GINGINET, JULES
Au lever du rideau, tous les deux sont couchés.
GINGINET occupe le lit du milieu, et JULES celui de droite. Le troisième lit, placé à gauche, est complètement caché par les rideaux formant alcôve.
JULES est entassé sous ses draps et ne laisse pas voir sa tête; la scène est dans une demiobscurité. On entend sonner cinq heures à l'horloge de la paroisse.
GINGINET
(qui s'est retourné plusieurs fois dans son lit, se réveillant tout à coup et se donnant une claque sur la joue. )
Diables de cousins ! ils vous sifflent dans les oreilles… (Ilse recouche, et après un temps se donne une nouvelle claque sur la joue.)
Impossible de dormir ! (Il cherche à attraper un cousin avec la main.)
Non ! je l'ai manqué ! Sapristi ! j'ai faim… Il s'est trouvé que le castor était un bonnet à poil… impossible de le découper… le maître de l'établissement nous a indiqué cet hôtel… (Il cherche à prendre un cousin.)
Je l'ai encore manqué !… Il était minuit, et comme le train ne passe qu'à six heures huit… je me suis dit : Couchons-nous ! (Indiquant le lit fermé par les rideaux.)
Ma femme est là… Dors-tu, ma bonne amie?… Elle dort. Quant à ma nièce, elle est dans le cabinet à côté… J'aurais voulu la garder près de nous… mais le troisième lit
(était déjà occupé par une vieille Anglaise… (Montrant le lit de droite.) La voilà !… Quand nous sommes entrés, elle ronflait comme un canon… C'est vilain, une vieille Anglaise qui ronfle.)(Riant.)
J'aimerais mieux la nourrice… elle est boulotte et sans prétentions. (Bâillant.)
Ah ! j'ai envie de dormir. (Se recouchant, s'endormant.)
Colombe !… prends garde au globe !
JULES
(se donnant une forte claque sur la joue. )
Les gredins ne me laisseront donc pas dormir !
Il se met sur ses genoux, prend son mouchoir et l'agite violemment pour chasser les cousins.
Regardant dans la chambre.
Tiens ! les autres lits sont habités… Qui diable m'a-t-on fourré là pendant que je dormais ?
GINGINET
(rêvant. )
Colombe ! prends garde au globe !
JULES
Hein !… papa Ginginet… en bonnet de coton… un chapeau… sa femme est dans l'autre lit… ils sont venus coucher dans ma chambre… Voilà ce que j'appelle être veinard… (Les rideaux du lit remuent.)
Les rideaux s'agitent… elle ne dort pas ! (S'adressant au lit et à voix basse.)
Madame ! n'ayez pas peur !… C'est moi !… Madame, est-ce que vous dormez ? Comment lui faire savoir que je suis auprès d'elle, sans réveiller Ménélas ?… (Faisant un mouvement.)
Je vais descendre. (Se ravisant.)
Non… elle me prendrait pour un revenant… et elle pousserait des cris!…
Voyons donc! Tiens! une gaule! (Il prend la canne à pêche placée près de son lit.)
Voilà mon affaire… Si je pouvais entrouvrir tout doucement les rideaux… (Il se met à genoux sur son lit et cherche à faire passer le bout de la gaule par-dessus le lit de GINGINET, mais l'hameçon de la ligne se prend dans le bonnet de coton du mari.)
Eh ! bien !… je suis accroché !… Ah ! nom d'une flûte !… c'est une ligne… ça a mordu… le bonnet de coton a mordu ! Si je pouvais me décrocher doucement…
(Il tire, et le bonnet de coton vient avec la ligne.)
GINGINET
(se réveillant. )
Entrez! (L'apercevant.)
Hein! vous!… la vieille Anglaise ! ,
JULES
(à part. )
II m'a vu !
GINGINET
(sautant du lit. )
Ah ça ! monsieur, vous me poursuivrez donc partout!… venir jusque dans ma chambre pour pêcher à la ligne !
JULES
Je ne pouvais pas dormir à cause des cousins… et alors…
GINGINET
C'est bien, monsieur, sortez !
JULES
Ah ! permettez ! J'étais ici avant vous… pourquoi êtes-vous venu me trouver ?
GINGINET
Moi?… On vous avait annoncé comme une vieille Anglaise.
JULES
Allons donc !
GINGINET
Probablement pour nous faire prendre les deux autres lits, à ma femme et à moi…
JULES
(sautant du lit. )
Ah ! madame est ici ?
GINGINET
Oui, monsieur.
JULES
Je n'ose pas vous prier de me présenter?…
GINGINET
(furieux. )
Pas de plaisanterie, monsieur ! Je vous enjoins d'avoir à quitter cette chambre sur-le-champ…
JULES
Ah ! permettez !
GINGINET
Vous n'avez pas la prétention, je pense, de vous installer dans mon sanctuaire?
Sortez, ou je crie, j'appelle… Où est le commissaire de police ?
JULES
Voyons… ne vous fâchez pas… (A terre, en caleçon.)
Je suis un homme bien élevé, monsieur… Je sais ce qu'on doit aux dames… et si je puis trouver à me loger ailleurs… (Saluant l'alcôve.)
Madame, veuillez agréer…
GINGINET
Ne regardez pas ! (A JULES.)
Serviteur, monsieur, serviteur !
(JULES sort par le premier plan droite.)
(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
(BLANCMINET; PUIS ANTOINE; PUIS BOURGILLON; PUIS LOISEAU Le théâtre représente un jardin. Grille d'entrée au fond ; à droite, l'étude ; à gauche, un pavillon servant à serrer des instruments...
(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...