Les Rustres
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QUATRIÈME SCÈNE

Carlo Goldoni

QUATRIÈME SCÈNE


FELICE, MARGARITA, LUCIETTA et les précédents.

FELICE(à LUNARDO.)
Les voici, les voici. Contrites et repentantes, elles vous présentent leurs excuses.

LUNARDO(à MARGARITA.)
Vous m'en faites de la sorte?

FELICE(à LUNARDO.)
Elle n'est nullement coupable et c'est moi la cause de tout le mal.

LUNARDO(à LUCIETTA.)
Que mériterais-tu, dis, petite friponne?

FELICE(à LUNARDO.)
Adressez-vous à moi, s'il vous plaît, et je vous répondrai.

LUNARDO(à MARGARITA et à LUCIETTA.)
Des hommes céans? Des amoureux dans une cachette?

FELICE(à LUNARDO.)
Grondez-moi, je vous prie, c'est moi qui dois payer.

LUNARDO(à FELICE.)
Allez vous faire pendre vous aussi !

FELICE(à LUNARDO, en se moquant.)
Venons-en donc au fait!…

CANCIANO(à LUNARDO.)
Est-ce sur ce ton que vous parlez à ma femme?

LUNARDO(à CANCIANO.)
Mille pardons, mon cher, mais je suis hors de moi.
(MARGARITA est toute contrite. LUCIETTA pleure.)

MARGARITA
Madame Félice, qu'avez-vous dit? Et l'affaire est-elle accommodée?

SIMON(à MARINA.)
Vous aussi, Madame, vous méritiez votre part…

MARINA
Ah ! vraiment ! Je tire ma révérence et me voici partie !

FELICE
Non, non, arrêtez ! Le pauvre, il lui restait un peu de fiel qui l'empoisonnait, il a bien fallu qu'il s'en débarrassât ! D'ailleurs, il vous a excusée, il vous pardonnée, et quand le prétendu arrivera, M. Lunardo est d'accord pour que les noces se fassent aussitôt, n'est-ce pas, Monsieur Lunardo?

LUNARDO(rogue.)
Oui, Madame, oui Madame !

MARGARITA
Croyez-moi, mon cher époux, j'ai souffert mort et passion. J'étais ignorante de toute l'affaire, n'en doutez pas, et quand ces masques sont arrivés, je ne voulais point les laisser entrer. C'est… c'est…

FELICE
Eh bien oui! c'est moi… Que vous faut-il de plus?

MARGARITA(à LUCIETTA.)
Ouvrez la bouche vous aussi !

LUCIETTA
Monsieur mon père, je demande votre pardon, mais je ne suis pas fautive.

FELICE
C'est moi, vous dis-je, c'est moi…

MARINA
A vrai dire, il m'en revient une part aussi.

SIMON(à MARINA, avec ironie.)
Hé ! nous savons bien que vous êtes une femme d'esprit.

MARINA
Certes ! J'en ai plus que vous !

FELICE(en observant à travers la fenêtre.)
Qui est-ce?

MARINA(à FELICE.)
Oh ! hé, les voici.

LUCIETTA(à part, gaiement.)
Oh ! mon fiancé !

LUNARDO
Quoi donc? Qui est là? Qui vient? Des gens? (Aux femmes.)
Retirez-vous.

FELICE
Voyez-vous ! Que serait-ce? Auriez-vous peur que ces hommes nous mangent? Ne sommes-nous pas quatre ici? N'y êtes-vous pas vous-même? Faites-les donc entrer.

LUNARDO
Est-ce vous qui commandez, Madame?

FELICE
Oui, c'est moi.

LUNARDO
D'étranger, je n'en veux point et si je le vois ici, je me retire sans tarder.

FELICE
Mais pourquoi ne voulez-vous pas le voir? C'est un homme de mérite.

LUNARDO
Qu'il soit ce qu'il veut, je ne le veux pas céans. Ma femme et ma fille n'ont pas coutume de voir du monde.

FELICE
Eh ! pour cette fois, il vous faut le souffrir, n'est-ce pas, mes enfants?

MARGARITA
Oh ! moi, avec plaisir !

LUCIETTA
Avec plaisir, moi aussi !

LUNARDO(en les singeant.)
Oh ! moi ! avec plaisir, moi aussi ! (A FELICE.)
Je ne veux pas, vous dis-je !

FELICE(A part.)
Quel ours ! quel malotru ! (Haut.)
Attendez ! attendez ! Je vais le retenir.
(Elle se rapproche de la sortie.)

LUCIETTA
Que m'importe ! C'est l'autre que j'attends !


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