(FILIPPETO déguisé en femme, le Comte RICCARDO et les précédentes.)
RICCARDO
Je suis l'humble serviteur de ces dames.
FELICE
Votre servante, Madame et Monsieur les masques.
MARGARITA(froidement.)
Votre servante.
MARINA(à FILIPPETO.)
Madame le masque, je vous honore.
(FILIPPETO fait une révérence de femme.)
LUCIETTA
Tout à fait le bel air !
FELICE
Beaux masques, la promenade est-elle agréable?
RICCARDO
Le Carnaval nous dispose aux divertissements.
MARINA
Mademoiselle Lucietta, que dites-vous de ces masques ?
LUCIETTA(faisant mine d'être intimidée.)
Que voulez-vous que je dise?
FILIPPETO
Oh! le joli bouton de rose!
MARGARITA
Beaux masques, excusez mon importunité : avez-vous déjà dîné?
RICCARDO
Moi, non, Madame.
MARGARITA
En vérité, nous voudrions aller à table.
RICCARDO
Nous allons nous retirer.
FILIPPETO
Mordienne ! je l'ai à peine regardée !
RICCARDO(à FILIPPETO.)
Allons-nous en, Madame !
FILIPPETO
Le diable l'emporte !
MARINA(à RICCARDO et à FILIPPETO.)
Hé ! Attendez un peu.
MARGARITA(à part.)
Oh ! J'ai dans les oreilles le pas de mon croquant de mari !
FELICE(à FILIPPETO.)
Ecoutez un mot, beau masque !
(FILIPPETO se rapproche de Félice.)
FELICE(bas à FILIPPETO.)
Vous plaît-elle?
FILIPPETO(bas à Félice.)
Oh oui ! Madame.
FELICE(comme ci-dessus.)
N'est-elle pas jolie?
FILIPPETO(comme ci-dessus)
Mordienne !
LUCIETTA
Madame ma mère?
MARGARITA
Qu'y a-t-il?
LUCIETTA
bas à
MARGARITA
Si je pouvais au moins l'entrevoir !
MARGARITA
Vous allez voir que je vous attrape par le bras et que je vous fais sortir !
LUCIETTA
Un peu de patience !
MARINA(à FILIPPETO.)
Beau masque !
(FILIPPETO se rapproche de MARINA.)
MARINA
Vous plaît-elle?
FILIPPETO
A la folie !
MARINA(à FILIPPETO.)
Voulez-vous du tabac, beau masque?
FILIPPETO
Mais oui, Madame !
MARINA
Servez-vous, je vous prie !
FiLiri'KTo (Il prend une prise de tabac et essaie de la porter à son nez, avec le masque.)
FELICE
Pour prendre du tabac, il faut se démasquer !
(Elle lui ôte son masque.)
LUCIETTA(en le regardant à la dérobée.)
Oh ! quel joli garçon !
MARINA(vers FILIPPETO.)
Ciel, quelle jolie fille !
FELICE
C'est ma sœur.
LUCIETTA(en riant.)
Je ne peux pas m'empêcher de rire.
FILIPPETO
Oh ! le rire plaisant !
FELICE
Venez çà. Otez-nous cette cape. (Elle la lui enlève.)
LUCIETTA
Mon cœur est tout à trac.
MARINA(montrant FILIPPETO et LUCIETTA.)
Laquelle de ces deux filles est-elle la plus jolie?
(FILIPPETO intimidé, regarde furtivement LUCIETTA. LUCIETTA l'imite.)
RICCARDO
Je suis très obligé à Madame Félice de me faire assister à la plus agréable comédie du monde !
MARGARITA(à LUCIETTA.)
Or çà, finissons-en, ma foi de ma foi ! Il en est temps et l'équivoque n'a que trop duré. Remerciez ces dames qui ont mené à bien cette visite de contrebande et priez le Ciel qu'il mène à bien votre mariage, s'il vous y destine.
FELICE
Cela suffit, beaux masques. Il faut savoir se borner.
FILIPPETO
Je ne saurais la quitter.
LUCIETTA
Il emporte mon cœur.
MARGARITA
Grâce à Dieu, nous voilà hors d'affaire !
MARINA(à FILIPPETO.)
Remettez votre manteau.
FILIPPETO
Comment ferais-je? Je n'ai pas la pratique.
FELICE
Venez ici (Elle lui arrange la cape.)
LUCIETTA(en riant.)
Le pauvre! Il ne sait pas mettre sa cape !
FILIPPETO(à LUCIETTA.)
Vous moquez-vous?
LUCIETTA(en riant.)
Oh ! non !
FILIPPETO
Petite moqueuse !
LUCIETTA
Qu'il est gentil!
MARGARITA
Ciel ! Je suis perdue !
FELICE
Qu'y a-t-il?
MARGARITA
Voici mon mari.
MARINA
Oui, mordienne et le mien également.
FELICE
Mais ne s'agit-il pas de ma sœur?
MARGARITA(à FILIPPETO, en le poussant dehors.)
Hé ! ma mie, s'il me prend en flagrant délit de mensonge, je suis perdue ! Vite ! vite ! cachez-vous, passez dans cette chambre ! (A Riccardo)
Monsieur, retirez-vous de ce côté aussi !
RICCARDO
Quel imbroglio est-ce là ?
FELICE
Je vous en prie, Monsieur Riccardo, je vous en prie. Retirez-vous !
RICCARDO
C'est bien pour vous plaire que je vous obéirai. (Il disparait dans une chambre.)
FILIPPETO
Je m'en vais guetter à mon aise.
(Il disparaît.)
LUCIETTA
Mes jambes flageolent et je n'en puis plus !
MARGARITA(à Felice et à MARINA.)
Je vous l'avais bien dit!
MARINA(à MARGARITA.)
Allons ! Ce n'est rien !
FELICE
Quand nous passerons à table, ils fileront !
MARGARITA
C'est moi la dupe, dans cette affaire !
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