Les Rustres
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DOUZIÈME SCÈNE

Carlo Goldoni

DOUZIÈME SCÈNE


LUNARDO SIMON CANCIANO et les précédentes.

LUNARDO
Hé ! n'êtes-vous pas lasses d'attendre, Mesdames? N'ayez crainte, nous allons dîner à l'instant. Nous n'attendons plus que Monsieur Maurizio, et dès qu'il arrivera, nous passerons à table.

MARGARITA
Monsieur Maurizio n'était-il pas avec vous?

LUNARDO
Si fait, mais il avait une affaire et il va revenir sur-le-champ. (A LUCIETTA)
. Qu'as-tu donc, toi? que tu me sembles tout abattue.

LUCIETTA
Rien, voulez-vous que je me retire?

LUNARDO
Mais non, demeure ici, ma fille; ton jour est venu à toi aussi, n'est-ce pas, Monsieur Simon ?

SIMON
La pauvre ! Cela me fait plaisir.

LUNARDO(à CANCIANO.)
Ah! que dites-vous?

CANCIANO
Mais oui, c'est très vrai et elle le mérite bien.

LUCIETTA
Ce tremblement ne veut pas me quitter.

FELICE
Y a-t-il quelque chose de nouveau, Monsieur Lunardo ?

LUNARDO
Oui, Madame.

MARINA
Eh bien ! Il faut que nous le sachions aussi.

MARGARITA(à LUNARDO.)
Bien entendu, je serai la dernière à l'apprendre.

LUNARDO
Vraiment, ma femme, libre à vous de caqueter à votre aise; je n'ai pas envie de me fâcher, aujourd'hui. Oui, je suis content et j'entends que tout le monde se divertisse. Lucietta, viens ici !
(LUCIETTA s'approche en tremblant.)

LUNARDO
Mais qu'as-tu?

LUCIETTA(en tremblant.)
Je l'ignore moi-même.

LUNARDO
As-tu la fièvre? Écoute bien; elle va passer par devant ma femme qui te sert de mère, par devant ces deux Messieurs et leurs épouses, je t'annonce tes fiançailles.
(LUCIETTA tremble, pleure et se trouve presque mal.)

LUNARDO
Holà ! Holà ! Que fais-tu? Cela te déplairait-il que je t'aie fiancée?

LUCIETTA
Oh ! non Monsieur !

LUNARDO
Sais-tu quel est ton prétendu?

LUCIETTA
Oui, Monsieur.

LUNARDO
(indigné. )
Quoi? Tu le sais ! comment le sais-tu? Et qui t'en a instruite?

LUCIETTA
Non, Monsieur, je ne sais rien. Ayez pitié de moi. Je ne sais plus ce que je dis.

LUNARDO
Ah ! pauvre innocente ! (A SIMON et à CANCIANO.)
Vous voyez comment je l'ai élevée !

FELICE(bas à MARGARITA.)
S'il savait !

MARGARITA(à FELICE.)
Je frémis à l'idée qu'il l'apprenne !

MARINA(à MARGARITA.)
Nous ne courons aucun risque.

LUNARDO
Or çà ! Sachez que le prétendu est le fils de Monsieur Maurizio, le neveu de Madame Marina.

MARINA
Vraiment ! Mon neveu !

FELICE
Oh ! que nous contez-vous là?

MARINA
Je vous suis bien obligée, vraiment !

FELICE
Pouviez-vous mieux choisir?

MARINA
Quand les noces auront-elles lieu?

LUNARDO
Aujourd'hui.

MARINA
Aujourd'hui?

LUNARDO
Oui, Madame, aujourd'hui, et même à l'instant, Monsieur Maurizio est allé quérir son fils pour l'amener céans. Nous dînerons ensemble et nous les marierons aussitôt.

MARINA(à part.)
Je suis perdue !

FELICE
Mon Dieu ! Avec cette rage…

LUNARDO
Mariage qui traîne se salit.

LUCIETTA
Ce sont mes os qui tremblent à présent !

LUNARDO(à LUCIETTA.)
Mais qu'as-tu?

LUCIETTA
Rien du tout.


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