ACTE TROISIÈME - Scène X
SALOMON (assis à la place où était le constable.)
Ah ! voyons ce qu'on dit de notre dernière représentation du Maure de Venise. (Il prend les journaux ; on lui apporte un pot de bière.)
Merci, l'ami… (Lisant.)
Hum, hum. Paris, Saint-Pétersbourg, Vienne. Sont-ils ennuyeux d'emplir leurs journaux de nouvelles politiques, de la France, de la Russie, de l'Autriche, qui est-ce qui s'occupe de cela ? qui est-ce que ça intéresse ? Ah ! "Théâtre de Drury-Lane, représentation du Maure de Venise. M. Kean." "Le spectacle d'hier a attiré peu de monde…" On a refusé cinq cents places au bureau ; la salle craquait. "La mauvaise composition de la soirée." Merci : on jouait le Maure de Venise et le Songe d'une Nuit d'été, les deux chefs-d'œuvre de Shakspeare. "La médiocrité des acteurs…" L'élite de la troupe seulement, miss O'Neil, mistriss Siddons, Kean, l'illustre Kean. "Le jeu frénétique de Kean, qui fait d'Othello un sauvage." Eh bien ! qu'est-ce qu'il veut qu'il en fasse, un fashionable ? (Regardant la signature de l'auteur de l'article.)
Ah ! cela ne m'étonne plus : Cooksman. Connu. Ô honte ! honte ! voilà les hommes qui jugent, qui condamnent, et qui parfois étranglent. (Il prend un autre journal.)
Ah ! ceci c'est autre chose ; l'article est d'un camarade, M. Brixon ; il a pris l'habitude de les faire lui-même, de peur que les autres ne lui rendent pas justice. Le public ne sait pas ça, lui ; mais nous autres !… Voyons. "La représentation a été magnifique hier à Drury-Lane ; la salle regorgeait ; et la moitié des personnes qui se sont présentées au bureau n'ont pu trouver place. La grande et sombre figure d'Iago," c'est le rôle qu'il joue, "a été magnifiquement rendue par M. Brixon." En voilà un qui ne s'écorche pu, au moins. Du reste, il n'y a pas de mal, tant qu'on ne dit que du bien de soi, chacun est libre. "La faiblesse de l'acteur chargé de représenter Othello…" Il le trouve trop faible, celui-là ; l'autre le trouvait trop fort, "a servi à faire mieux ressortir encore la profondeur du jeu de notre célèbre…" (Il jette le journal.)
Coterie ! coterie ! Ah ! mon Dieu, que je suis heureux de n'être qu'un pauvre souffleur !