(LE COURTISAN, FONTIGNAC)
LE COURTISAN
Je t'avoue, Fontignac, que je me sens ébranlé.
FONTIGNAC
Jé lé crois : la raison et vous, dans lé fond, vous n'êtes vrouillés qué faute dé vous entendre.
LE COURTISAN
Est-il vrai que ma sœur est convenue de toutes les folies dont elle parle ?
FONTIGNAC
L'histoiré rapporte qu'elle en a fait l'aveu d'une manière exemplaire, en vérité.
LE COURTISAN
Elle qui était si glorieuse, comment a-t-elle souffert cette confusion-là ?
FONTIGNAC
On dit en effet qué son âme d'abord était en travail. Grand nombre d'exclamations : où en suis-je ? On rougissait. Il est venu des larmes, un peu dé découragément, dé pétites colères brochant sur le tout. La vanité défendait le logis ; mais enfin la raison l'a serrée dé si près, qu'elle l'a, comme on dit, jetée par les fenêtres, et jé régarde déjà la vôtre commé sautée.
LE COURTISAN
Mais dis-moi de quoi tu veux que je convienne ; car voilà mon embarras.
FONTIGNAC
Jé vous fais excuse ; vous êtes fourni ; votre emvarras né peut vénir qué dé l'avondancé du sujet.
LE COURTISAN
Moi, je ne me connais point de ces faiblesses, de ces extravagances dont on peut rougir ; je ne m'en connais point.
FONTIGNAC
Eh bien ! jé vous mettrai en pays dé connaissance !
LE COURTISAN
Vous plaisantez, sans doute, Fontignac ?
FONTIGNAC
Moi, plaisanter dans lé ministère qué j'exerce, quand il s'agit dé guérir un avugle ! Vous n'y pensez pas.
LE COURTISAN
Où est-il donc cet aveugle ?
FONTIGNAC
Monsieur, avrégeons ; la vie est courte ; parlons d'affaire.
LE COURTISAN
Ah ! tu m'inquiètes. Que vas-tu me dire ? Je n'aime pas les critiques.
FONTIGNAC
Jé vous prends sur lé fait. Actuellément vous préludez par une petitesse. Il en est dé vous commé dé ces vases trop pleins ; on né peut les rémuer qu'ils né répandent.
LE COURTISAN
Voudriez-vous bien me dire quelle est cette faiblesse par laquelle je prélude ?
FONTIGNAC
C'est la peur qué vous avez qué jé né vous épluche. N'avez-vous jamais vu d'enfant entre les bras dé sa nourrice ? Connaissez-vous lé hochet dont elle agite les grelots pour réjouir lé poupon avecqué la chansonnette ? Qué vous ressemvlez bien à cé poupon, vous autres grands seignurs ! Régardez ceux qui vous approchent, ils ont tous lé hochet à la main ; il faut qué lé grélot joue, et qué sa chansonnette marché. Vous mé régardez ? Qué pensez-vous ?
LE COURTISAN
Que vous oubliez entièrement à qui vous parlez.
FONTIGNAC
Eh ! cadédis, quittez la bavette ; il est bien temps qué vous soyez sévré.
LE COURTISAN
Voilà un faquin que je ne reconnais pas. Où est donc le respect que tu me dois ?
FONTIGNAC
Lé respect qué vous démandez, voyez-vous, c'est lé sécouement du grélot ; mais j'ai perdu lé hochet.
LE COURTISAN
Misérable !
FONTIGNAC
Plus dé quartier, sandis. Quand un homme a lé bras disloqué, né faut-il pas lé rémettre ? Céla s'en va-t-il sans doulur ? et né va-t-on pas son train ? Cé n'est pas le bras à vous, c'est la tête qu'il faut vous rémettre ! tête dé coutisan, cadédis, qué jé vous garantis aussi disloquée à sa façon, qu'aucun bras lé peut être. Vous criérez : mais jé vous aime, et jé vous avertis qué jé suis sourd.
LE COURTISAN
Si j'en croyais ma colère…
FONTIGNAC
Eh ! cadédis, qu'en feriez-vous ? Lé moucheron à présent vous combattrait à force égale.
LE COURTISAN
Retirez-vous, insolent que vous êtes, retirez-vous.
FONTIGNAC
Pour lé moins entamons lé sujet.
LE COURTISAN
Laissez-moi, vous dis-je ; mon plus grand malheur est de vous voir ici.
L'Île des esclaves, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1725, se déroule sur une île utopique où les rapports sociaux sont inversés pour rétablir la justice. L'intrigue débute...
L'Heureux Stratagème, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1733, raconte les manœuvres subtiles de deux amants pour raviver leur amour mis à l'épreuve. La marquise et le chevalier,...
L'Héritier de village, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1725, raconte les mésaventures d’un jeune homme naïf, Eraste, nouvellement désigné comme héritier d’un riche villageois. L’histoire se déroule...
Les Serments indiscrets, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1732, explore les contradictions de l’amour et de la parole donnée. L’intrigue tourne autour de Lucile et Damis, deux...
Les Fausses Confidences, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1737, met en scène les stratagèmes de l’amour et les jeux de manipulation pour conquérir un cœur. L’histoire suit...