LES MEMES plus GERTRUDE sur la terrasse, puis CITRONNET et TONIN.
GERTRUDE
Messieurs, Messieurs, que se passe-t-il?
LE COMTE (à GERTRUDE)
Pourquoi nous avez-vous fermé la porte au nez?
GERTRUDE
Moi? Excusez-moi mais je ne suis pas capable de commettre une grossièreté envers qui que ce soit, et encore moins envers vous et envers Monsieur le Baron qui daigne distinguer ma nièce.
LE COMTE (au BARON)
Vous entendez?
LE BARON
Mais Madame, au moment même où nous voulions entrer chez vous, on nous a fermé la porte au nez.
GERTRUDE
Je vous assure que je ne vous avais pas vus, et si j'ai fermé la porte, c'était pour empêcher cette petite sotte de Jeannine d'entrer. JEANNINE, (met craintivement la tête à sa porte et, entendant la phrase de GERTRUDE, avec dépit)
- Une petite sotte? qu'est-ce à dire ?
(Elle rentre chez elle.)
LE COMTE (à JEANNINE)
Silence, impertinente !
GERTRUDE
Si vous voulez bien me faire l'honneur, je donnerai l'ordre que l'on vous introduise.
(Elle sort.)
LE COMTE (au BARON)
Vous entendez?
LE BARON
Je n'ai rien à dire.
LE COMTE
Que voulez-vous faire de ces pistolets?
LE BARON
Excusez la délicatesse de mon honneur…
(Il remet les pistolets dans sa poche.)
LE COMTE
Vous allez vous présenter devant deux femmes avec des pistolets dans votre poche?
LE BARON
A la campagne, je les porte sur moi pour me défendre.
LE COMTE
Mais si elles savent que vous avez ces pistolets — vous connaissez les femmes ! — elles ne voudront pas que vous approchiez.
LE BARON
Vous avez raison. Je vous remercie de m'avoir prévenu et en gage de bonne amitié, je vous en fais cadeau.
(Il les tire de nouveau de sa poche et les lui donne.)
LE COMTE (avec crainte)
Vous m'en faites cadeau?
LE BARON
Oui, j'espère que vous n'allez pas refuser.
LE COMTE
Je les accepte parce qu'ils viennent de vous. Ils sont chargés?
LE BARON
Quelle question ! Vous ne voudriez tout de même pas que je les porte non chargés?
LE COMTE
Attendez. Holà du café !
CITRONNET (sortant du café)
Monsieur le Comte désire?
LE COMTE
Prenez ces pistolets et gardez-les : je les enverrai prendre.
CITRONNET
A vos ordres.
(Il prend les pistolets des mains du Baron.)
LE COMTE
Faites bien attention, ils sont chargés.
CITRONNET
Oh, je sais manier des pistolets.
(Il joue avec les pistolets.)
LE COMTE (avec crainte)
Eh là, eh là, ne faites pas l'idiot !
CITRONNET (à part)
Il est courageux, Monsieur le Comte.
(Il part.)
LE COMTE
Je vous remercie et j'en tiendrai compte. (A part)
Demain, je les vendrai.
TONIN (sortant de la villa de GERTRUDE)
Messieurs, ma maîtresse vous attend. LE
COMTE
Allons.
LE BARON
Allons.
LE COMTE (se mettant en route)
Hein, qu'en dites-vous ? Suis-je quelqu'un, oui ou non? Hein, bien-aimé collègue? Nous autres gens de qualité ! Notre protection vaut quelque chose.
(JEANNINE sort tout doucement de chez elle et leur emboîte le pas. LE COMTE et LE BARON entrent dans la villa, introduits par TONIN qui reste sur le seuil. JEANNINE voudrait entrer, elle aussi, mais TONIN l'en empêche.)
TONIN
Vous n'avez rien à faire ici, vous !
JEANNINE
Si, Monsieur, j'ai quelque chose à y faire.
TONIN
J'ai l'ordre de ne pas vous laisser entrer.
(Il entre dans la villa et ferme la porte.)
JEANNINE
Oh, je suis dans une telle rage que rien ne pourra l'apaiser et j'ai vraiment l'impression que la bile va m'étouffer. (S'avançant)
Un tel affront à moi? A une jeune fille de ma sorte! (Elle arpente furieusement la scène.)
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