(Honorius, Placidie, Marcellin, Lucile.)
MARCELLIN
Seigneur…
HONORIUS
Et bien, enfin ? Nos traîtres par leur fuite
N'ont pu d'Eucherius éviter la poursuite ?
MARCELLIN
Des trois les deux sont pris, et de sa propre main
L'autre s'est mis sur l'heure un poignard dans le sein.
Mais un nouveau malheur dont tout mon cœur soupire…
HONORIUS
Ciel ! Qu'ai-je à craindre encore ?
MARCELLIN
Je tremble à vous le dire,
Mais je balance en vain ce funeste rapport,
Eucherius n'est plus.
HONORIUS
Il est mort ?
MARCELLIN
Il est mort.
PLACIDIE
Pourrai-je déguiser la douleur qui m'accable ?
Lucile, quelle atteinte !
HONORIUS
Ô prince déplorable !
Eucherius n'est plus ; mais dans un tel malheur
Achève, Marcellin, de me percer le cœur,
Apprends-nous de sa mort ce que tu peux connoître.
MARCELLIN
Avec la même ardeur qu'il vous a fait paroître
Lors qu'à vos yeux, seigneur, il combattoit pour vous,
Sur ceux qui le fuyoient il porte son courroux.
Comme s'il s'offensoit du secours qu'on lui preste,
C'est lui seul qui combat, lui seul qui les arrête.
Il ne s'aperçoit point qu'assez proche du flanc
Une large blessure épuise tout son sang,
Soit qu'au premier combat il l'eût déjà reçue,
Soit que de ce dernier ce fut l'injuste issue.
À peine est-il fini, qu'en suite d'un faux pas
Les forces lui manquant, il tombe entre mes bras.
Soudain l'impératrice accourue à notre aide,
à ce triste accident cherche à donner remède ;
Mais lui de sa pitié désavouant l'effet,
Je meurs, dit-il, madame, et je meurs satisfait,
Puis qu'avant mon trépas j'ai fait voir à mon maître
Que je méritois peu l'infâme nom de traître.
J'aimois, et c'est l'aveu d'un insolent amour
Qui m'avoit su déjà rendre indigne du jour.
Le ciel juste par tout fait plus qu'on n'osoit croire,
Punissant mon audace il conserve ma gloire,
Et me souffre l'espoir d'un assez doux repos,
Pourvu que ma princesse… il expire à ces mots,
Et l'amour à la mort par une juste envie
Dérobe le soupir qui termine sa vie.
HONORIUS
Enfin un plein succès a suivi vos refus,
Vous triomphez, ma sœur, Eucherius n'est plus.
Ayant vu contre lui l'imposture soufferte,
Il a pour l'étouffer précipité sa perte,
Et crû dans les soupçons d'un crime lâche et bas
Un affront assez grand pour n'y survivre pas.
PLACIDIE
Ah, seigneur, il vous faut ouvrir toute mon âme,
Mon orgueil jusqu'ici s'est immolé ma flamme,
Mais quand d'Eucherius j'ai creusé le cercueil
Je dois à mon amour immoler mon orgueil.
Ce héros dont toujours la vertu m'a charmée,
N'eut point été suspect s'il ne m'eut pas aimée,
Et l'injuste refus d'avouer son amour
A causé l'accident qui le prive du jour.
Je l'aimois toutefois, mais de cette victoire
Ma jalouse fierté lui déroboit la gloire.
Je le voulois au trône, et l'ardeur de régner
M'offroit dans ce défaut de quoi le dédaigner.
Ces dédains affectez ne cherchoient qu'à vous dire
Qu'il auroit su me plaire en partageant l'empire,
Et j'osois me flatter que pour prix de sa foi
Vous le sauriez par là rendre digne de moi.
Enfin il ne vit plus, et de mon arrogance
Je dois à sa chère ombre une pleine vengeance.
D'un trop superbe espoir le succès décevant
Veut qu'il obtienne mort ce qu'il n'a pu vivant,
Qu'avec éclat pour lui mon cœur toujours s'explique,
Qu'ainsi que mon orgueil ma flamme soit publique,
Et qu'au moins devant tous dans mes vives douleurs,
Ne pouvant rien de plus, je lui donne des pleurs.
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