LES MEMES, JULES, puis LE CAPITAINE COURTEVOIL
GINGINET
Mais sacrebleu ! si personne ne m'indique… je n'en sortirai pas !… (Il remonte.)
JULES
(rentrant du troisième plan, à gauche, et à lui-même. )
Une journée de flambée ! je rentrerai bredouille ! (Apercevant CLEMENCE.)
Oh ! la dame que j'ai vue hier à la Société générale…
CLEMENCE
(à part. )
Ce jeune homme qui m'a pris mon bouquet de violettes !
Elle lui tourne le dos, et vient au premier plan gauche.
GINGINET
Où est le bureau de renseignements ?… Il doit y avoir un bureau de renseignements, sacrebleu !
JULES
(se présentant. )
Monsieur, si je puis vous être utile…
GINGINET
Mon Dieu, monsieur, entre actionnaires, on peut se rendre de petits services…
Monsieur est actionnaire, sans doute?
JULES
Oui.
GINGINET
Moi, j'en ai quinze…
JULES
Moi, cent vingt-deux…
GINGINET
(à part. )
Oh ! un capitaliste !
COLOMBE
(à part. )
Où diable ai-je vu cette frimousse-là?
GINGINET
J'ai un bordereau à faire… et je vous l'avouerai franchement, je ne sais pas par quel bout le prendre…
JULES
Monsieur, le bordereau, c'est mon truc… (se reprenant)
Mon triomphe ! (Indiquant CLEMENCE)
Et si Madame veut bien me dicter les numéros…
CLEMENCE
(à part. )
Moi?… Quelle effronterie!
JULES
Madame, veuillez prendre la peine de vous asseoir… près de moi.
CLEMENCE
(sèchement. )
C'est inutile… Mon mari dictera lui-même…
GINGINET
(bas à sa femme. )
Clémence, je ne te comprends pas… Répondre de cette façon à ce jeune homme… qui est la complaisance même…
CLEMENCE
(bas. )
Je ne le connais pas.
GINGINET
(bas. )
II a cent vingt-deux actions !…
CLEMENCE
(bas. )
Tant mieux pour lui !
GINGINET
Je suis fâché de te le dire… ce n'est pas comme ça qu'on se crée des relations… (A JULES)
Ma femme est un peu souffrante… nous allons rédiger ça à nous deux…
JULES
(assis sur le banc, à part. )
Elle me boude. (A GINGINET.)
Nom et prénoms ?
GINGINET
Pierre-Léonidas GINGINET.
JULES
Domicile?
GINGINET
A Paris ou à la campagne.
JULES
A Paris… L'autre m'est égal.
GINGINET
Rue Chauchat, n° 18.
JULES
Très bien.
CLEMENCE
(à part. )
II lui donne notre adresse, à présent…
JULES
Quel étage?
GINGINET
On met l'étage ?
JULES
Ils le demandent quelquefois…
GINGINET
Au deuxième, au-dessus de l'entresol… la porte en face. Si jamais vous passez dans notre quartier…
JULES
Souvent…
GINGINET
Je serai très heureux de recevoir votre visite…
CLEMENCE
(à part. )
II l'invite…
GINGINET
Entre actionnaires, on devrait se voir plus souvent… on se communiquerait ses idées… J'en ai une sur les parapluies !
JULES
Et moi, sur le wagon des dames…
GINGINET
(avec importance. )
Vous me remettrez une note…
JULES
Donnez-moi votre premier bordereau… je vais recopier vos numéros par ordre.
GINGINET
Le voici… Vraiment, j'abuse… (Allant à CLEMENCE.)
Il est charmant, cet actionnaire !
COLOMBE
(à part, regardant JULES écrire. )
Mais où l'ai-je vu ?… C'est pas à la Halle…
JENNY
Shall we not go out ? (Allons-nous partir ?)
GINGINET
Tiens, je l'avais oubliée… Il faut la faire travailler… Corne hère… Dis: Pendule!
JENNY
(répétant. )
Pendulle.
GINGINET
Balancier !
JENNY
(répétant. )
Balançoire !
GINGINET
C'est pas mal… Heureusement que je vais la marier !
COURTEVOIL
(entrant du troisième plan droite; allure militaire; ton rude. )
Ah ! ah ! c'est ici la boutique aux actions ?
JENNY
(allant à COURTEVOIL et lui mettant un doigt sur la poitrine. )
Un… homme !
(Elle regarde GINGINET pour avoir son approbation.)
COURTEVOIL
(brusquement. )
Qu'est-ce que c'est ?
GINGINET
Pardon, monsieur… c'est ma nièce… une Anglaise… qui s'exerce à apprendre le français… (Posant à son tour un doigt sur la poitrine de COURTEVOIL, et à JENNY.)
Oui… un homme !
COURTEVOIL
Mais sacrebleu !
GINGINET
Mille excuses… c'est fini.
COURTEVOIL
(à TAPIOU. )
Donne-moi un papier, toi !
TAPIOU
Voilà, mon officier.
COURTEVOIL
(l'examinant. )
Ah ! ah !… tu as un bras de moins… à la bonne heure !… Voilà un beau coup d'œil… ça rafraîchit… ça repose !
TAPIOU
Oui, mais ça gêne…
COURTEVOIL
Où l'as-tu égaré? En Italie?… en Crimée?… en Chine?
TAPIOU
(embarrassé. )
Ah! vous savez… un peu partout…
COURTEVOIL
Tiens ! voilà dix sous… tu boiras à la santé du capitaine Courtevoil !
TAPIOU
Oui, mon général !
(COURTEVOIL remonte et passe à l'extrême droite.)
JULES
(à GINGINET. )
Votre bordereau est terminé… vous n'avez plus qu'à signer…
GINGINET
(signant. )
Là… en bas?…
COLOMBE
(tout à coup et à part. )
Ah ! je le reconnais !… c'est le pickpocket de la Société générale…
GINGINET
(à JULES. )
Monsieur, il ne me reste plus qu'à vous remercier… (Lui serrant la main.)
Vous avez mon nom, mon adresse…
COLOMBE
(bas à GINGINET. )
Non… ne l'invitez pas ! c'est le voleur de violettes !
GINGINET
(regardant sa femme. )
Comment!
CLEMENCE
Eh bien ! oui !
GINGINET
(à JULES, avec dignité. )
Monsieur, je ne rétracte pas mes remerciements…, mais si jamais vous passez dans ma rue, je vous conseille de ne pas vous arrêter sous mes fenêtres… car il n'y tomberait pas de bouquets de violettes… Venez, mesdames, passons à la caisse !
(passe par le troisième plan, droite, suivi de CLEMENCE et de COLOMBE.)
COLOMBE
(à JULES. )
Ce ne serait pas de la violette qui…
TAPIOU
(regardant COLOMBE. )
Je veux la suivre… elle m'attire, elle me donne des vertiges !
(sort au troisième plan, droite.)
JULES
(à part. )
Pincé !… Oh ! mais je ne me tiens pas pour battu…
(COURTEVOIL est venu s'asseoir à l'extrémité du banc à droite, près de la table, à côté de JULES qui se lève vivement; le banc bascule et COURTEVOIL tombe à terre.)
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Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
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