Chapitre XLIV

DE LA MÊME À LA MÊME.

Paris, 1829.

Comment, ma chère, un an sans lettre ?… Je suis un peu piquée. Crois-tu que ton Louis, qui m’est venu voir presque tous les deux jours, te remplace ? Il ne me suffit pas de savoir que tu n’es pas malade et que vos affaires vont bien, je veux tes sentiments et tes idées comme je te livre les miennes, au risque d’être grondée, ou blâmée, ou méconnue, car je t’aime. Ton silence et ta retraite à la campagne, quand tu pourrais jouir ici des triomphes parlementaires du comte de l’Estorade, dont la parlotterie et le dévouement lui ont acquis une influence, et qui sera sans doute placé très haut après la session, me donnent de graves inquiétudes. Passes-tu donc ta vie à lui écrire des instructions ? Numa n’était pas si loin de son Égérie. Pourquoi n’as-tu pas saisi l’occasion de voir Paris ? Je jouirais de toi depuis quatre mois. Louis m’a dit hier que tu viendrais le chercher et faire tes troisièmes couches à Paris, affreuse mère Gigogne que tu es ! Après bien des questions, et des hélas, et des plaintes, Louis, quoique diplomate, a fini par me dire que son grand-oncle, le parrain d’Athénaïs, était fort mal. Or, je te suppose, en bonne mère de famille, capable de tirer parti de la gloire et des discours du député pour obtenir un legs avantageux du dernier parent maternel de ton mari. Sois tranquille, ma Renée, les Lenoncourt, les Chaulieu, le salon de madame de Macumer travaillent pour Louis. Martignac le mettra sans doute à la cour des comptes. Mais, si tu ne me dis pas pourquoi tu restes en province, je me fâche. Est-ce pour ne pas avoir l’air d’être toute la politique de la maison de l’Estorade ? est-ce pour la succession de l’oncle ? as-tu craint d’être moins mère à Paris ? Oh ! comme je voudrais savoir si c’est pour ne pas t’y faire voir, pour la première fois, dans ton état de grossesse, coquette ! Adieu.


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