LES MEMES plus GERTRUDE sortant de sa villa.
GERTRUDE (à JEANNINE, avec gravité)
Dites-moi, votre frère est-il de retour?
JEANNINE (de mauvaise grâce, tout en se dirigeant vers chez elle)
Oui, Madame.
GERTRUDE (même jeu)
Monsieur Evariste est sans doute de retour, lui aussi ?
JEANNINE (même jeu)
Oui, Madame.
GERTRUDE
Savez-vous où est Monsieur Evariste?
JEANNINE (avec humeur)
Je n'en sais rien. Votre servante !
(Elle entre chez elle.)
GERTRUDE (à part)
Quelle amabilité ! (Haut.)
Crépin.
CREPIN
Madame?
(Il se lève.)
GERTRUDE
Savez-vous où se trouve Monsieur Evariste?
CREPIN
Non, Madame, franchement je ne le sais pas.
GERTRUDE
Rendez-moi le service d'aller voir s'il n'est pas à l'auberge.
CREPIN
J'y cours.(Il va à l'auberge.)
SUZANNE, (à mi-voix)
- Madame Gertrude…
GERTRUDE
Que voulez-vous?
SUZANNE
Un mot.
(Elle se lève.)
GERTRUDE
Vous savez quelque chose au sujet de Monsieur Evariste?
SUZANNE
Ah, Madame, j'en sais long. J'aurais de graves choses à vous dire.
GERTRUDE
Oh, ciel ! Moi aussi, il y a des choses qui m'inquiètent. J'ai vu des lettres qui m'ont surprise. Parlez, éclairez-moi, je vous en prie.
SUZANNE
Mais ici, en public?… On a affaire à des têtes sans cervelle… Si vous voulez que je vienne chez vous…
GERTRUDE
Je voudrais d'abord voir Monsieur Evariste.
SUZANNE
Ou si vous préférez venir chez moi.
GERTRUDE
J'aimerais mieux. Mais attendons Crépin.
SUZANNE
Le voici.
(CREPIN sort de l'auberge.)
GERTRUDE
Et alors?
CREPIN
Il n'est pas à l'auberge, Madame. On l'attendait pour dîner et il n'est pas venu.
GERTRUDE
Et pourtant il devrait être rentré de la chasse.
CREPIN
Oh, il est sûrement rentré. Je l'ai vu, moi-même.
GERTRUDE
Où peut-il bien être?
SUZANNE (regardant dans le café)
Il n'est pas au café.
CREPIN (regardant chez l'apothicaire)
Il n'est pas non plus chez l'apothicaire.
GERTRUDE
Allez voir un peu. Le village n'est pas très grand, allez voir si vous le trouvez.
CREPIN
Pour vous être agréable, j'y vais tout dé suite.
GERTRUDE (à CREPIN)
Si vous le trouvez, dites-lui qu'il faut que je lui parle et que je l'attends chez la mercière.
CREPIN
A vos ordres.
(Il s'éloigne.)
GERTRUDE (entrant chez SUZANNE)
Venez, je suis anxieuse de vous entendre.
SUZANNE
Oh oui, vous allez en apprendre de belles.
(Elle entre dans sa boutique.)
CREPIN
Il y a une intrigue quelconque avec ce Monsieur Evariste. Et cet éventail… Je suis content de l'avoir, moi. Curonné s'est aperçu qu'on le lui a dérobé… Heureusement qu'il ne me soupçonne pas. Personne n'a dû lui dire que je suis venu acheter du vin. J'y suis allé au bon moment. Qui m'eût jamais dit que je trouverais l'éventail sur un tonneau? Ce sont des hasards qui se produisent, des accidents qui arrivent. L'idiot ! laisser l'éventail sur un tonneau ! Le valet tirait le vin, et moi, je l'ai pris et caché. Et Couronné qui a la sottise de me demander à moi si je l'ai vu, si je ne sais rien! Suis-je fou, moi, pour aller lui dire que c'est moi qui l'ai pris? Pour qu'après il aille dire partout que je suis venu exprès, que j'ai volé… Il serait capable de le dire. Oh, il est tellement fripon qu'il serait capable de le dire. Mais où faut-il que j'aille pour trouver Monsieur Evariste? Pas chez le Comte, car celui-ci est à l'auberge en train de travailler avec ardeur. (Il fait le geste de manger.)
Bah ! je vais aller le chercher du côté des belles maisons neuves. Il y en a six ou sept : je le trouverai bien. Je regrette d'être encore dans l'ignorance au sujet de ce que voulait dire Suzanne. Mais je lui parlerai. Oh, si je prends Jeannine en faute, si je la trouve coupable!… Que ferai-je?… Est-ce que je l'abandonnerai? Eh, quelque chose dans ce genre… Mais je l'aime. Qu'est-ce que cela peut bien être? (Il est sur le point de sortir.)
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