(LE MARQUIS, VIRGINIE)
Le marquis
Et bien, Comment la nuit s'est-elle ici passée ?
Que fait-on ?
Virginie
Ma maîtresse est fort embarrassée,
Et ce que l'Inconnu fait pour la régaler,
Lui donne à tous moments matière de parler.
Olympe aussi bien qu'elle admire son adresse.
Sa manière engageante, et toutes deux sans cesse
Font rouler l'entretien sur les soins d'un Amant
Qui, sans se découvrir, aime si fortement.
Le marquis
Si toujours le succès répond à l'entreprise,
La suite aura de quoi mériter leur surprise.
Virginie
Ce qui m'en cause à moi, dont je ne reviens pas,
C'est de vous voir tranquille, et si peu d'embarras,
Que quelque Fête ici tous les jours qui se donne,
On en cherche l'Auteur, sans que l'on vous soupçonne.
Le marquis
Par où me soupçonner ? J'en ai peu de souci.
Je loge dans le Bourg à quatre pas d'ici.
Tous mes Gens, hors un seul qui sait ce qu'il faut taire,
Passent là tout le jour à rire, à ne rien faire ;
Et cet unique Agent par qui tout se conduit,
Va porter dans un Bois mes ordres chaque nuit.
Peut-on mieux assurer un secret ?
Virginie
Je l'avoue,
Tant de précaution mérite qu'on vous loue ;
Mais vous perdez beaucoup à vous cacher ainsi.
Déjà pour vous Olympe a le cœur adouci,
Et le galant Auteur de tant de belles Fêtes
La mettroit aisément au rang de ses conquêtes.
Le marquis
Il est vrai, j'ai connu par certains embarras
Qu'elle seroit d'humeur à ne me haïr pas ;
Mais quand je serois moins à ma belle Comtesse,
Olympe au Chevalier doit toute sa tendresse.
Il l'adore, et je l'ai toujours trop estimé,
Pour lui ravir l'objet dont je le vois charmé.
Virginie
Ma Maîtresse aime Olympe, et pour voir cette Belle,
Permet au Chevalier un libre accès chez elle.
Depuis qu'elle est ici par mille tendres soins,
De l'amour qui l'attire il rend nos yeux témoins ;
Mais plus on vous verra, plus je crains pour sa flamme.
Les devoirs qu'il lui rend ne touchent point son âme,
Et ses regards sur vous à toute heure arrêtés,
Ne parleroient que trop, s'ils étoient écoutés.
Mais vous, par quel motif vouloir toujours vous taire ?
A-t-on à se cacher, quand on est sûr de plaire ?
Vos soins sous votre nom auroient été reçus.
Le marquis
Chacun a ses raisons, et j'en ai là-dessus.
Tout ce qui peut charmer se trouve en la Comtesse ;
Mais soit par défiance, ou par délicatesse,
Le secret de son cœur se ménage si bien,
Qu'avec elle un Amant n'est jamais sûr de rien.
Elle veut être aimée, attire, écoute, engage,
Mais le plus avancé n'a pas grand avantage.
La presser c'est se rendre indigne de sa foi,
Et vingt fois, tu le sais, elle a dit devant moi
Qu'on auroit vers son cœur moins de chemin à faire,
Plus, sans rien exiger, on feroit pour lui plaire.
D'abord qu'elle fut Veuve, un tendre et pur amour
M'engagea sans réserve à lui faire ma cour.
Aucun autre avant moi n'avoit brûlé pour elle,
Et par toute l'ardeur qui peut suivre un beau zèle,
Je n'ai pu mériter qu'en faveur de mes feux
Elle ait daigné jamais refuser d'autres voeux.
J'en vois qui se livrant, sans que rien les alarme,
Aux malignes douceurs d'un accueil qui les charme,
Sur la foi de ses yeux s'osent imaginer
Que son cœur est sensible, et prêt à se donner ;
Mais je connois le piège, et plains leur imprudence.
Cependant pour agir avec plus d'assurance,
J'ai voulu joindre aux vœux qu'elle reçoit par moi,
L'amour d'un Inconnu qui prétend à sa foi.
D'estime en sa faveur je la vois prévenue,
Et de ce double appui ma flamme soutenue
En aura moins de peine à me faire emporter
Ce qu'en vain mes Rivaux me voudront disputer.
Son cœur aimant en moi mon amour, ma personne,
Aime dans l'In connu les plaisirs qu'il lui donne.
Elle y rêve, et mon feu par cet heureux secours
A trouvé les moyens de l'occuper toujours.
D'ailleurs, j'ai la douceur, (quel plaisir quand on aime !)
Que souvent elle vient me parler de moi-même,
Et vantant l'Inconnu, sans le croire si près,
Me montre un cœur touché de tout ce que je fais.
Que t'en dit-elle à toi ? Parle.
Virginie
Elle en est ravie.
La gloire fut toujours le charme de sa vie.
Plus vos soins font d'éclat, plus elle s'applaudit
De ce qu'à son mérite ils donnent de crédit.
Ce n'est point par sa flamme une flamme enhardie,
Elle reçoit des vœux sans qu'elle les mendie ;
Et puis, contre l'Amour quoi qu'on ait résolu,
Le nombre des Amants n'a jamais trop déplu ;
Et comme on veut plutôt augmenter que rabattre,
Un avec un fait deux, et deux et deux font quatre.
Les Femmes la plupart en sont là. Mais voici
De quoi changer de note ; Olympe vient ici.
Songez à vous, elle a grand dessein de vous plaire.
Le marquis
Souviens-toi seulement de ce que tu dois faire,
Je m'en tirerai bien.
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