(LA COMTESSE, OLIMPE, LE MARQUIS, LE CHEVALIER, VIRGINIE, LA MONTAGNE, REPRESENTANT UNE BOHEMIENNE, TROUPE DE BOHEMIENS)
(Ils entrent tous au bruit des Castagnettes, et des tambours de Biscaye.)
La comtesse
Pour des Bohémiens, cet équipage est beau.
Virginie
On les a rencontrés qui venoient au Château.
La comtesse
Rien n'est si propre qu'eux.
Le chevalier
La bande est fort complète.
Olympe
Elle vaut bien la voir.
La comtesse
J'en suis très satisfaite.
La bohemienne
Nous ne faisons qu'arriver de Paris,
Où pour avoir dit des nouvelles,
Assez agréables aux Belles,
On nous a fait présent de ces riches habits ;
Mais rien n'approche là de ce qu'on voit paroître,
Où vos divins attraits cessent d'être cachés.
Comme de tous les cœurs leur éclat se rend maître,
Souffrez qu'en l'admirant nous vous fassions connoître,
Combien nous en sommes touchés.
La comtesse
La figure est galante.
Olympe
Et fort bien ordonnée.
Partout où vous irez le prix vous est certain.
Mais voyez cette belle main,
Et nous dites à qui l'Amour l'a destinée.
La Comtesse donnant la main.
Puisque vous le voulez, il faut y consentir.
La bohemienne
Comme nous sommes Gens de qui la connoissance
Sut de l'erreur toujours se garantir,
C'est sur nous seuls qu'on doit prendre assurance,
Les autres ne font que mentir.
Dans vos plus grands projets vous serez traversée,
Mais en vain contre vous la brigue emploiera tout
Vous aurez le plaisir de la voir renversée,
Et d'en venir toujours à bout.
Vous avez quelque fois de flatteuses manières
Qui seroient pour l'espoir un motif bien pressant,
Si pour les balancer vous n'en aviez de fières,
Qui le font mourir en naissant.
Cette ligne qui croise avec celle de vie,
Marque pour votre gloire un murmure fatal ;
Sur des traits ressemblants on en parlera mal,
Et vous aurez une Copie
Qui vous fera croire l'Original
D'un honneur ennemi de la cérémonie.
N'en prenez pas trop de chagrin.
Si votre gaillarde Figure
Contre vous quelque temps cause un fâcheux murmure,
Un tour de Ville y mettra fin,
Et vous rirez de l'aventure.
Votre cœur est brigué par quantité d'Amants,
Mais le premier de tous pourroit s'en rendre maître,
Si le dernier, sans se faire connoître,
Ne vous inspiroit pas de tendres sentiments.
Cependant vous aurez beau faire.
Même prix, même gloire est acquise à leurs feux.
Vous les épouserez tous deux,
C'est du Destin un Décret nécessaire.
La comtesse
Tous deux ?
Olympe
Si pour constant ce Décret est tenu,
Madame, du Marquis nous demandons la vie,
Il vous a le premier servie.
Quand vous serez Veuve de l'Inconnu,
Vous pourrez l'épouser, s'il vous en prend envie.
Le marquis
Non, non, je prends sur moi le soin de démentir
La nécessité du veuvage.
La comtesse
Laissons-là tout ce badinage,
Et songeons à nous divertir.
Point de mort, ni de mariage.
Le chevalier
Leur rapport ne peut rien que sur les scrupuleux,
Qui s'en font un fâcheux augure.
Olympe
Et ces Enfants qu'ils mènent avec eux,
Disent-ils la Bonne Aventure ?
Petit bohemien
Croyez-vous qu'on nous mène en vain ?
Si vous voulez, je vous dirai la vôtre.
Olympe
Je vous écouterai plus volontiers qu'un autre.
Venez, j'abandonne ma main.
Petit bohemien
Pour découvrir plus à mon aise
Ce que j'y vois de plus caché,
Avant toute chose, il faut que je la baise.
C'est là ce que je mets toujours à mon marché.
Olympe
Il peut garder son privilège,
Sans qu'on songe à le contester.
Petit bohemien
Il est doux de vous en conter,
Mais il faut se garder du piège.
Vous êtes fine, fine, et vous ne dites pas
Tout ce que vous avez dans l'âme.
Un Amant déclaré brûle pour vos appas ;
Mais comme un autre en secret vous enflamme,
De ce premier, ma bonne Dame,
Vous avez peine à faire cas.
Le chevalier
Vous le voyez, Madame, un Enfant vous accuse.
Condamnez mon jaloux dépit.
Olympe
À faire un conte en l'air l'âge lui sert d'excuse.
Il parle comme il peut, sans savoir ce qu'il dit.
Petite bohemienne
Pour moi, dont la science encor n'est pas si grande,
Que de tout comme lui je puisse discourir,
Si vous me le voulez souffrir,
Je vais danser la Sarabande.
La comtesse
Voyons. Quel passe-temps plus doux pourroit s'offrir ?
La petite bohémienne danse, et après qu'elle a dansé, une bohémienne chante les deux couplets suivants sur l'air de la sarabande.
(CHANSON DE LA BOHEMIENNE.)
Il faut aimer, c'est un mal nécessaire
Quand le Bel âge attire les Amours.
Qui fait la fière
Dans ses beaux jours,
N'est pas toujours,
Sûre de plaire.
On court toujours où brille la Jeunesse,
Ménagez bien cet aimable printemps.
Pour la tendresse
Il n'est qu'un temps,
Et les beaux ans
S'en vont sans cesse.
Cette Chanson étant finie, les Bohémiens font encore quelques figures en marchant ; après quoi, la même Bohémienne chante ces autres Paroles sur un autre Air que celui de la Sarabande.
Si l'Amour tôt ou tard
Nous met sous son empire,
À ce qu'il désire
Prenons quelque part,
Et fuyons le martyre
D'aimer par hasard.
Choisissons un cœur tendre,
Fidèle, amoureux.
Il est trop dangereux
De se laisser surprendre ;
Et pour trop attendre,
On est malheureux.
La comtesse
J'admire également et la voix et la danse,
Il n'est rien dont par là vous ne veniez à bout,
Et vous méritez tous que pour reconnoissance…
La bohemienne
Vous avoir divertie est une récompense
Qui nous doit tenir lieu de tout.
La comtesse
Mais je veux qu'un présent…
La bohemienne
Non, Madame, de grâce,
Réservez vos présents, et nous laissez aller.
Olympe
Ils sortent.
La comtesse
Suivez-les, Virgine, et que l'on fasse
Tout ce qui se pourra pour les bien régaler.
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