JULES, BERNARDON, puis TAPIOU, puis PAULINE
JULES
(seul. )
Ça continue à être un joli militaire ! Il me fait l'effet d'un sanglier, cet homme-là !… Mon oncle ne revient pas… Je voudrais pourtant bien filer…
BERNARDON
(entrant. )
Me voici… Mon affaire est arrangée.
JULES
Vous avez vu le chef de gare ?
BERNARDON
Oui… il m'a donné satisfaction pour ma bourriche… On écrira dessus: Service de l'administration.
JULES
Allons, mon oncle… voici le moment de nous séparer.
BERNARDON
Bon voyage ! (Ils s'embrassent. JULES entre dans le wagon n°32l.)
Prends garde de t'enrhumer, à cause de mon discours.
(BERNARDON est monté sur le marchepied du wagon.)
JULES
(dans le wagon. )
Ne craignez rien… Adieu ! Adieu !…
(TAPIOU de la gauche, entre, et silencieusement graisse les roues des wagons; arrivé à BERNARDON il le heurte avec son graissoir.)
BERNARDON
Que fait cet animal !
TAPIOU
(sans faire attention à BERNARDON, s'éloigne à droite en disant. )
Graisseur !… qué sale métier !
(continue son travail et disparaît.)
PAULINE
(entrant avec un éventaire de marchande de journaux, du premier plan droite. )
Voyez les journaux!… Le Petit Moniteur… le Livret Chaix… L'Indicateur des chemins de fer …
BERNARDON
Tiens ! ma petite protégée ! (Lui prenant le menton.)
Eh bien ! es-tu contente de ta nouvelle position?… Vendeuse de journaux à l'intérieur…
PAULINE
Oh ! oui, monsieur.
BERNARDON
Et ton nigaud de mari, est-il entré en fonctions ?
PAULINE
Oui, monsieur… il graisse déjà.
BERNARDON
Pourquoi me l'as-tu amené à quatre heures… méchante !
(lui frappe sur la joue.)
TAPIOU
(entrant avec son pot de graisse ; il est furieux. )
Ah ben ! en v'là des histoires ! en v'là des histoires !
PAULINE
Qu'as-tu donc?
TAPIOU
Je donne ma démission. (A BERNARDON.)
Tenez ! v'là le pot de la compagnie !
BERNARDON
(se reculant vivement. )
Prends donc garde !… tu vas me graisser !
PAULINE
Mais qu'est-il arrivé ?
TAPIOU
Un accident… Je graissais, sans ostentation… Tout à coup, v'là une dame qui monte… sa robe s'étale par-dessus mon pot… Paf ! je lui plaque de ma sauce… sans le vouloir…
Un rien… gros comme une noisette… ou un œuf de pigeon…
BERNARDON
Ah ! diable !
TAPIOU
Elle crie… Je lui dis en souriant : "Madame, il n'y a pas de mal… c'est du saindoux…" Alors elle m'appelle: "Butor !… animal!
Ah! mais! madame…
Insolent!
Méchante cocotte! " Le chef de gare arrive… et elle lui demande trois cents francs de dommages et intérêts !… trois cents francs !… et il n'y a qu'un quart d'heure que je suis en fonctions !
BERNARDON
Sois tranquille ! nous arrangerons ça !
TAPIOU
Non !… je demande une autre place.
BERNARDON
Déjà ?
TAPIOU
Quelque chose de pas difficile à faire… à la campagne.
BERNARDON
(à part. )
Tiens! à la campagne!… c'est une idée! (Haut.)
J'aurais peut-être ton affaire… mais à soixante lieues d'ici…
PAULINE
Soixante lieues !
TAPIOU
En bon air?… pas pour graisser?
BERNARDON
Non…
TAPIOU
(tendant la main. )
Topez ! ça va !
BERNARDON
(se reculant. )
Prends donc garde ! (Écrivant sur une feuille de son calepin qu'il déchire.)
Tiens ! porte ça de ma part au chef du train.
TAPIOU
Tout de suite, monsieur l'employé supérieur…
BERNARDON
(à part. )
Je déporte le mari !
TAPIOU
(à sa femme, avec attendrissement. )
Pauline… embrasse-moi !
PAULINE
Ah ! non !… tu me salirais !
TAPIOU
(à part. )
Elle a raison… Que sale métier…
(sort, deuxième plan gauche.)
BERNARDON
(à PAULINE. )
Je t'attends demain à huit heures… Tu diras que tu apportes mes faux cols… à cause de ma femme.
PAULINE
Toujours ! (En sortant.)
Voyez les journaux ! Le Figaro… Le Petit Moniteur… Le
Voleur illustré… La Revue pour tous !
(Elle disparaît.)
BERNARDON
(la regardant sortir. )
Très gentille !
JULES
(passant sa tête à la portière du wagon et à part. )
Est-ce qu'il va coucher ici ?
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Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
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