted ? Naturellement, je reviendrai la prendre. (S'approchant de HEDDA.)
Vers les dix heures, madame Tesman ? Cela vous convient-il ?

HEDDA
Certainement ! Cela me convient à merveille.

TESMAN
Allons ! Tout est pour le mieux. Mais, quant à moi, Hedda, il ne faut pas m'attendre de si bonne heure.

HEDDA
Ah ! mon cher Tesman, tu peux rester aussi longtemps, aussi longtemps que tu voudras.

MADAME ELVSTED (avec une secrète angoisse)
Écoutez, monsieur Loevborg, il est convenu que je vous attends ici.

LOEVBORG (qui a pris son chapeau)
Oui, madame, c'est convenu.

BRACK
Allons, messieurs ! J'espère que nous mènerons bon train, comme dit une certaine belle dame. En avant le train de plaisir !

HEDDA
Ah ! Si cette belle dame pouvait se faire invisible pour se transporter parmi vous.

BRACK
Invisible ? Pourquoi donc ?

HEDDA
Pour vous entendre un peu quand vous serez véritablement lancés, monsieur le juge.

BRACK (riant)
C'est ce que je ne lui conseillerais pas, à cette belle dame. TESMAN, riant (aussi.)
— Ah ! tu es bien bonne, Hedda ! Dis donc !

BRACK
Allons, adieu, adieu, mesdames !

LOEVBORG (s'inclinant pour prendre congé)
Ainsi c'est dit : vers les dix heures.
(BRACK, LOEVBORG et TESMAN sortent par la porte du vestibule. En même temps, BERTE entre, par la pièce du fond, une lampe allumée à la main. Elle pose la lampe sur la grande table et s'éloigne par où elle est venue.)

MADAME ELVSTED (qui s'est levée et marche, très inquiète)
Hedda ! Hedda ! Comment tout cela finira-t-il !

HEDDA
À dix heures, il reviendra. Je le vois déjà couronné de pampre, intrépide et ardent.

MADAME ELVSTED
Dieu fasse que tu aies raison !

HEDDA
Et alors, vois-tu, redevenu maître de lui-même, ce sera un homme libre pour le reste de ses jours.

MADAME ELVSTED
Ô mon Dieu ! Pourvu qu'il rentre tel que tu te l'imagines !

HEDDA
C'est ainsi qu'il reviendra et pas autrement ! (Elle se lève et s'approche de Mme Elvsted.)
Doute de lui tant que tu veux. Moi, j'ai confiance. Et maintenant nous allons…

MADAME ELVSTED
Tu as quelque arrière-pensée, Hedda !

HEDDA
Oui, c'est vrai. Je veux, une fois dans ma vie, peser sur la destinée d'un homme.

MADAME ELVSTED
Quoi ! tu n'as donc d'empire sur personne ?

HEDDA
Je n'en ai pas, je n'en ai jamais eu.

MADAME ELVSTED
Et sur ton mari, donc ?

HEDDA
Bah ! cela en vaut bien la peine ! Oh ! si tu pouvais comprendre combien je suis misérable. Et toi, qui es si riche ! (Elle lui jette les bras autour du cou, avec emportement.)
Je crois tout de même que je te brûlerai les cheveux.

MADAME ELVSTED
Lâche-moi ! lâche-moi ! J'ai peur de toi, Hedda !

BERTE (se montrant à la porte)
J'ai servi le thé dans la salle à manger, Madame.

HEDDA
C'est bon. Nous allons venir.

MADAME ELVSTED
Non, non, non ! Je préfère rentrer seule ! Tout de suite !

HEDDA
Des bêtises ! Il faut d'abord que tu prennes le thé, petite folle. Et puis, à dix heures, Eilert Loevborg viendra, couronné de pampre.
(Elle entraîne Mme Elvsted presque de force vers la porte.)

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