Une pièce chez LUNARDO.
LUCIETTA
Tout de bon, Madame ma mère, vous voilà bien élégante.
MARGARITA
Mais ma fille, si cette compagnie vient tout à l'heure, voudriez-vous, ma foi de ma foi, me voir attifée comme une servante?
LUCIETTA
Et moi, hélas ! me montrerai-je dans cet accoutrement ?
MARGARITA
Pour une jeune fille, cela va fort bien.
LUCIETTA
Oui-dà ! Cela va fort bien, quand je ne suis pas malade !
MARGARITA
Que vous dirai-je, ma fille? Si cela ne dépendait que de moi, j'aimerais que vous ne manquiez de rien, mais vous connaissez votre père. Il est intraitable sur ce chapitre. Si je parle de vous faire la plus petite robe, il me saute à la figure. Les filles doivent aller modestement mises, et c'est moi qui vous monte la tête, à ce qu'il paraît. Aussi, pour ne pas l'entendre gronder, je ne me mêle de rien et le laisse faire à sa guise. Vous n'êtes pas ma fille, en somme, et je n'ai pas le droit de trop en prendre sous mon bonnet.
LUCIETTA
Oh ! je le sais que je ne suis pas votre fille !
MARGARITA
Qu'entendez-vous par là? Est-ce que je ne vous aime pas, peut-être?
LUCIETTA
Oh ! si, Madame ! Vous m'aimez bien, mais vous n'entendez pas vous rompre la tête pour moi ! Si j'étais votre fille et qu'il vînt céans de la compagnie, vous ne me laisseriez certes pas en tablier.
MARGARITA
Eh bien ! enlevez ce tablier !
LUCIETTA
Et puis, quand je l'aurai ôté?
MARGARITA
Quand vous l'aurez ôté, ma foi de ma foi ! vous ne l'aurez plus.
LUCIETTA
Pardi ! Pensez-vous que je ne voie pas que vous vous moquez ?
MARGARITA
C'est que vous me faites rire. Que voulez-vous donc, ma foi de ma foi ?
LUCIETTA
Moi aussi, j'aimerais faire mon petit effet.
MARGARITA
Eh bien ! dites-le à votre père ! Voudriez-vous qu'on appelât un tailleur en secret pour qu'il vous fît un habit? Et puis, M. Lunardo a-t-il la berlue? Pensez-vous, ma foi de ma foi, qu'il ne s'en apercevrait pas?
LUCIETTA
Oh ! je ne prétends pas à une robe, et je me contenterais d'une simple petite babiole. Regardez : je n'ai même pas de manchettes ! Et j'ai honte de ce chiffon que je porte en guise de collerette. Il date au moins du temps de ma mère-grand. Pour la maison, cette robe peut suffire, mais il me plairait tout de même bien d'avoir quelque chose de plus joli, et une franfreluche ou deux ne me messièreraient pas non plus.
MARGARITA
Oh bien ! puisqu'une paire de manchettes vous ferait plaisir, je vais vous en offrir une des miennes. Et que diriez-vous aussi d'un collier de perles?
LUCIETTA
Grand Dieu !
MARGARITA
Je vais vous chercher cela. (A part.)
Pauvre petite ! Je la comprends. Nous autres femmes, ma foi de ma foi ! nous sommes toutes comme cela. (Elle sort.)
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