ACTE III - SCENE IV


PERE UBU
Qui de vous est le plus vieux ? (Un Paysan s'avance.)
Comment te nommes-tu ?

LE PAYSAN
Stanislas Leczinski.

PERE UBU
Eh bien, cornegidouille, écoute-moi bien, sinon ces messieurs te couperont les oneilles. Mais, vas-tu m'écouter enfin ?

STANISLAS
Mais Votre Excellence n'a encore rien dit.

PERE UBU
Comment, je parle depuis une heure. Crois-tu que je vienne ici pour prêcher dans le désert ?

STANISLAS
Loin de moi cette pensée.

PERE UBU
Je viens donc te dire, t'ordonner et te signifier que tu aies à produire et exhiber promptement ta finance, sinon tu seras massacré. Allons, messeigneurs les salopins de finance, voiturez ici le voiturin à phynances. (On apporte le voiturin.)

STANISLAS
Sire, nous ne sommes inscrits sur le registre que pour cent cinquante-deux rixdales que nous avons déjà payées, il y aura tantôt six semaines à la Saint-Mathieu.

PERE UBU
C'est fort possible, mais j'ai changé le gouvernement et j'ai fait mettre dans le journal qu'on paierait deux fois tous les impôts et trois fois ceux qui pourront être désignés ultérieurement. Avec ce système j'aurai vite fait fortune, alors je tuerai tout le monde et je m'en irai.

PAYSANS
Monsieur Ubu, de grâce, ayez pitié de nous. Nous sommes de pauvres citoyens.

PERE UBU
Je m'en fiche. Payez.

PAYSANS
Nous ne pouvons, nous avons payé.

PERE UBU
Payez ! ou ji vous mets dans ma poche avec supplice et décollation du cou et de la tête ! Cornegidouille, je suis le roi peut-être !

TOUS
Ah ! c'est ainsi ! Aux armes ! Vive Bougrelas, par la grâce de Dieu roi de Pologne et de Lithuanie !

PERE UBU
En avant, messieurs des Finances, faites votre devoir.
(Une lutte s'engage, la maison est détruite et le vieux Stanislas s'enfuit seul à travers la plaine. Le PERE UBU reste à ramasser la finance.)

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