ACTE TROISIÈME



La même pièce chez les TESMAN. Les rideaux de la porte du fond et celles de la porte-fenêtre sont tirés. La lumière est baissée et la lampe coiffée d'un abat-jour. Dans le poêle, dont les portes sont ouvertes, le feu achève de se consumer.
Mme Elvsted, enveloppée d'un grand châle, les pieds sur un tabouret, est blottie dans le fauteuil, tout près du poêle. HEDDA dort, étendue sur le sofa, enveloppée d'une couverture. Un moment de silence.
MADAME ELVSTED se dresse vivement et tend l'oreille. Puis elle se laisse retomber dans le fauteuil en geignant faiblement. — Pas encore ! Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! pas encore !
BERTE, venant du vestibule, entre doucement, marchant sur la pointe des pieds. Elle tient une lettre à la main.

MADAME ELVSTED (se retourne et demande vivement à voix basse )
Eh bien ? Il est venu quelqu'un ?

BERTE (bas)
Oui, une bonne vient d'apporter cette lettre.

MADAME ELVSTED (tendant vivement la main)
Une lettre ! Donnez !

BERTE
Elle est pour le docteur, madame.

MADAME ELVSTED
Ah !

BERTE
C'est la bonne de Mlle Tesman qui l'a apportée. Je la pose là, sur la table.

MADAME ELVSTED
C'est bien.

BERTE (déposant la lettre)
La lampe file. Il vaut peut-être mieux que je l'éteigne.

MADAME ELVSTED
C'est bien. Éteignez-la. Il va faire jour bientôt.

BERTE (éteignant)
Il fait déjà jour, Madame.

MADAME ELVSTED
C'est vrai. Il fait grand jour ! et pas encore rentré !

BERTE
Mon Dieu ! oui, j'ai bien pensé que cela tournerait ainsi.

MADAME ELVSTED
Vous l'avez pensé ?

BERTE
Oui, du moment où j'ai vu que certain individu était en ville. Il les aura entraînés. On en a assez parlé, autrefois, de ce monsieur-là.

MADAME ELVSTED
Ne parlez donc pas si haut. Vous réveillez Madame.

BERTE (jette un coup d'œil vers le sofa et soupire)
Mon Dieu ! oui, il faut la laisser dormir, la pauvre dame. Faut-il que je mette encore une bûche dans le poêle ?

MADAME ELVSTED
Merci. Pour moi, c'est inutile.

BERTE
Allons ! c'est bien.
(Elle sort doucement par la porte du vestibule.)

HEDDA (se réveille au bruit de la porte refermée et ouvre les yeux)
Qu'y a-t-il ?

MADAME ELVSTED
Rien. Ce n'était que la bonne.

HEDDA (regarde autour d'elle)
Pourquoi suis-je ici ? Ah ! je me souviens. (Elle s'assied sur le sofa, s'étire et se frotte les yeux.)
Quelle heure est-il, Thea ?

MADAME ELVSTED (regardant sa montre)
Sept heures passées.

HEDDA
À quelle heure Tesman est-il rentré ?

MADAME ELVSTED
Il n'est pas encore rentré.

HEDDA
Pas encore rentré ?

MADAME ELVSTED (se levant)
Il n'est venu personne.

HEDDA
Et nous qui avons veillé jusqu'à quatre heures pour les attendre !

MADAME ELVSTED (se tordant les mains)
Ah oui ! Je l'ai attendu !

HEDDA (bâille et dit, en portant la main à sa bouche )
Mon Dieu ! nous aurions pu nous épargner cette peine.

MADAME ELVSTED
As-tu pu dormir un peu ?

HEDDA
Mais oui. Je n'ai pas mal dormi. Et toi ?

MADAME ELVSTED
Pas un instant. Je n'ai pas pu, Hedda ! Il m'a été impossible de dormir.

HEDDA (se leve et va vers elle)
Voyons ! voyons ! Il n'y a pas de raison pour t'inquiéter. Je comprends très bien comment les choses se sont passées.

MADAME ELVSTED
Que crois-tu donc ? Dis-le-moi !

HEDDA
Évidemment, on sera resté très longtemps chez le juge.

MADAME ELVSTED
Je crois bien, grand Dieu ! Cela n'empêche pas…

HEDDA
Et alors, vois-tu, Tesman n'aura pas voulu faire de bruit en rentrant, sonner au beau milieu de la nuit. (Souriant.)
Peut-être n'a-t-il pas voulu se montrer non plus, après une joyeuse fête.

MADAME ELVSTED
Mais, chère, où serait-il allé en ce cas ?

HEDDA
Naturellement, il est allé se coucher chez les tantes. Elles n'ont pas touché à son ancienne chambre.

MADAME ELVSTED
Non, il ne peut pas être chez elles, car il vient d'arriver pour lui une lettre de Mlle Tesman. On l'a posée là.

HEDDA
Tiens ! (Elle regarde l'enveloppe.)
En effet, c'est l'écriture de tante Juliane. En ce cas, il sera resté chez le juge, et Eilert Loevborg, couronné de pampre, est en train de lui lire son manuscrit.

MADAME ELVSTED
Oh ! Hedda, tu ne crois pas toi-même à ce que tu dis.

HEDDA
Vraiment, Thea, tu es une petite tête de linotte.

MADAME ELVSTED
Oui, ce n'est malheureusement que trop vrai.

HEDDA
Et quel air de mortelle fatigue tu as !

MADAME ELVSTED
Je suis en effet mortellement fatiguée.

HEDDA
Voyons ! Tu vas faire ce que je vais te dire. Tu vas entrer dans ma chambre et te coucher sur le lit.

MADAME ELVSTED
Oh ! non, non, je ne pourrais pas dormir.

HEDDA
Mais si, mais si !

MADAME ELVSTED
Oui, mais ton mari ne peut plus tarder à rentrer. Et alors, je saurai tout.

HEDDA
Dès qu'il sera rentré, je te préviendrai.

MADAME ELVSTED
Ô Hedda ! Me le promets-tu ?

HEDDA
Oui, tu peux y compter. Allons ! va dormir en attendant.

MADAME ELVSTED
Merci. J'essaierai.
(Elle sort par la pièce du fond. HEDDA s'approche de la porte vitrée et écarte le rideau. Les rayons du jour entrent dans la pièce. Puis elle va prendre une petite glace sur son secrétaire, s'y regarde et remet sa chevelure en ordre. Elle se dirige ensuite vers la porte du vestibule et presse le bouton de sonnette. Un instant après, BERTE paraît.)

BERTE
Madame désire quelque chose ?

HEDDA
Oui. Il faut mettre du bois dans le poêle. Je suis toute transie.

BERTE
Ah ! bon Jésus ! Il va faire chaud tout à l'heure.
(Elle rassemble la braise et met une bûche dans le poêle.)

BERTE (s'arrêtant et tendant l'oreille)
On vient de sonner à la porte de la rue, Madame.

HEDDA
C'est bien. Allez ouvrir. Je m'occuperai du feu.

BERTE
Cela ne tardera pas à flamber.
(Elle sort par la porte du vestibule. HEDDA, à genoux sur le coussin, met plusieurs bûches dans le poêle. Un instant après, Jorgen TESMAN entre par la porte du vestibule. Il a l'air fatigué et un peu soucieux. Il s'avance sur la pointe des pieds et veut se glisser entre les rideaux.)

HEDDA (sans lever les yeux ni quitter sa place)
Bonjour.

TESMAN (se retournant)
Hedda ! (S'approchant.)
Ce n'est pas possible ! Comment? Levée de si bonne heure ! Hein?

HEDDA
Oui, je suis bien matinale aujourd'hui.

TESMAN
Dis donc, Hedda ? Et moi qui te croyais au fond de ton lit, dormant bien tranquillement.

HEDDA
Ne parle pas si haut. Mme Elvsted dort dans ma chambre.

TESMAN
Quoi ! Mme Elvsted a passé la nuit ici ?

HEDDA
Oui. Puisque personne n'est venu la chercher.

TESMAN
Non, c'est vrai.

HEDDA (fermant le poêle et se levant)
Eh bien ! S'est-on amusé chez le juge ?

TESMAN
As-tu été inquiète pour moi ? Hein ?

HEDDA
Moi ? Ah, par exemple ! Je te demande si tu t'es amusé.

TESMAN
Oui, certainement. Pour une fois. Mais quand j'y pense, c'est surtout au commencement, pendant la lecture d'Eilert. Pense donc ! Nous sommes arrivés plus d'une heure trop tôt. Et Brack avait tant d'ordres à donner. Moi, pendant ce temps, j'ai écouté Eilert.

HEDDA (s'asseyant du côté droit de la table)
Eh bien ? Raconte-moi cela.

TESMAN (s'asseyant sur un tabouret au coin du poêle)
Non ! Tu ne peux croire, Hedda, quelle œuvre ce sera ! Sans le moindre doute, c'est une des choses les plus remarquables qu'on ait jamais écrites. Pense donc !

HEDDA
Oui, c'est possible. Cela m'est bien égal.

TESMAN
Il faut que je te l'avoue, Hedda ; quand il eut fini, il m'est venu un mauvais sentiment.

HEDDA
Un mauvais sentiment ?

TESMAN
Je me suis pris à envier Eilert d'avoir pu écrire un tel livre. Pense donc, Hedda !

HEDDA
Oui, oui, je pense.

TESMAN
Et dire que cet homme, doué comme il l'est, restera, hélas ! à jamais incorrigible.

HEDDA
Tu veux dire qu'il a plus d'ardeur et de vie que les autres ?

TESMAN
Oh ! mon Dieu, non. Mais, vois-tu, il ne garde aucune mesure dans les plaisirs.

HEDDA
Et comment cela a-t-il fini ?

TESMAN
Ah ! ma foi, on pourrait bien dire par une bacchanale, Hedda !

HEDDA
Était-il couronné de pampre ?

TESMAN
Du pampre ? Non. Pas que je sache. Mais il a tenu un long discours, très embrouillé, en l'honneur de la femme qui l'a inspiré pendant son travail. C'est ainsi qu'il s'est exprimé.

HEDDA
L'a-t-il nommée, cette femme ?

TESMAN
Non. Mais je me suis bien douté qu'il s'agissait de Mme Elvsted. Fais attention : tu verras que j'ai raison.

HEDDA
Voyons, où vous êtes-vous séparés ?

TESMAN
Dans la rue, en rentrant. Nous sommes partis les derniers avec quelques autres. Brack a voulu venir avec nous afin de prendre un peu l'air et nous nous sommes mis d'accord pour reconduire Eilert chez lui. C'est que, vois-tu, il avait son compte.

HEDDA
Oui, il devait l'avoir.

TESMAN
Et maintenant, Hedda, voici ce qu'il y a de plus grave, de plus triste, devrais-je dire. Ah ! j'ai presque honte à raconter cela. J'en rougis pour Eilert.

HEDDA
Voyons, dis, qu'est-il arrivé ?

TESMAN
Eh bien ! vois-tu, comme nous rentrions, je me suis trouvé, à un moment donné, de quelques pas en arrière. L'affaire d'un instant, tu comprends ?

HEDDA
Mon Dieu, oui ! Continue donc.

TESMAN
Je me hâtais de rejoindre les autres quand tout à coup… Devine ce que je trouve au tournant du chemin ? Hein ?

HEDDA
Ah çà ! Comment veux-tu que je le sache ?

TESMAN
Au moins, tu ne le diras à personne, Hedda ! Entends-tu ! Promets-le-moi à cause d'Eilert ! (Il retire de sa poche un rouleau enveloppé dans du papier.)
Pense donc, j'ai trouvé ceci !

HEDDA
N'est-ce pas là la liasse qu'il avait sur lui hier !

TESMAN
Eh oui ! C'est son précieux, son irremplaçable manuscrit ! Il l'avait perdu comme cela, sans le remarquer. Dis donc, Hedda ! Est-ce triste ! Hein !

HEDDA
Oui, mais pourquoi ne le lui as-tu pas immédiatement rendu ?

TESMAN
Je n'ai pas osé. Dans l'état où il se trouvait.

HEDDA
Et tu n'en as parlé à personne ?

TESMAN
Jamais de la vie ! Tu comprends que je n'aurais pas voulu le faire, par égard pour Eilert.

HEDDA
Ainsi, il n'y a personne qui sache que les papiers d'Eilert Loevborg sont chez toi ?

TESMAN
Non. Et personne ne doit le savoir.

HEDDA
De quoi avez-vous parlé après cela ?

TESMAN
Je n'ai plus eu l'occasion de lui parler. Engagés dans les rues, nous l'avons perdu de vue. Il a disparu avec deux ou trois autres. Dis donc !

HEDDA
Vraiment ! Ils l'auront accompagné chez lui.

TESMAN
Oui. Peut-être bien. C'est ce que j'ai compris. Brack aussi a pris un autre chemin.

HEDDA
Et toi, où as-tu traîné depuis ce moment ?

TESMAN
Oh ! moi et quelques autres, nous avons suivi un de ces joyeux compagnons, qui nous a invités à prendre un café chez lui, on devrait plutôt dire à réveillonner. Hein ! Mais aussitôt que je serai un peu reposé, et que ce pauvre Eilert aura eu le temps de faire un somme, il faut que je lui rapporte cela.

HEDDA (tendant la main pour prendre le rouleau)
Non, ne le rends pas ! Je veux dire pas tout de suite. Laisse-moi lire d'abord.

TESMAN
Non, ma chère, ma bonne Hedda, je n'ose vraiment pas.

HEDDA
Tu n'oses pas ?

TESMAN
Non, tu comprends quel désespoir sera le sien, quand il se réveillera et ne retrouvera pas le manuscrit. Il faut que tu saches qu'il n'en a pas de copie ! Il me l'a dit lui-même.

HEDDA (le regardant fixement, comme pour le scruter)
Tu crois qu'un tel ouvrage est impossible à refaire ! Qu'on ne peut pas l'écrire deux fois !

TESMAN
Non, je ne crois pas. Car l'inspiration, vois-tu…

HEDDA
Oui, oui, je le crois en effet. (Négligemment.)
C'est juste, il y a là une lettre pour toi.

TESMAN
Hein ! Vraiment !

HEDDA (lui tendant la lettre)
On l'a apportée de grand matin.

TESMAN
Dis donc ! Elle est de tante Juliane. Qu'est-ce que cela peut être ? (Il dépose le manuscrit sur le second tabouret, ouvre la lettre, la parcourt et se lève d'un bond.)
Oh, Hedda ! Elle m'écrit que la pauvre tante Rina est à toute extrémité.

HEDDA
C'était à prévoir.

TESMAN
Et que je dois me dépêcher si je veux la trouver encore en vie. Il faut que j'y coure sur-le-champ.

HEDDA (étouffant un sourire)
Tu vas y courir maintenant !

TESMAN
Oh ! ma chère Hedda ! Si tu pouvais prendre sur toi de m'accompagner! Dis donc ?

HEDDA (se levant, dit d'une voix lasse mais péremptoire : — Non, non)
Il ne faut pas me demander cela. Je ne veux voir ni la maladie ni la mort. Épargne-moi le spectacle de tout ce qui est laid.

TESMAN
Eh bien ! Fais comme tu veux ! (Tournoyant dans la pièce.)
Mon chapeau ! Mon paletot ! Bon, bon ! Ils sont dans le vestibule. J'espère, mon Dieu ! que je n'arriverai pas trop tard. Dis donc, Hedda ? Hein !

HEDDA
Allons ! cours donc !
(BERTE paraît à la porte du vestibule.)

BERTE
Le juge Brack est là, qui demande à entrer.

TESMAN
À cette heure-ci ! Non, vrai, je ne puis pas le recevoir en ce moment.

HEDDA
Mais je le puis, moi. (À BERTE.)
Priez monsieur le juge d'entrer.
(BERTE sort.)

HEDDA (chuchote vivement)
Vite le manuscrit, Tesman !
(Elle le saisit.)

TESMAN
Oui, oui : donne-le-moi !

HEDDA
Non, non : je le garderai… en attendant.
(Elle s'approche de son bureau et cache le manuscrit entre les livres de l'étagère. TESMAN, très pressé, n 'arrive pas à mettre ses gants. Le juge BRACK entre, venant du vestibule.)

HEDDA (avec un petit sourire)
Eh bien ! Vous êtes vraiment un oiseau matinal.

BRACK
N'est-ce pas ? Qu'en dites-vous ? (À TESMAN.)
Vous aussi, vous êtes déjà sur pied, prêt à sortir !

TESMAN
Oui, il faut absolument que j'aille chez mes tantes. Pensez donc, la pauvre malade est à toute extrémité.

BRACK
Ah, mon Dieu ! Vraiment ! Il ne faut pas que je vous retienne, dans une circonstance si grave.

TESMAN
Oui, vraiment. J'y cours. Adieu ! Adieu !
(Il sort précipitamment par la porte du vestibule.)

HEDDA (s'approchant de BRACK)
Il y a eu plus que de l'entrain chez vous cette nuit, monsieur le juge.

BRACK
À tel point que je n'ai pas encore quitté mes habits, madame Hedda.

HEDDA
Vraiment ? Vous non plus !

BRACK
Comme vous voyez. Mais que vous a donc conté Tesman à ce sujet ?

HEDDA
Oh ! rien que des détails ennuyeux. Je sais seulement qu'ils sont allés prendre le café chez quelqu'un.

BRACK
Oui, on m'en a déjà parlé. J'imagine qu'Eilert Loevborg ne les a pas accompagnés !

HEDDA
Non. Ils avaient commencé par le reconduire chez lui.

BRACK
Tesman en était-il ?

HEDDA
Non. Mais il m'a parlé de plusieurs autres.

BRACK (souriant)
Jorgen Tesman a vraiment l'âme confiante, madame Hedda.

HEDDA
Ah ! on peut le dire ! Il y a donc quelque chose là-dessous !

BRACK
Je ne dis pas non.

HEDDA
Allons ! Asseyons-nous, monsieur le juge. Vous serez mieux pour me conter tout cela.
(Elle s'assied du côté gauche de la table, BRACK du même côté, de façon à être près d'elle.)

HEDDA
Eh bien ?

BRACK
J'avais des motifs pour suivre cette nuit les faits et gestes de mes invités, ou plutôt de quelques-uns d'entre eux.

HEDDA
Eilert Loevborg était du nombre, je suppose.

BRACK
Je dois avouer que oui.

HEDDA
Vraiment vous me rendez curieuse.

BRACK
Savez-vous, madame Hedda, où lui et quelques autres ont passé le reste de la nuit ?

HEDDA
Si c'est avouable, dites-le.

BRACK
Oh ! C'est tout à fait avouable. Mon Dieu ! Ils l'ont passé à une soirée des plus animées.

HEDDA
De celles où il y a de l'entrain.

BRACK
Oui. Autant d'entrain que possible.

HEDDA
Voyons, juge ! Contez-moi donc cela.

BRACK
Loevborg était de ceux qui avaient reçu une invitation. J'étais informé. Mais il avait refusé, ayant fait peau neuve, comme vous savez.

HEDDA
Oui, cette transformation s'est accomplie chez les Elvsted. Pourtant il a fini par s'y rendre, n'est-ce pas ?

BRACK
C'est que, voyez-vous, madame Hedda, l'inspiration lui en est malheureusement venue, chez moi, au cours de la soirée.

HEDDA
C'est juste. On m'a parlé de cette inspiration.

BRACK
Oui. Elle a même pris des proportions assez considérables. Cela l'aura fait changer d'idées. Car, hélas ! nous ne sommes pas toujours aussi fermes sur les principes que nous devrions l'être, nous autres hommes.

HEDDA
Oh ! Vous faites sans doute exception, juge Brack. Mais vous disiez donc que Loevborg…

BRACK
Oui, en deux mots, il a fini par échouer dans les salons de Mlle Diana !

HEDDA
De Mlle Diana ?

BRACK
Oui, car c'est chez Mlle Diana qu'il y avait soirée pour un cercle choisi d'amies et d'adorateurs.

HEDDA
C'est une dame aux cheveux rouges ?

BRACK
Précisément.

HEDDA
Une espèce de chanteuse ?

BRACK
Oui, si vous voulez ; et de chasseresse aussi. Elle fait la chasse à l'homme, madame Hedda. Vous aurez entendu parler d'elle. Eilert Loevborg, dans ses beaux jours, a été un de ses plus vaillants protecteurs.

HEDDA
Et comment tout cela a-t-il fini ?

BRACK
La fin est moins brillante. De la réception la plus tendre, Mlle Diana en est venue à des voies de fait.

HEDDA
Contre Loevborg ?

BRACK
Oui. Il s'était plaint d'avoir été volé par elle ou par ses amies. Il prétendait que son portefeuille, entre autres choses, avait disparu. En un mot, il a fait un train d'enfer.

HEDDA
Et quelle a été l'issue de l'affaire ?

BRACK
Une mêlée générale d'hommes et de dames. Heureusement, la police a fini par intervenir.

HEDDA
Comment ! La police est arrivée ?

BRACK
Oui. Mais c'est un petit jeu qui coûtera cher à ce cerveau fêlé de Loevborg.

HEDDA
Ah ?

BRACK
II paraît qu'il s'est débattu. Il aurait souffleté un des policiers et lui aurait déchiré sa tenue. Aussi s'est-il retrouvé au poste.

HEDDA
Et comment savez-vous tout cela, vous ?

BRACK
Je le tiens de la police elle-même.

HEDDA (regardant fixement devant elle)
C'est donc ainsi que cela s'est passé ! Il n'y a pas eu de couronne de pampre.

BRACK
De couronne de pampre, madame Hedda ?

HEDDA (changeant de ton)
Mais dites-moi un peu, juge, qu'est-ce qui vous porte à suivre ainsi la piste d'Eilert Loevborg, à espionner ses actions ?

BRACK
D'abord il ne peut m'être indifférent de voir établi par procès-verbal qu'il venait directement de chez moi.

HEDDA
Il y aura donc des procès-verbaux maintenant ?

BRACK
Assurément. D'ailleurs, advienne que pourra ! je ne m'en soucie pas autrement. Mais il me semble qu'il était de mon devoir d'ami de la maison de veiller à ce que vous et Tesman fussiez pleinement instruits de ses exploits nocturnes.

HEDDA
Pourquoi donc, monsieur le juge ?

BRACK
Mais parce que je le soupçonne sérieusement de vouloir se servir de vous comme d'une sorte de paravent.

HEDDA
Quelle idée !

BRACK
Eh ! Seigneur Dieu ! Nous ne sommes pas aveugles, madame Hedda. Voyez un peu vous-même ! Cette Mme Elvsted, soyez sûre qu'elle ne quittera pas la ville de si tôt.

HEDDA
Oh ! s'il y avait quelque chose entre eux, ils trouveraient bien d'autres endroits pour se rencontrer.

BRACK
Oui. Mais pas un foyer. Toute famille qui se respecte fermera désormais sa maison à Eilert Loevborg.

HEDDA
Et je devrais en faire autant ? C'est là ce que vous voulez dire ?

BRACK
Oui. Il me serait plus que pénible, je l'avoue, que ce monsieur eût ses entrées ici. Si cet élément étranger s'introduisait dans…

HEDDA
Dans le triangle.

BRACK
Justement. Cela équivaudrait pour moi à la perte d'un foyer.

HEDDA (le regarde en souriant)
Ainsi, seul coq dans le poulailler, voilà votre but !

BRACK (bas, inclinant lentement la tête en signe d'assentiment)
Oui, c'est là mon but ; et ce but, je chercherai à l'atteindre par tous les moyens qui sont en mon pouvoir.

HEDDA (dont le sourire s'efface peu à peu)
Vous êtes un homme dangereux, quand la partie s'engage.

BRACK
Croyez-vous ?

HEDDA
Oui, je commence à le croire. Et je serai bien heureuse tant que vous n'aurez pas prise sur moi.

BRACK (avec un sourire ambigu)
Eh, eh ! madame Hedda, vous pourriez avoir raison. Qui sait si, le cas échéant, je ne serais pas homme à trouver quelque bon expédient.

HEDDA
Voyons donc ! juge Brack ! On dirait vraiment des menaces.

BRACK (se levant)
Bien loin de là ! Pour que le triangle soit solide à défendre, il faut avant tout qu'il y ait libre consentement.

HEDDA
C'est bien là ce que je pense.

BRACK
Allons ! J'ai dit ce que j'avais à dire. Et maintenant il me faut songer à regagner le logis. Adieu, madame Hedda !
(Il se dirige vers la porte vitrée.)

HEDDA (se levant)
Vous prenez par le jardin ?

BRACK
Oui, c'est plus court.

HEDDA
Et puis, vous aimez les portes dérobées.

BRACK
Parfaitement ! Je ne déteste pas les portes dérobées. Elles offrent quelquefois du piquant.

HEDDA
On risque d'essuyer des coups de feu, n'est-ce pas ?

BRACK (souriant, arrivé à la porte)
Oh ! On ne tire pas sur ses coqs domestiques !

HEDDA (souriant également)
Non, c'est vrai, quand on n'en a qu'un seul dans le poulailler.
(Ils se font, en riant, des signes de tête d'adieu. Il sort. Elle ferme la porte derrière lui. HEDDA reste un instant grave et immobile, les regards dirigés vers le jardin. Puis elle s'éloigne de la fenêtre et écarte un instant le rideau pour jeter un coup d'œil dans la pièce du fond. Elle s'approche ensuite de son bureau, retire le manuscrit de LOEVBORG d'entre les livres et se dispose à le feuilleter. On entend BERTE parler très haut dans le vestibule. HEDDA se retourne et tend l'oreille. Puis elle serre vivement le manuscrit dans le tiroir du bureau et pose la clef sur son sous-main. Eilert LOEVBORG, en pardessus, son chapeau à la main, ouvre violemment la porte du vestibule. Il paraît légèrement troublé et surexcité.)

LOEVBORG (tournant la tête vers le vestibule)
Je vous dis que je dois entrer ! Voilà !
(Il referme la porte, se retourne, aperçoit HEDDA, se maîtrise aussitôt et salue.)

HEDDA (près du bureau)
Eh bien ! monsieur Loevborg, vous venez chercher Thea un peu tard.

LOEVBORG
Ou je viens chez vous un peu tôt. Veuillez m'excuser.

HEDDA
Comment savez-vous qu'elle est encore ici ?

LOEVBORG
On m'a dit à sa pension qu'elle n'était pas rentrée de la nuit.

HEDDA (s'approchant de la grande table)
Quelle tête les gens ont-ils faite quand vous les avez questionnés ?

LOEVBORG (avec un regard interrogateur)
Quelle tête, dites-vous ?

HEDDA
Oui, je vous demande s'ils avaient l'air de se douter de quelque chose ?

LOEVBORG (comprenant tout à coup)
Ah oui ! c'est juste ! Je la compromets ! D'ailleurs je n'ai rien remarqué à la tête des gens. Tesman n'est pas encore levé, n'est-ce pas ?

HEDDA
Non, je ne crois pas…

LOEVBORG
À quelle heure est-il rentré ?

HEDDA
Très tard.

LOEVBORG
Il ne vous a rien raconté ?

HEDDA
Si. Je sais qu'il y a eu beaucoup d'entrain chez le juge Brack.

LOEVBORG
Rien de plus ?

HEDDA
Je crois que non. Au surplus, j'avais si sommeil.
(Mme Elvsted écarte les rideaux de la pièce du fond et entre.)

MADAME ELVSTED (allant vers LOEVBORG)
Oh ! Loevborg ! Enfin !

LOEVBORG
Oui, enfin. Et trop tard !

MADAME ELVSTED (le regardant anxieusement)
Comment, trop tard ?

LOEVBORG
De toute façon, je suis un homme fini.

MADAME ELVSTED
Oh non, non ! Ne dis pas cela !

LOEVBORG
Tu le diras toi-même quand tu sauras.

MADAME ELVSTED
Je ne veux rien savoir.

HEDDA
Vous désirez peut-être causer en tête à tête ? En ce cas, je me retire.

LOEVBORG
Non. Restez. Vous aussi. Je vous en prie.

MADAME ELVSTED
Oui, mais, je le répète, je ne veux rien savoir !

LOEVBORG
Il ne s'agit pas de ce qui s'est passé cette nuit.

MADAME ELVSTED
De quoi s'agit-il donc ?

LOEVBORG
De ce que nos chemins se séparent désormais.

MADAME ELVSTED
Nos chemins se séparent !

HEDDA (involontairement)
Je le savais !

LOEVBORG
Car je n'ai plus d'emploi pour toi, Thea.

MADAME ELVSTED
Et tu viens me le dire ainsi ! Plus d'emploi ! Je puis bien t'aider comme je l'ai fait jusqu'à présent ? Nous pouvons continuer à travailler ensemble, dis ?

LOEVBORG
Je ne compte plus travailler, désormais.

MADAME ELVSTED (avec un profond découragement)
Que ferai-je de ma vie, en ce cas ?

LOEVBORG
Il faut essayer de vivre comme si tu ne m'avais jamais connu.

MADAME ELVSTED
Mais cela m'est impossible !

LOEVBORG
Essaie, Thea. Tu peux retourner chez toi.

MADAME ELVSTED (révoltée)
Jamais de la vie ! Partout où tu es, je veux être ! Je ne me laisserai pas chasser ainsi ! Je veux rester ici, être à tes côtés quand paraîtra le livre.

HEDDA (surexcitée, à demi-voix)
Ah oui, le livre !

LOEVBORG (la regardant)
Notre livre, le mien et celui de Thea. Car il nous appartient à tous deux.

MADAME ELVSTED
Oui, je le sens bien. Voilà pourquoi j'ai le droit d'être à tes côtés quand il paraîtra ! Je veux veiller à ce qu'on te rende honneur et estime. Et la joie donc ! cette joie que je veux partager avec toi !

LOEVBORG
Thea, notre livre ne paraîtra jamais.

HEDDA
Ah !

MADAME ELVSTED
Il ne paraîtra pas !

LOEVBORG
Il ne peut plus paraître.

MADAME ELVSTED (avec un douloureux pressentiment)
Loevborg, qu'as-tu fait des cahiers ?

HEDDA (le regardant fiévreusement)
Oui, les cahiers ?

MADAME ELVSTED
Où sont-ils ?

LOEVBORG
Oh ! Thea, ne me le demande pas.

MADAME ELVSTED
Si, je veux le savoir. J'ai le droit de le savoir, et cela tout de suite.

LOEVBORG
Les cahiers. Eh bien, oui ! Les cahiers, je les ai déchirés en mille morceaux.

MADAME ELVSTED (poussant un cri)
Oh ! non, non !

HEDDA (involontairement)
Mais ce n'est pas…

LOEVBORG (la regardant)
Vous croyez que ce n'est pas vrai !

HEDDA (reprenant son calme)
Si. Naturellement. Puisque vous le dites. Mais cela me paraît si absurde.

LOEVBORG
Et pourtant c'est vrai.

MADAME ELVSTED (se tordant les mains)
Oh ! mon Dieu ! Oh ! mon Dieu ! Hedda ! Il a anéanti son œuvre !

LOEVBORG
J'ai anéanti ma propre vie. J'ai pu en faire autant de l'œuvre de ma vie.

MADAME ELVSTED
Voilà donc ce que tu as fait cette nuit !

LOEVBORG
Oui. Tu entends bien : déchiré en mille morceaux. Et ces morceaux je les ai jetés dans le fjord. Très loin. Là-bas, du moins, l'eau est bien fraîche. Qu'elle les emporte. Qu'ils s'en aillent à vau-l'eau, au gré du vent. Dans un instant, ils couleront à fond. Plus bas, toujours plus bas… Comme moi, Thea.

MADAME ELVSTED
Sais-tu quoi, Loevborg ? Ce livre… Toute ma vie il me semblera que tu as noyé un petit enfant.

LOEVBORG
Tu as raison. C'est une sorte d'infanticide.

MADAME ELVSTED
Mais comment as-tu pu ? L'enfant m'appartenait aussi bien qu'à toi.

HEDDA (d'une voix presque atone)
Oh ! l'enfant !

MADAME ELVSTED (respirant péniblement)
Ainsi, c'est fini ! Oui, oui, Hedda, je m'en vais maintenant.

HEDDA
Tu ne comptes pourtant pas repartir ?

MADAME ELVSTED
Oh ! je ne sais ce que je ferai. Tout n'est plus que ténèbres autour de moi.
(Elle s'en va par la porte du vestibule.)

HEDDA (attend un instant immobile)
Vous ne voulez donc pas l'accompagner, monsieur Loevborg ?

LOEVBORG
Moi ! Par les rues ! Pour qu'on voie, n'est-ce pas, qu'elle est à mes côtés ?

HEDDA
Mon Dieu ! Je ne sais pas au juste ce qui s'est passé cette nuit. Mais est-ce donc tout à fait irréparable ?

LOEVBORG
Cela ne se bornera pas à cette nuit. Je le sais. Mais voilà ! Cette vie non plus, je n'ai pas la force de la mener. Impossible de recommencer. Cette femme a détruit en moi tout courage et toute audace.

HEDDA (regardant fixement devant elle)
Cette gentille petite niaise a mis les doigts dans une destinée humaine. (Regardant LOEVBORG.)
N'importe ! Comment avez-vous pu manquer de cœur à ce point vis-à-vis d'elle ?

LOEVBORG
Oh ! ne dites pas que j'ai manqué de cœur !

HEDDA
Aller détruire ainsi ce dont elle a eu l'âme pleine pendant si longtemps ! Vous n'appelez pas cela un manque de cœur ?

LOEVBORG
À vous, Hedda, je puis dire la vérité.

HEDDA
La vérité ?

LOEVBORG
Promettez-moi, d'abord, donnez-moi votre parole que jamais Thea ne saura ce que je vais vous confier.

HEDDA
Je vous la donne.

LOEVBORG
C'est bien. Sachez donc qu'il n'y a rien de vrai dans ce que je viens de raconter là.

HEDDA
Vous voulez parler de ces cahiers ?

LOEVBORG
Oui. Je ne les ai ni déchirés ni jetés dans le fjord.

HEDDA
Non, non ; mais alors, où sont-ils ?

LOEVBORG
Je n'en ai pas moins détruit mon œuvre de fond en comble, Hedda!

HEDDA
Je ne comprends pas.

LOEVBORG
Thea vient de dire que mon geste lui faisait l'effet d'un infanticide.

HEDDA
Oui, c'est ce qu'elle a dit.

LOEVBORG
Eh bien ! tuer son enfant n'est pas encore le pire des crimes qu'un père puisse commettre envers lui.

HEDDA
Ce n'est pas là le pire des crimes ?

LOEVBORG
Non. Le pire de tous est celui dont je n'ai pas parlé pour épargner Thea.

HEDDA
Et quel est ce crime ?

LOEVBORG
Supposez, Hedda, qu'après une folle nuit d'excès un homme rentre chez lui vers l'aube, et vienne dire à la mère de son enfant : "Ecoute, j'ai été deci, delà, dans tels et tels endroits. Et j'avais emmené notre enfant dans tels et tels endroits. L'enfant a disparu. Je ne l'ai plus. Le diable seul peut savoir dans quelles mains il est tombé, qui a mis les doigts dessus."

HEDDA
Oui, mais quand le diable y serait en effet, ce n'était là qu'un livre après tout.

LOEVBORG
L'âme pure de Thea avait passé dans ce livre.

HEDDA
Oui, je vous comprends.

LOEVBORG
Alors, vous comprenez aussi qu'il n'y a plus d'avenir pour elle et moi.

HEDDA
Et quel chemin allez-vous prendre ?

LOEVBORG
Aucun. Je ne veux qu'une chose : c'est que tout cela finisse. Le plus tôt sera le mieux.

HEDDA (faisant un pas vers lui)
Eilert Loevborg, écoutez-moi. Ne pourriez-vous agir en sorte que cela se fît en beauté ?

LOEVBORG
En beauté ? (Souriant.)
Couronné de pampre. Comme vous le disiez.

HEDDA
Oh non ! Le pampre, je n'y crois plus. Mais en beauté tout de même ! Pour une fois ! Adieu ! Et maintenant partez. Et ne revenez plus.

LOEVBORG
Adieu, madame. Bien des choses de ma part à Jorgen Tesman.
(Il veut s'en aller.)

HEDDA
Non, attendez ! Il faut que vous emportiez un souvenir de moi.
(Elle s'approche du bureau et ouvre d'abord le tiroir, puis la boîte à pistolets qu'elle y a déposée, en retire l'un des pistolets et retourne vers LOEVBORG.)

LOEVBORG (la regardant)
Ceci ? Est-ce là le souvenir ?

HEDDA (inclinant lentement la tête en signe d'assentiment)
Le reconnaissez-vous? Il a été braqué sur vous un jour.

LOEVBORG
Ce jour-là, vous auriez dû vous en servir.

HEDDA
Eh bien ! Servez-vous-en vous-même maintenant.

LOEVBORG (mettant le pistolet dans sa poche de côté)
Merci !

HEDDA
Et puis, en beauté, Eilert Loevborg ! Promettez-le-moi.

LOEVBORG
Adieu, Hedda Gabler.
(Il sort par la porte du vestibule. HEDDA écoute un instant à la porte. Elle s'approche ensuite du bureau et en retire le manuscrit. Elle regarde un moment la couverture, tire quelques feuilles sur lesquelles elle jette un coup d'œil. Puis elle emporte le tout et va s'asseoir dans le fauteuil placé au coin du poêle, le manuscrit sur ses genoux. Au bout d'un instant, elle ouvre le paquet et retire le manuscrit de sa couverture.)

HEDDA (jette un des cahiers dans le poêle et dit bas en chuchotant )
Maintenant je brûle ton enfant, Thea, la belle aux cheveux dorés ! (Elle jette plusieurs autres cahiers.)
L'enfant que tu as eu avec Eilert Loevborg. (Elle jette le reste.)
Maintenant je brûle, je brûle l'enfant.

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