L'Inconnu
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ACTE II - Scène VII

Thomas Corneille

ACTE II - Scène VII


(LA COMTESSE, LE MARQUIS, LE CHEVALIER, OLIMPE, LA MONTAGNE REPRESENTANT COMUS, VIRGINIE, MELISSE, SUITE DE COMUS)
(Le marquis sort.)

Comus
Madame, par hasard si Comus est un Dieu
Qui soit de votre connoissance,
Vous le voyez en moi qui parois en ce lieu
Pour vous jurer obéissance.
Je suis un grand Maître en Festins.
À les bien ordonner on connoît mon génie,
Et l'Amour dont le goût fut toujours des plus fins,
Voulant en bonne compagnie
Vous donner un régale approchant des Divins,
M'a fait Maître d'Hôtel de la Cérémonie.
C'est un Dieu, quoique très petit,
À qui l'on peut céder sans honte.
Marchez sous sa conduite, et rendez-vous plus prompte
À faire tout ce qu'il vous dit ;
Vous y trouverez votre compte.

La comtesse
Sur l'espérance des douceurs
Dont l'Amour doit combler nos cœurs,
Quand une fois il s'en empare,
Je suivrois volontiers ses pas,
Mais comme il est Enfant, j'ai peur qu'il ne s'égare,
Et j'aime à ne me perdre pas.

Comus
Avancez, il est temps. Vite, que l'on commence.
Il fait signe à des paysans qui s'avancent, et qui forment un berceau composé de dix figures isolées en forme de termes de bronze doré, cinq de chaque côté, l'une d'homme, et l'autre de Femme, tenant chacune en l'une de leurs mains un bassin de porcelaine rempli de toute sorte de fruits en pyramide. Ces figures depuis la ceinture, se terminent en gaines, et ces gaines sont environnées de pampres de vigne chargés de raisins. Chaque figure est portée sur son piédestal de marbre d'Orient, où il y a de petites consoles dans les saillies qui soutiennent des porcelaines de différentes manières, remplies de pyramides de fruits aussi beaux que les autres. Du milieu de ces consoles pendent des festons de fleurs. Toutes les figures de ce berceau portent sur leurs têtes de grands vases de porcelaine qu'elles soutiennent d'une main et qui sont remplis en confusion de fleurs naturelles. Les cintres naissent de ces fleurs, et ornent des Figures cintrées de différentes manières de verdure coupée, d'où pendent des festons de fleurs, et de toile d'or. L'optique de ce berceau où devroit être un buffet, est d'une manière toute extraordinaire. On y voit plusieurs degrés de gazon, et sur le plus élevé paroît un Bacchus tenant d'une main un vase d'or, et de l'autre une coupe. Il est environné de plusieurs vases d'or et d'argent. La Déesse des fruits est à son aile droite, et à sa gauche Cérès tient dans une corbeille ce qui est de son ministère. Flore est un peu plus bas. On voit à ses côtés de grandes corbeilles de fleurs, et comme elle en tient encore beaucoup, on connoît qu'elle en couvre tout le gazon qui l'environne ; ce qui se remarque par celles qui sont déjà sur ce gazon. Au-dessous de Flore on voit l'Abondance avec deux cornets qu'elle vide dans deux corbeilles que tiennent deux Satyres qui sont sur un degré plus bas, à demi courbés, et en posture de Gens qui reçoivent. Entre toutes ces figures paraissent Pan et Sylvain, accompagnés d'Orphée qui tient son Luth, et les deux autres des flûtes. Le tout est fini par un degré de gazon, aux deux bouts duquel il y a deux scabellons fort riches ; et portant chacun un grand vase d'or ; de sorte que sans avoir dressé un Buffet de la manière ordinaire, on en voit paroître un beaucoup plus beau ; et auquel il ne manque rien, puisque Bacchus et Cérès y apportent ce qu'on peut attendre d'eux, et que Flore elle-même prend soin de le venir orner.

Le chevalier
(, A la comtesse.)
Tant de galanterie a droit de vous charmer,
Madame.

Olympe
N'épargner ni peine, ni dépense,
Pour fournir des plaisirs toujours en abondance,
C'est là ce qui s'appelle aimer.

Comus
Madame, il ne faut point différer davantage.
Quand l'Amour, dont je prends ici les intérêts,
Vous rend par ce Régale un volontaire hommage,
Vous connoissez à quel usage
En sont destinés les apprêts.

La comtesse
Je ne veux pas les laisser inutiles.
Olympe y prendra part ainsi que son amant.

Olympe
Volontiers ; les refus sont assez difficiles,
Quand on agit si galamment.

La comtesse
J'ai besoin d'une main, la vôtre est-elle prête,
Marquis ?

Le marquis
Vous vous moquez, je crois.

La comtesse
Non, vous me conduirez.

Le marquis
Je renonce à la fête,
Elle n'est pas faite pour moi.

La comtesse
Point d'excuses, point de défaites ;
Je veux que vous veniez.

Le marquis
Eh, Madame.

La comtesse
Eh, Marquis,
Sans façon, croyez-moi, faites ce que je dis ;
Vous vous montrez plus jaloux que vous n'êtes.

Le marquis
Justement.

La comtesse
Je connois votre cœur mieux que vous,
Et c'est si rarement que le trouble y peut naître…

Le marquis
Oui, Madame, j'ai tort de paroître jaloux,
Car je n'ai pas sujet de l'être.


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