(LUCIEN ANNETTE.)
LUCIEN
C'est quelqu'un, cette petite fille-là.
ANNETTE
Certainement. Elle est bien la soeur de son frère.
LUCIEN
Avec la grâce en plus. Une nature fine et ferme à la fois, un esprit bien portant qui a la fraîcheur de la santé comme son visage ; pas plus de maquillage à l'un qu'à l'autre… Et toujours la nature Embellit la beauté, comme dirait papa.
(Il s'étend sur le canapé.)
ANNETTE
Elle est charmante, mais elle n'est pas pour toi, ni toi pour elle.
LUCIEN
Qui songe à cela?
ANNETTE
Hum ! tu viens dîner bien souvent à la maison depuis qu'elle y est.
LUCIEN
Elle me plaît, je n'en disconviens pas; nous nous faisons une petite guerre de taquineries affectueuses qui m'amuse. Mais tu penses bien qu'à mon âge je n'irai pas m'amouracher d'une fille honnête. Va t'habiller.
ANNETTE
J'attends quelqu'un.
LUCIEN
Alors, je m'en vais.
ANNETTE
Tu peux rester; je ne serai même pas fâchée que tu restes.
LUCIEN
Qui est-ce donc ?
ANNETTE (à demi-voix.)
Navarette.
LUCIEN
Navarette ? Et que vient-elle faire ici ?
ANNETTE
Elle vient me donner une leçon (A part.)
qui ne profitera pas à moi seule.
LUCIEN
Une leçon?
ANNETTE
Eh bien, oui : elle vient me faire répéter mon rôle. Grand Dieu ! si papa savait que je joue la comédie !
LUCIEN
Oh ! la comédie de société ! (Il se lève.)
C'est de son temps.
ANNETTE
Mais, de son temps, on ne jouait pas les Argonautes en société.
LUCIEN
Et surtout on ne prenait pas de leçons de Navarette. On n'avait peut-être pas tort.
ANNETTE
Trouverais-tu que je mets trop mon bonnet sur l'oreille cette fois?
LUCIEN
Mon Dieu, je sais bien que c'est admis. C'est égal, ça me produit un singulier effet de penser que tu vas parler à Navarette!
ANNETTE
Vraiment, monsieur Prudhomme?
LUCIEN
Bah ! tu as raison ! il faut faire comme les autres. Quel mal y a-t-il après tout?… C'est d'Estrigaud qui t'envoie Navarette ?
ANNETTE
Non pas ! je crois qu'il ne se soucierait pas de me la présenter… Tu sais qu'il me fait un brin de cour. Je lui ai tout simplement écrit à elle-même. Elle m'a répondu un petit mot charmant, et je l'attends d'un moment à l'autre.
LUCIEN
Alors je me sauve.
ANNETTE
Reste donc.
LUCIEN
Impossible !… je la tutoie.
ANNETTE
Ce serait gênant pour moi, je l'avoue… Mais je veux aller au lac après la séance.
UN DOMESTIQUE.
Mademoiselle Navarette.
ANNETTE
Faites entrer, (A Lucien.)
Va m'attendre chez papa.
LUCIEN
Tiens, oui, je lirai les Débats !
(Il sort par la droite, Navarette entre par le fond.)
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