SCENE VII
LOUKA (entre, apportant de l'eau)
Madame est malade, monsieur, elle ne reçoit pas.
SMIRNOV
Fous-moi le camp! (Louka sort.)
Elle est malade, elle ne reçoit pas. Bon, ne me reçois pas… Moi je reste, et je resterai ici tant que tu ne m'auras pas rendu mon argent. Tu seras malade huit jours? Je resterai huit jours. Un an? Je resterai un an… Ah! J'aurai le dernier mot, ma petite mère. Ton deuil et tes fossettes aux joues, ça ne prend pas… On les connaît vos fossettes. (Il appelle par la fenêtre)
Simon! Tu peux dételer. Nous ne sommes pas près de partir. Je reste ici! Dis à l'écurie qu'on donne de l'avoine à mes chevaux. Sacré animal, tu ne vois donc pas que le cheval de trait s'est encore empêtré dans les rênes. (Il imite le cocher)
"C'est rien." Tu vas voir si "c'est rien." (II s'éloigne de la fenêtre.)
Mauvais, tout cela, il fait une chaleur à en crever, personne ne veut me payer, j'ai à peine dormi cette nuit… et par-dessus le marché, ces voiles de crêpe, et l'humeur de madame. J'ai attrapé un mal de crâne… Si je buvais un peu de vodka? C'est une idée… (Il appelle)
Eh! quelqu'un!
LOUKA (entre)
Que désirez-vous, monsieur?
SMIRNOV
Apporte-moi un verre de vodka. (Louka sort.)
Ouf! (Il s'assoit et s'examine.)
Je suis beau à voir, rien à dire. Couvert de poussière, les bottes sales, pas lavé, pas peigné, des brins de paille plein mon gilet… Qui sait si la petite dame ne m'a pas pris pour un bandit… (Il bâille.)
Après tout… Je ne suis pas un visiteur, je suis un créancier, c'est une race qui peut se passer de cérémonie.
LOUKA (entre, apportant un verre de vodka)
Vous prenez trop de libertés, monsieur.
SMIRNOV (furieux)
Comment?
LOUKA
Non, rien… Je n'ai rien dit.
SMIRNOV
A qui parles-tu? Silence!
LOUKA (à part)
En voilà un sauvage… C'est le diable qui l'a envoyé…
(Il sort.)
SMIRNOV
Ah! que je suis furieux! Furieux! Je réduirais le monde entier en poussière! Vrai, j'en suis malade… (Il crie)
Eh! Quelqu'un!