ACTE V - Scène 4



Arsinoé, Célimène, Éliante, Alceste, Philinte, Acaste, Clitandre, Oronte.

Acaste (à Célimène)
Madame, nous venons tous deux, sans vous déplaire,
Éclaircir avec vous une petite affaire.

Clitandre (à Oronte et à Alceste)
Fort à propos, messieurs, vous vous trouvez ici,
Et vous êtes mêlés dans cette affaire aussi.

Arsinoé (à Célimène)
Madame, vous serez surprise de ma vue ;
Mais ce sont ces messieurs qui causent ma venue ;
Tous deux ils m'ont trouvée, et se sont plaints à moi
D'un trait à qui mon cœur ne saurait prêter foi.
J'ai du fond de votre âme une trop haute estime
Pour vous croire jamais capable d'un tel crime ;
Mes yeux ont démenti leurs témoins les plus forts,
Et l'amitié passant sur de petits discords,
J'ai bien voulu chez vous leur faire compagnie,
Pour vous voir vous laver de cette calomnie.

Acaste
Oui, madame, voyons, d'un esprit adouci,
Comment vous vous prendrez à soutenir ceci.
Cette lettre, par vous, est écrite à Clitandre ?

Clitandre
Vous avez, pour Acaste, écrit ce billet tendre.

Acaste (à Oronte et à Alceste)
Messieurs, ces traits pour vous n'ont point d'obscurité,
Et je ne doute pas que sa civilité
À connaître sa main n'ait trop su vous instruire.
Mais ceci vaut assez la peine de le lire.
"Vous êtes un étrange homme de condamner mon enjouement, et de me reprocher que je n'ai jamais tant de joie que lorsque je ne suis pas avec vous. Il n'y a rien de plus injuste ; et, si vous ne venez bien vite me demander pardon de cette offense, je ne vous le pardonnerai de ma vie. Notre grand flandrin de vicomte…
Il devrait être ici.
Notre grand flandrin de vicomte, par qui vous commencez vos plaintes, est un homme qui ne saurait me revenir ; et, depuis que je l'ai vu, trois quarts d'heure durant, cracher dans un puits pour faire des ronds, je n'ai jamais pu prendre bonne opinion de lui. Pour le petit marquis…
C'est moi-même, messieurs, sans nulle vanité.
Pour le petit marquis, qui me tint hier longtemps la main, je trouve qu'il n'y a rien de si mince que toute sa personne ; et ce sont de ces mérites qui n'ont que la cape et l'épée. Pour l'homme aux rubans verts…
(À Alceste.)

À vous le dé, monsieur.
Pour l'homme aux rubans verts, il me divertit quelquefois avec ses brusqueries et son chagrin bourru ; mais il est cent moments où je le trouve le plus fâcheux du monde. Et pour l'homme au sonnet…
(À Oronte.)

Voici votre paquet.
Et pour l'homme au sonnet, qui s'est jeté dans le bel esprit, et veut être auteur malgré tout le monde, je ne puis me donner la peine d'écouter ce qu'il dit ; et sa prose me fatigue autant que ses vers. Mettez-vous donc en tête que je ne me divertis pas toujours si bien que vous pensez ; que je vous trouve à dire, plus que je ne voudrais, dans toutes les parties où l'on m'entraîne ; et que c'est un merveilleux assaisonnement aux plaisirs qu'on goûte, que la présence des gens qu'on aime.

Clitandre
Me voici maintenant, moi.
Votre Clitandre, dont vous me parlez, et qui fait tant le doucereux, est le dernier des hommes pour qui j'aurais de l'amitié. Il est extravagant de se persuader qu'on l'aime, et vous l'êtes de croire qu'on ne vous aime pas. Changez, pour être raisonnable, vos sentiments contre les siens ; et voyez-moi le plus que vous pourrez, pour m'aider à porter le chagrin d'en être obsédée. "
D'un fort beau caractère on voit là le modèle,
Madame, et vous savez comment cela s'appelle.
Il suffit. Nous allons l'un et l'autre, en tous lieux,
Montrer de votre cœur le portrait glorieux.

Acaste
J'aurais de quoi vous dire, et belle est la matière ;
Mais je ne vous tiens pas digne de ma colère ;
Et je vous ferai voir que les petits marquis
Ont, pour se consoler, des cœurs de plus haut prix.

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