L'Inconnu
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ACTE IV - Scène VI

Thomas Corneille

ACTE IV - Scène VI


(LA COMTESSE, OLIMPE, LE VICOMTE, LE MARQUIS, LE CHEVALIER, LA MONTAGNE, REPRESENTANT UN COMEDIEN, VIRGINIE, CASCARET)
(DIALOGUE D'ALCIDON ET D'AMINTE.)

Cascaret
Madame.

La comtesse
Que veut-on ?

Cascaret
Un Monsieur vous demande.

La comtesse
Voyez qui c'est, Virgine, et l'amener ici.

Virginie
Je n'irai pas bien loin, Madame, le voici.

La montagne ( representant un comedien)
Ayant plus d'une fois eu l'honneur de paroître
Devant leurs Majestés, je croirois mal connoître
Ce que l'on doit, Madame, à votre qualité,
Si m'étant pour ce soir dans le Bourg arrêté,
Je ne vous venois pas faire la révérence.

La comtesse
Je suis fort obligée à votre complaisance ;
Mais ne sachant à qui…

Le comedien
Je suis comédien.
Madame.

Le vicomte
Ah, Serviteur. Ne vous manque-t-il rien
Pour nous pouvoir ici donner la comédie ?

Le comedien
Non, Monsieur.

Le vicomte
Il faudroit quelque pièce applaudie,
Où l'emploi des acteurs répondit…

Le comedien
Laissez-nous
Le soin de la choisir.

Le vicomte
Et Circé, l'avez-vous ?

Le comedien
Nous, Circé ? Non, Monsieur ; Paris seul est capable…

Le vicomte
Les Singes m'y charmoient, leur Scène est admirable.

Olympe
C'est là le bel endroit.

Le vicomte
Il plaît à bien des gens.

La comtesse
(, au comédien.)
Et comment jouerez-vous ?

Le comedien
Avec des paravents.
Un moment suffira pour dresser un théâtre.

Olympe
La Comédie enchante, et j'en suis idolâtre.

Le vicomte
J'en voudrois retrancher ces grandes Passions.
On y pleure, et je hais les Lamentations.

Olympe
Vous êtes gai.

Le comedien
Jamais aucun chagrin en tête,
Je ris toujours.
Tandis que la troupe s'apprête,
Nous avons parmi nous des voix dont on fait cas.
Vous plaît-il les ouïr ?

La comtesse
Qui ne le voudroit pas ?

Le vicomte
Ce début de chanteurs servira de prologue.
Le comédien aux acteurs musiciens.
Avancez, vous allez entendre un Dialogue,
Dont j'ai vu jusqu'ici tout le monde charmé.
Voyons ce Dialogue.

Le comedien
Il est fort estimé.

Alcidon
Quoi, vous aimez ailleurs ? Vous pouvez me haïr ?
À des ordres cruels vous voulez obéir,
Et sans pitié de l'ennui qui me presse,
Vous oubliez cette tendresse
Que vous m'avez juré de ne jamais trahir ?
Vous gardez le silence ? Ah, c'est assez me dire.
Ma mort est résolue. Et bien, il faut vouloir
Ce que votre rigueur désire.
C'en est fait, je me meurs, j'expire,
Goûtez le plaisir de le voir.

Aminte
De grâce, modérez vos plaintes.
Je n'ai pas moins d'amour que vous,
Et la même douleur dont vous sentez les coups,
Porte sur moi les plus vives atteintes.
Elle m'abat, elle m'ôte la voix,
Et ne peut rien sur ma tendresse.

Alcidon
Quoi, toujours dans mon sort l'amour vous intéresse ?

Aminte
Vous avez mérité mon choix,
Et si c'est le seul bien qui toucha votre envie,
Rien ne vous devroit alarmer.
Quand on a commencé d'aimer,
N'aime-t-on pas toute sa vie ?

Alcidon
Ah, puisque toujours votre cœur
Est le prix du beau feu qui règne dans mon âme,
Tout doit céder à mon bonheur.

Aminte
Vous avez douté de ma flamme.

Alcidon
Hélas ! M'en pouvez-vous blâmer ?

Aminte
Ma foi vous répondoit de mon amour extrême,

Alcidon
Qui ne craint point de perdre ce qu'il aime,
Sait peu ce que c'est que d'aimer.
Tous deux ensemble.
Aimons-nous à jamais, aimons ; et si l'envie
Qui s'oppose à des feux si doux,
Nous condamne à perdre la vie,
Mourons en disant, aimons-nous.

La comtesse
Il n'est guère de voix plus douces, ni plus nettes.

Le vicomte
D'accord ; mais quant à moi, vivent les Chansonnettes
Aux airs trop sérieux, je prends peu de plaisir.

Le comedien
Ils en savent de gais, vous n'avez qu'à choisir.

Le comedien
Allons. Voyons un peu comme ce Gai s'entonne ;
Notre jeune Mourante a la mine friponne.
Çà, point de tons dolents, je ne les puis souffrir ;
Surtout plus de Mourrons, j'en ai pensé mourir.
(CHANSON)
Quand l'Amour nous attire,
Les maux sont dangereux
Qu'on souffre en son empire ;
Mais si l'on en soupire,
Un seul moment heureux
Répare le martyre
Des cœurs bien amoureux.
Il est des inhumaines
Qui d'un cœur enflammé
Laissent durer les peines.
Ce sont de rudes gênes ;
Mais d'un Amant aimé
Plus on serre les chaînes,
Plus il en est charmé.

Le vicomte
Voilà mon amitié.

Olympe
La chanson est jolie.
Mais en chantant toujours, le Théâtre s'oublie.

Le comedien
J'en aurai soin.

Le vicomte
Allons-y faire travailler,
Et leur choisir un lieu commode à s'habiller.


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