(Placidie, Lucile.)
PLACIDIE
Le crime est éclairci ! Que me dis-tu, Lucile ?
LUCILE
Que du moins le coupable à connoître est facile,
Et qu'il se cache en vain, lors qu'un heureux destin
De Zénon dans Felix nous livre l'assassin.
PLACIDIE
Felix ! quoi, cette mort est l'effet de sa rage ?
LUCILE
Flavie entroit alors dans cet obscur passage,
Qui s'arrêtant au bruit, mais sans rien discerner,
Entend, et c'est Felix qui m'ose assassiner.
Interdite et tremblante, elle quitte la place,
Rencontre Theodot, lui dit ce qui se passe.
Il l'oblige à s'en taire, et prudent et discret
En vient à l'empereur découvrir le secret.
Lui que d'Eucherius le triste sort accable,
Craint de voir un témoin qui convainc le coupable,
Et mandant Stilicon, lui veut persuader
De pourvoir en secret à le faire évader ;
Mais loin que Stilicon à cet ordre obéisse,
Si son fils est coupable, il consent qu'il périsse,
Et quoi que de Felix il doive redouter,
C'est lui-même aussitôt qui le fait arrêter.
Voila de Mutian ce que je viens d'apprendre.
PLACIDIE
Mon cœur dans ce qu'il sent a peine à se comprendre.
La joie et le chagrin y viennent tour à tour
Entretenir ma crainte, et flatter mon amour.
Mes vœux d'Eucherius embrassent la défense,
J'en voudrois déjà voir éclater l'innocence,
Et par l'effet d'un charme aussi doux que pressant,
Je crains pour mon orgueil s'il se trouve innocent.
À voir un malheureux que le destin opprime,
On laisse agir pour lui tout ce qu'on eut d'estime,
Et quoi qu'assez souvent l'amour s'y trouve joint,
La pitié l'autorise, on ne s'en défend point.
L'âme qu'elle séduit s'en laissant trop atteindre,
Prend sujet d'admirer ce qu'elle voit à plaindre.
En vain dans cette ardeur on la veut refroidir,
Elle se trouve émue, et s'en ose applaudir ;
Et croyant d'elle-même être toujours maîtresse,
Sur sa compassion excuse sa tendresse.
C'est par ce sentiment qui sembloit m'y forcer,
Que pour Eucherius j'ai crû m'intéresser ;
Sa vertu que soutient l'éclat le plus insigne,
D'un soupçon lâche et bas me l'a fait voir indigne,
Et pour en repousser l'injurieux abus,
J'ai suivi de mon cœur le mouvement confus.
Ce cœur s'est attendri, mais quoi qu'il en soupire,
Je doute si jamais il s'en voudra dédire,
Et si dans un sujet son fier emportement
Dédaignera toujours d'avouer un amant.
LUCILE
Quelque tendre pitié qui vous porte à le plaindre,
Il n'est guère en état de vous la faire craindre.
La conjecture est forte, et l'indice pressant ;
tout le rend criminel.
PLACIDIE
mais il est innocent,
Et de quoi que son cœur pour régner fut capable,
Quiconque ose m'aimer ne peut être coupable.
LUCILE
Un si beau sentiment feroit tout présumer,
Si l'on aimoit toujours quand on jure d'aimer.
Il peut feindre avec vous.
PLACIDIE
Mais, Lucile, je l'aime.
S'il peut feindre avec moi, puis-je feindre de même,
Et crois-tu que mon cœur put trahir ma fierté
Jusqu'à vouloir s'entendre avec sa lâcheté ?
Non, non, ces vains dehors d'une fausse tendresse
N'éblouissent jamais les yeux d'une princesse ;
Elle prend dans son sang l'infaillible pouvoir
De donner de l'amour avant qu'en recevoir.
Incapable d'erreur dans les feux qu'elle excite,
Elle y voit la vertu soutenir le mérite,
Et sur ces seuls garants se laissant enflammer,
Est sûre d'être aimée alors qu'elle ose aimer.
LUCILE
Ce droit d'un sang illustre est le vif caractère ;
Mais absoudre le fils, c'est condamner le père.
Croirez-vous Stilicon capable d'attenter ?
PLACIDIE
Il aime l'empereur, on n'en sauroit douter,
Ce qu'il a fait pour lui défend qu'on le soupçonne ;
Mais dans sa dureté son courage m'étonne,
Et je ne comprends point quel jaloux désespoir
Immole Eucherius à son triste devoir.
Si l'amour en secret m'en fait voir l'innocence,
Le sang pour l'éclairer n'a pas moins de puissance,
Et ces douces clartés devroient également
Lui répondre d'un fils comme à moi d'un amant.
LUCILE
Voici par qui savoir qui des deux est à plaindre.
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