(Honorius, Placidie, Stilicon, Marcellin, Lucile, suite.)
HONORIUS
Et bien, du sort enfin la rage est assouvie,
Ton fils est innocent, mais ton fils est sans vie,
Et je tremble à t'ouïr tout bas me reprocher,
Que si je vis encore, il t'en coûte bien cher.
Stilicon
Seigneur, mon fils est mort ; la nature effrayée
N'ose voir de quel prix votre vie est payée,
Et quand vous le saurez, si dedans votre erreur
Vous tremblez de pitié, vous tremblerez d'horreur.
HONORIUS
Ah, quoi que par le sang ta douleur se soutienne,
Elle ne peut aller au-delà de la mienne,
Et si par la vengeance on peut la soulager…
Stilicon
Apprenez donc sur qui mon fils se doit venger ;
Mais pour voir dans sa mort quel désespoir m'accable,
Sachez auparavant de quoi je fus capable.
Je vous aimai, seigneur, et l'on ne vit jamais
Plus de zèle répondre à de rares bienfaits.
Ce zèle dans mon cœur n'en souffrant aucun autre,
M'eut fait cent fois donner tout mon sang pour le vôtre,
Et dans vos intérêts ma tendresse et mes soins
En ont peut-être été de fidèles témoins.
La vertu m'inspirant par de secrètes flammes,
J'eus tous les sentiments qui font les grandes âmes,
La gloire me fut chère, et cent nobles exploits
Pour en marquer l'ardeur ne manquent point de voix ;
Heureux, si du destin la jalouse puissance
M'eut épargné d'un fils la fatale naissance.
Par là de ma vertu sa rigueur vint à bout.
Ce fils fut une idole à qui j'immolai tout ;
Mon amour dans ce fils, ou bien plutôt ma rage,
Du titre de sujet ne pût souffrir l'outrage,
Et sans l'en consulter, mon ingrate fureur
Voulut par votre perte en faire un empereur.
J'en prononçai l'arrêt, et je la crûs certaine.
Jugez par cet aveu de l'excès de ma peine.
Pour élever mon fils au rang où je vous vois,
J'ai trahi vos bien-faits, j'ai violé ma foi ;
J'ai démenti mon sang, j'ai pris le nom de traître,
J'ai porté le poignard dans le sein de mon maître,
J'ai souillé lâchement la gloire de mon sort ;
Cependant, cependant, seigneur, mon fils est mort.
PLACIDIE
Quoi, méchant ? Pour cacher une âme basse et noire,
Tu pus feindre !
HONORIUS
Ma sœur, oseriez-vous le croire,
Et pressé de douleur, ne vous fait-il pas voir,
Qu'en tout ce qu'il s'impute il suit son désespoir ?
Stilicon
Non, non, mon désespoir ne cherche point à feindre,
Ayant perdu mon fils, je n'ai plus rien à craindre.
Assez des assassins entre vos mains restez,
Vous peuvent confirmer ces dures vérités.
Pour couronner ce fils qui n'eut pu le prétendre,
Moi seul à son déçu je faisois entreprendre.
Voyant qu'au repentir Zénon avoit cédé,
Par mon ordre aussitôt Felix l'a poignardé,
Sur mon fils par mon ordre il a jeté le crime
Qui devoit cette nuit vous faire sa victime,
Et de ma dureté l'éclat mystérieux,
Le traitant de coupable, éblouissoit vos yeux.
Inventez des tourments, imaginez des gênes,
Sa mort passe pour moi les plus affreuses peines.
De son père aujourd'hui je me vois son bourreau,
Je le voulois au trône, et le mets au tombeau.
Le ciel, dont la puissance à nos desseins préside,
Tourne contre moi seul mon lâche parricide,
Et l'avide fureur de mes projets trahis
Ne me rend criminel que pour perdre mon fils.
Après mes attentats que j'ose vous apprendre,
Sachant ce qui m'est dû, seigneur, je vais l'attendre,
Et connois trop encore un reste de devoir,
Pour vous plus exposer à l'horreur de me voir.
PLACIDIE
Attendant qu'à loisir on en puisse résoudre,
suivez-le, Marcellin.
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