(BLAISE, LA COMTESSE, LISETTE.)
BLAISE
Morgué ! madame, savez-vous bian ce qui se passe ici ? Vous avise-t-on d'un tabellion qui se promène là-bas dans le jardin avec monsieur Dorante et cette marquise, et qui dit comme ça qu'il leur apporte un chiffon de contrat qu'ils li ont commandé, pour à celle fin qu'ils y boutent leur seing par-devant sa parsonne ? Qu'est-ce que vous dites de ça, madame ? car noute fille dit que voute affection a repoussé pour Dorante. Ce tabellion est donc un impartinent.
LA COMTESSE
Un notaire chez moi, Lisette ! Ils veulent donc se marier ici ?
BLAISE
Eh ! morgué ! sans doute. Ils disent itou qu'il fera le contrat pour quatre ; ceti-là de voute ancien amoureux avec la marquise ; ceti-là de vous et du chevalier, voute nouviau galant. Velà comme ils se gobargeont de ça ; et jarnigoi ! ça me fâche. Et vous, madame ?
LA COMTESSE
Je m'y perds, c'est comme une fable.
LISETTE
Cette fable me révolte.
BLAISE
Jarnigué ! cette marquise, maugré le marquisat qu'alle a, n'en agit pas en droiture. En ne friponne pas les amoureux d'une parsonne de voute sorte. Mais dans tout ça il n'y a qu'un mot qui sarve ; madame n'a qu'à dire, mon ratiau est tout prêt, et, jarnigué ! j'allons vous ratisser ce biau notaire et sa paperasse ni pus ni moins que mauvaise harbe.
LA COMTESSE
Lisette, parle donc ; tu ne me conseilles rien. Je suis accablée. Ils vont s'épouser ici, si je n'y mets ordre. Il n'est plus question de Dorante ; tu sens bien que je le déteste.
LISETTE
Ma foi, madame, ce que j'entends là m'indigne à mon tour ; et à votre place, je me soucierais si peu de lui, que je le laisserais faire.
LA COMTESSE
Tu le laisserais faire ! Mais si tu l'aimais, Lisette ?
LISETTE
Vous dites que vous le haïssez !
LA COMTESSE
Cela n'empêche pas que je ne l'aime. Et dans le fond, pourquoi le haïr ? Il croit que j'ai tort, tu me l'as dit toi-même, et tu avais raison. Je l'ai abandonné la première. Il faut que je le cherche, et que je le désabuse.
BLAISE
Morgué ! madame, j'ons vu le temps qu'il me chérissait. Estimez-vous que je sois bon pour li parler ?
LA COMTESSE
Je suis d'avis de lui écrire un mot, Lisette, et que ton père aille lui rendre ma lettre à l'insu de la marquise.
LISETTE
Faites, madame.
LA COMTESSE
À propos de lettre, je n'y songeais pas ; j'en ai une sur moi que je lui écrivais tantôt, et que tout ceci me faisait oublier. Tiens, Blaise, va ; tâche de la lui rendre sans que la marquise s'en aperçoive.
BLAISE
N'y aura pas d'aparcevance. Stapendant qu'il lira voute lettre, je la renforcerons de queuque remontration.
L'Île des esclaves, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1725, se déroule sur une île utopique où les rapports sociaux sont inversés pour rétablir la justice. L'intrigue débute...
L'Île de la raison, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1727, se déroule sur une île imaginaire gouvernée par la raison et la vérité, où les habitants vivent...
L'Héritier de village, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1725, raconte les mésaventures d’un jeune homme naïf, Eraste, nouvellement désigné comme héritier d’un riche villageois. L’histoire se déroule...
Les Serments indiscrets, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1732, explore les contradictions de l’amour et de la parole donnée. L’intrigue tourne autour de Lucile et Damis, deux...
Les Fausses Confidences, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1737, met en scène les stratagèmes de l’amour et les jeux de manipulation pour conquérir un cœur. L’histoire suit...